« Kassovitz, Faurisson du 11 septembre » : ils ont osé !
Nous vivons vraiment dans un drôle de pays. Peut-être le seul au monde où il est interdit de réfléchir sur le 11-Septembre. Les Etats-Unis sont, de ce point de vue, infiniment plus ouverts à la discussion, jusque sur la très bushiste chaîne Fox News. Oui, oui, des débats y ont eu lieu, dans une ambiance un tantinet plus respirable qu'en France. Allez comprendre...
Il y a quelques jours, c'est le journaliste Eric Raynaud qui était "assassiné" en direct sur France 3 par Franz-Olivier Giesbert et Mohamed Sifaoui. L'auteur des Vérités cachées était littéralement empêché de parler et traîné dans la boue. On lui reprochait d'avoir "fait les poubelles" du Net... où l'on trouve en effet la source principale des "chercheurs de vérité", le site Complete 9/11 Timeline, qui regroupe, peu ou prou, tous les articles parus dans les médias (petits et grands) sur le 11-Septembre. C'est sans doute ce que Sifaoui appelle les poubelles...
Il y a de l'ironie à ce que la tâche d'exécuter Raynaud ait été confiée à un homme aussi approximatif, Sifaoui, aux multiples casseroles (son reportage sur les Asiatiques dans Le Droit de savoir est resté dans les mémoires), et lui-même récemment taillé en pièces dans Marianne2 par un professeur à Sciences-Po pour sa fameuse bande dessinée sur Ben Laden, qu'il est venu présenter chez FOG, mais dont on n'a pas parlé. Selon le prof Jean-Pierre Filiu, spécialiste d'Al Qaïda, la BD est bourrée d'erreurs et d'approximations !
L'an passé, le psychanalyste Karim Sarroub avait d'ailleurs brossé un portrait psychologique inquiétant de "ce personnage aux méthodes ne respectant absolument aucune déontologie journalistique". Le titre de l'article : "Mohamed Sifaoui et les délires de la subjectivité". Sa conclusion : "Journaliste est une charge qui ne doit pas être ouverte à des gens farfelus ou dérangés psychologiquement". Je laisse à Karim Sarroub la responsabilité de son jugement, mais c'est un expert qui parle, et Sifaoui ironisait justement auprès de Raynaud sur la prétendue absence d'experts du côté des Truthers... En voilà donc un qui a un avis autorisé sur lui.
Pour ceux qui auraient raté ce formidable moment de télé, c'était vendredi dernier dans Vous aurez le dernier mot, une émission qui portait ce soir là vraiment bien son nom... l'invité principal n'ayant jamais pu réellement parler et développer la moindre idée.
Après ce premier massacre, il y en eut un deuxième, ce mercredi, celui de Mathieu Kassovitz, suite à son passage, mardi 15 septembre, dans l'émission de Frédéric Taddeï Ce soir ou jamais. Le débat a pour raison d'être la sortie du livre d'Eric Raynaud, qu'on ne songe pourtant pas à inviter... La question posée aux invités est : faut-il débattre à la télévision des zones d'ombre du 11-Septembre, ou laisser ces questions aux cloaques du Net ? Et Kassovitz a l'outrecuidance de répondre que oui, bien sûr, il faut en parler. Et il argumente quelque peu, dans le peu de temps qui lui est imparti, sur une poignée de points troublants. Et le voilà d'emblée assimilé à un "conspirationniste" par sa voisine, et bientôt un autre invité, Marin Karmitz, assène l'argument massue : tout questionnement sur le 11-Septembre nous mènerait tout droit au négationnisme touchant les chambres à gaz ! Mathieu Kassovitz répondra fort heureusement à cet amalgame sans fondement.
Mais le lynchage aura lieu le lendemain, dans la presse. Les snipers en chef : Renaud Revel de L'Express, et Jean-Marc Morandini d'Europe 1 et Direct 8. Commençons par le plus choquant et le scandaleux papier de Revel, qui fustige une "diatribe révisionniste" de la part de Kassovitz, constituant selon lui un dérapage, et qui conclut son papier sur ces mots, terribles : "Kassovitz en Faurisson du 11 septembre, il ne manquait plus que cela."
