L’affaire de l’été
Le soufflé est un peu retombé - tout passe, tout casse, tout lasse – et les passions exacerbées par la canicule ont fait long feu sauf dans le chef de quelques irréductibles qui récitent mécaniquement leur mantra.
On pourrait reprendre peut-être un peu haleine et se demander comment la grande affaire de l’été, ce ne furent moins les morts de Nice ou le brave prêtre égorgé par des demeurés que l’apparition ponctuelle de quelques exhibitionnistes d’un nouveau genre dont il n’est guère douteux qu’elles ont agi par provocation en agitant la muleta de leur burkini devant quelques esprits échauffés qui ne demandaient qu’à s’enflammer.
Ces derniers temps, sous l’action de stimuli envoyés fort à propos, neurones et synapses court-circuitent le pouvoir de l’intelligence qui a tendance à se liquéfier dans des expressions inédites de la sottise humaine.
Mais à bien y réfléchir, ce qui est le plus choquant pour l’esprit, c’est l’ellipse monstrueuse qui associe cette mode islamique au soi-disant état islamique qui n’en demande pas tant de tout ce pouvoir de nuisance que la complaisance médiatico-politique lui prête.
On notera que dans cette polémique qui a au moins apporté la confirmation du bas étiage de la réflexion politique, on n'a entendu au tout début que des hommes choqués que des femmes ne fussent pas fidèles à la représentation qu’ils s’en font et seulement ensuite les habituelles voix féminines qui font boutique de féminisme ( surtout quand il a une coloration anti-musulmane ).
Je trouve extrêmement bizarre cette arrogance des hommes ( des mâles ) à définir la manière dont les femmes doivent se présenter sur une plage.
Que ce soit d’ailleurs de la part de ceux qui imposeraient à leurs compagnes de s’affubler d’un burkini ou de tous ces beaux esprits – philosophes de café du commerce - qui définissent les décimètres carrés de chair qui doivent être découverts ( pour satisfaire leur libido ?) : le maximum – oserais-je le mot – d’impudeur étant évidemment le mieux surtout quand il s’agit des femmes des autres.
Qu’une femme pût être mal à l’aise avec son corps quand elle est matraquée par les images des pin-up retouchées des magazines et qu’elle pût avoir envie de le soustraire aux regards ne leur viendrait même pas à l’esprit : on me dira que celles qui sont dans ce mauvais cas ont tort de ne pas s’assumer telles qu’elles sont et j’en conviendrai bien volontiers mais enfin s’il y a bien une chose qui est difficile à surmonter, c’est le poids d'un complexe.
En l’occurrence, une polémique a donc éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu et a troublé les vacances sereines où certains avaient fait mine d’oublier leurs crispations, une polémique comme on les aime en France - du genre guerre picrocholine qui aurait fait les délices des lecteurs de Rabelais si ce dernier avait eu l’avantage de pouvoir se gausser du sujet.
Une controverse futile avec les quelques femmes, plantons de service de la cause féminine qui veulent interdire à la femme musulmane un effet de mode pour l’asservir à tant d’autres comme ceux que promeut l’agence Publicis de Madame Badinter et qui sont d’autres formes d’aliénation de la femme à des canons de beauté imposés. Mais tellement propices à la bonne marche des affaires !
En l’occurrence, pour ce que j’en ai vu, le burkini épouse assez bien les formes de la femme et ressemble plus à la combinaison d’une plongeuse sous-marine qu’à cette fameuse et informe burka : celle qui est svelte n’est pas enfermée dans un sac et celle qui est obèse cachera difficilement son obésité.
Dans tous les cas, la seule chose qui n’est guère débattue voire carrément occultée, c’est la marchandisation du corps de la femme par toutes les modes balnéaires et autres ( y compris donc ce burkini qui bénéficie d’un temps exorbitant de publicité gratuite ).
Derrière ce leurre se profile insidieusement ce que ce genre de débat en trompe-l’œil permet de soustraire à la vigilances des citoyens : les insidieux projets de démantèlement des acquis sociaux avec, entre autres, à l'ordre du jour la marchandisation de la santé avec un système à deux vitesses, l’un qui retrouvera l’esprit miséricordieux de la France avec l’équivalent des hôpitaux de charité d’un passé finalement pas si lointain et l’autre de suprême qualité pour ceux qui auront les moyens de se le payer.
On avait le polar de l’été ( au fond quel est-il cette année ? ), on a maintenant droit au débat "philosophique" de l’été.
Avec des déclarations plus sottes les unes que les autres, Valls en pole position qui ferait mieux de consacrer son énergie à résoudre les problèmes économiques et sociaux de la France plutôt que de faire diversion avec des digressions maladroites.
N'évoquons pas Sarkozy égal à lui-même.
Marine Le Pen – à qui il faudrait montrer des images des baigneuses du début du 20 e siècle – osa même parler de l‘âme de la France mise en danger par ces extravagances.
Il semble pourtant d'après la rumeur médiatique qu’elle n’ait pas trop apprécié des photos volées de ses chairs flasques sur la plage ou au bord d’une piscine : elle revendique - à juste titre - le droit au respect de sa vie privée mais semble imposer une sorte de libertinage à des Musulmanes qui, à tort ou à raison, considèrent que l’exposition de leur nudité est réservée à la sphère privée et qui seraient tenues, elles, de les exhiber.
Ajoutons que, pour ma part, je ne suis pas bégueule et je me rince volontiers l‘œil quand une naïade accorte et bien foutue vient heureusement troubler mon champ de vision et que je trouve parfois aussi dans mon for intérieur qu’il y a des injures à l’esthétique qui sont une forme d’indécence.
Mais à chacun sa liberté.
Si seules les images en papier glacé des magazines de modes avaient le droit de s’exhiber sur les plages, ces dernières seraient désespérément vides.
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