Faurisson nie l'existence des chambres à gaz durant la Seconde Guerre mondiale. Kassovitz, lui, prend acte des zones d'ombre du 11-Septembre (que tout le monde admet) et trouve justifié un questionnement sur cet événement, voire un soupçon sur l'administration Bush, dont l'attitude fut plus que trouble avant, pendant et après les attentats, et dont les mensonges sont avérés. Comment peut-on oser mettre en relation ces deux noms ? Kassovitz nie-t-il l'existence de quoi que ce soit ? Nie-t-il les morts ? les avions crashés ? Le héros du film Amen de Costa-Gavras est-il suspect d'antisémitisme ? Comment le rédacteur en chef d'un hebdomadaire de cette importance peut-il se laisser aller à pareille comparaison - surtout après la salutaire mise au point faite par Kassovitz lui-même durant l'émission ? Injurier en toute impunité : on nous avait fait croire que c'était l'apanage des blogueurs sans contrôle... Les journalistes seraient-ils devenus des blogueurs comme les autres ?
La deuxième vague du lynchage est venu de Jean-Marc Morandini, le preux chevalier du PAF, qui essaie désespérément de se racheter une conduite après avoir animé dans les années 90 une émission symbole de la télé poubelle (pas besoin d'aller à l'époque sur Internet pour baigner dans les ordures). Pour ceux qui auraient la chance d'avoir oublié, petit rappel du passif de Morandini :
Et c'est donc ce type qui, très sérieusement, vient demander, ce matin sur Europe 1, si Mathieu Kassovitz a le droit de parler du 11-Septembre à la télé, si on peut y laisser s'exprimer tous les avis... et s'appuie, pour ce faire, sur... je vous le donne en mille : Renaud Revel !
On note que Morandini n'y connaît rien, qui parle de la tour 3 à la place de la tour 7, entre autres approximations... mais passons. Renaud Revel, dans cette interview, revient, remarquons-le, sur son article où il assimilait Kassovitz à Faurisson, puisqu'il dit à présent qu'on ne peut pas comparer le "révisionnisme" du 11-Septembre et celui de la Shoah, l'histoire n'ayant pas encore tranché dans le premier cas.
Selon Bonnaud, Kassovitz a dit "des choses littéralement énormes" et il est "évident" pour lui que le questionnement sur le 11-Septembre débouche sur le négationnisme... Et le voilà qui, pour appuyer son idée, fait appel à des documentaires qui ont démontré que c'est "la pire extrême droite américaine antisémite qui est la plus grande partisane de cette théorie du complot"...
On imagine qu'il fait référence au film de Stéphane Malterre 11-septembre : enquête sur la théorie du complot. Il se trouve que ce film constitue, pour une grande part, une véritable manipulation, dont voici la preuve en images :
Bizarrement, Morandini & Co n'ont pas encore relayé l'existence de ce film salutaire, intitulé 11-Septembre : Un Jeudi Noir de l'Information. Mercredi, en fin de journée, Morandini remettra le couvert dans son émission sur Direct 8. Il interroge son invité, le journaliste Guillaume Durand : "Peut-on laisser dire ça à la télé ?" Et Durand de répondre : "C'est l'exemple typique des ravages d'internet ! Dieu sait que Kassovitz a beaucoup de talent mais on sait tous qu'il n'aime pas trop Bush alors il a trouvé ça. Il faut quand même savoir que Al Qaeda a revendiqué des centaines de fois les attentats..."
Bref, on n'est pas sûr qu'on aura encore longtemps le droit en France de parler de ce sujet... Dans le reste du monde, une telle restriction à la liberté de penser ne semble pas d'actualité. Rien qu'un exemple, en Belgique, sur la RTBF :
Mise à jour (jeudi 14h) :
Dans L'Edition spéciale de ce jeudi midi, sur Canal Plus, on retrouve Franz-Olivier Giesbert, qui affirme que les "conspirationnistes" sont de la même famille que les "scientologues" et les "Témoins de Jehovah", mais qu'on doit quand même les laisser s'exprimer... on a vu comment. Bruce Toussaint, le présentateur, ne voit pas où se situeraient les soi-disant zones d'ombre du 11-Septembre... Quant à Nicolas Domenach, chroniqueur, il associe à son tour les doutes sur la version officielle du 11-Septembre à l'antisémitisme... et l'on se réfère encore au documentaire de Stéphane Malterre.
La terrible comparaison entre Kassovitz et Faurisson a également été faite dans l'émission C à vous du 16 septembre sur France 5. D'abord, c'est Nicolas Poincaré, très remonté, qui prétend que Kassovitz a contesté l'existence du 11-Septembre ! (le journaliste reconnaîtra en fin d'intervention n'avoir pas lu le livre d'Eric Raynaud, preuve de sa grande connaissance du sujet...) Puis, une chroniqueuse de l'émission, Nathalie Levy, lance : "...étrange de l'entendre citer Goebbels, dévoué corps et âme à Hitler... où il dit, plus le mensonge est gros, plus il passe... étrange dans la bouche de Mathieu Kassovitz qu'on connaît quand même avec de l'humanisme, qui a aussi souvent pris part à certaines causes... Effectivement, Kassovitz en Faurisson du 11 septembre, ça fait froid dans le dos, quand même."
D'ailleurs, aujourd'hui, sur le site de France Info, radio où oeuvre aussi Nicolas Poincaré, on trouve un joli photomontage associant Kassovitz et Hitler, sous le titre : Hitler doublé fait le buzz, Kassovitz s’interroge sur le 11/9. Aucune mauvaise intention derrière ce montage, on l'imagine bien...
Poincaré, accompagné de David Abiker, interroge justement, sur France Info, Frédéric Taddeï, qui ne comprend vraiment pas la polémique suscitée par les propos de Mathieu Kassovitz. Alors qu'Abiker lui demande si le cinéaste ne risque pas de faire l'objet d'un "bashing" dans les médias et sur Internet pour "mettre en débat la réalité du 11-Septembre", Taddeï remet les choses au clair : "J'espère bien que non, dans le sens où il ne remet pas en cause les attentats du 11-Septembre, à aucun moment (...). Je ne comprends pas où on veut en venir. Vous savez, aux Etats-Unis, il y a énormément de gens qui disent la même chose que Mathieu Kassovitz (...) et personne ne leur a jamais causé le moindre ennui. Encore une fois, je ne vois pas ce que Mathieu Kassovitz a dit qui mériterait qu'on le condamne ou qu'on le vilipende. Il a dit qu'on a le droit au doute". Taddeï rappelle encore que le cinéaste a perdu une partie de sa famille dans les camps de concentration, ce qui rend d'autant plus stupide le rapprochement avec Faurisson.
Poincaré demande enfin à Taddeï s'il a lui-même des doutes sur le 11-Septembre. Taddeï répond rapidement par la négative, mais Poincaré conclut l'entretien avec cette petite pique, pleine de sous-entendu : "Merci Frédéric Taddeï, même si vous n'avez pas voulu nous dire le fond de votre pensée, moi j'avais l'impression en vous regardant un peu, que vous aviez l'air un peu d'accord avec Mathieu Kassovitz, mais c'est votre droit de ne pas nous le répéter." En effet, c'est le droit de Frédéric Taddeï de vouloir éviter un lynchage médiatique comme en subit actuellement Mathieu Kassovitz.
Sur RMC, dans Les Grandes Gueules, c'est le comédien Samuel Le Bihan qu'on interroge sur les propos de Mathieu Kassovitz. Si Le Bihan accorde qu'on "a raison de poser des questions" car "on a manqué d'informations", il colporte malheureusement une rumeur au sujet de Loose Change, selon laquelle le film aurait été financé par des réseaux d'extrême droite... et une autre selon laquelle son propos serait de dire que le 11-Septembre "c'est un peu de la faute des Juifs". Cette idée n'est pourtant pas du tout présente dans Loose Change. Désinformation, quand tu nous tiens...
Pour finir ce petit tour d'horizon médiatique, Slate.fr publie ce jeudi en Une Kassovitz, Cotillard... ces people qui théorisent le complot, un article qui ne recule devant aucun mensonge. Après l'évocation de seulement trois "people" français (Cotillard, Bigard, Kassovitz), Jonathan Schel écrit en effet : "Il n'y a guère qu'en France qu'on entend aussi régulièrement des personnalités publiques évoquer les théories du complot." C'est évidemment faux. Aux Etats-Unis, c'est beaucoup plus fréquent. En revanche, quand le journaliste se demande : "Au bout du compte, une question se pose (...). Pourquoi fait-on parler ces gens de ce sujet ? Quelles compétences ont un humoriste, une actrice et un réalisateur pour juger de la vérité historique ?", nous ne pouvons qu'être d'accord avec lui. Il y a tant de gens plus compétents à faire parler : politiciens, agents du renseignement, militaires haut gradés, scientifiques, pilotes, tous facilement retrouvables sur un site : Partiots Question 9/11.
Alors au boulot les journalistes ! Même si vous n'êtes évidemment pas forcés d'aller aussi loin que Russia Today, qui publiait, le 9 septembre dernier, un article intitulé 911 reasons why 9/11 was (probably) an inside job... Prêts pour marcher dans les pas d'Eric Laurent ? un journaliste d'investigation qui a soulevé d'innombrables zones d'ombre du 11-Septembre sans jamais être pris à parti, et dont la crédibilité n'a jamais été mise en doute ? Chiche ?
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