L’affaire Julien Dray. J’accuse, mais j’accuse qui ?
Bonjour. S’il y a une affaire plus singulière que d’autres en matière de multiplicité d’interprétations et de grilles de lectures qui se veulent explicatives, c’est bien celle de monsieur Dray. En attendant le jugement qui clôturera cette affaire, je vous propose de tenter de distinguer les lignes de forces sous-jacentes au travers d’une compilation de différentes opinions que j’ai pu recueillir en un dimanche.

Avant l’affaire, Julien Dray est considéré comme un homme de terrain, fondateur de SOS racisme, mais aussi le premier et le seul M. sécurité de gauche, suite à son rapport sous L. Jospin alors premier ministre. Il a été considéré comme le probablement futur ministre de l’intérieur en cas de victoire de la gauche, et enfin un des plus vigilants et solides combattants engagés contre les idées d’extrême droite.
Il faut comprendre que pour son propre parcours, et issu d’une époque de volonté d’égalité des chances et d’immigrés qui se voulaient Français vivant en Français, il fallait, pour aider l’intégration telle qu’elle était effective et comprise dans les années 80 par ceux qui l’ont faite les années précédentes, exorciser la peur des personnes qui voyaient dans le FN les anciens militaires si mal parti des anciennes colonies et qui s’affublaient de symboles nazis, et tout autant politiquement affaiblir la droite en la culpabilisant.
La cohérence de l’entièreté de cette démarche étant que même sur le terrain de l’insécurité, lutter contre la criminalité et l’insécurité revient à lutter contre ce qui nourrit le vote sécuritaire Front national, ou de droite et qu’on ne peut le faire en niant la réalité.
Dans la grille de lecture juridique du problème, l’affaire Julien Dray rentre en collusion avec la réforme de la justice et du juge d’instruction. En effet, il semble que Monsieur Dray, membre du premier parti d’opposition (1) au gouvernement, n’a pas bénéficié d’un juge d’instruction indépendant saisie de son dossier. Son affaire est traité par le parquet, qui par définition est supplétif du gouvernement et de sa politique pénal.
Cette situation peut en dire long sur l’avenir de la politique Française si le régime en place peu condamner ses opposants via une justice supplétive et sans même un recours ultérieur pour le citoyen à un juge d’instruction indépendant, celui-là même que l’on tente de supprimer à coups de propositions de réformes.
Dans l’explication donnée par les « ragots du bistrot de gauche », le premier et seul véritable crime politique de monsieur Dray est d’être véritablement proche du terrain, et d’avoir exprimé la vérité sur la hausse de la criminalité en premier, en faisant une tournée médiatique sur le sujet, et permettant ainsi à la droite de se décomplexer trop tôt, en lui offrant finalement ainsi le bâton, via son rapport, pour se faire battre en 2002.
Son « crime » ou sa naïveté est d’avoir voulu croire en la crédibilité d’un PS sur le terrain du sécuritaire, dans une logique de réel intérêt d’un parti de gauche à aider les classes populaires en restant en phase avec sa réalité.
Apparemment ils n’avaient pas assez pris en compte l’évolution sociologique du PS, ni celle de son électorat, ni celle de la population enfermée dans la précarité et le RMI, encore moins avec le retour des visions communautaires suite au 11/9, puis l’aggravation rapide de la situation de la précarité et de la Francité, et la grille de lecture économique qui considère les immigrés comme un outils de pression sur les salaires. Bref, il est apparu trop tôt, puis trop anachronique...
Encore aujourd’hui, la question sécuritaire étant un tabou indépassable au PS, et M. Julien Dray étant encore capable de la faire sienne puisqu’il en connait le terrain, il est devenu une gêne, notamment puisque si on l’avait écouté à l’époque, il est raisonnable de penser que le PS n’en serais peut-être pas là aujourd’hui.
Et c’est pour cette raison « qu’on l’a envoyé voir ce que ça fait d’être diabolisé » à son tour, offrant une bonne aubaine à la droite de se débarrasser du seul homme qui a été un peu crédible à gauche sur la question. L’autre option c’est que la droite a profité de la faiblesse du PS pour lui enlever quelques talents et lui tuer politiquement le seul crédible sur la question sécuritaire.
Dans une des visions de droite, on dira celle du club des gaullo-centristes blasés, l’affaire Dray, c’est le gage donné par la gauche qu’elle ne se battra pas en 2012 et qu’elle attendra que la droite fasse le sale boulot, essaye de réparer leurs erreurs, d’endiguer la crise, pour promettre plus tard des jours meilleurs et le plus d’argent que pour l’instant on a pas.
Continuer une opposition de façade, virtuelle, avec toujours le petit point marqué par ci par là et monter en épingle pour montrer leur muscles devant leurs électeurs en éliminant tous les gens crédibles et de terrains de leur offre médiatique, surtout masculins ou plus ostensiblement viril que hollande, parce qu’ils contrastent trop avec les nouvelles générations moins marquées par les combats...
On a toujours su que certaines sommes étaient égarés dans le tissu associatif pour colmater des brèches par ci par là, pour employer ou soutenir tel ou tel talent repéré sur le terrain vers des fins plus politique, et on a toujours pensé que cela faisait partie d’un jeu à notre avantage, nous qui recrutons plus facilement depuis les grandes écoles.
Et puis de temps en temps, une affaire de droite ou une affaire de gauche, ça donne l’impression qu’on est tous les mêmes alors que les montants derrières ne le sont pas du tout.
Bref, l’affaire Dray, c’est un règlement de compte du PS pour nous donner des gages de sa bonne volonté a nous laisser poursuivre notre politique pour ne pas qu’on l’attaque encore sur la question sécuritaire et sa responsabilité. D’ailleurs on se demande même si M. Dray ne s’est pas tout simplement sacrifié dans cette affaire, volontairement, pour sauver son camp, par sens de sa responsabilité, et se sachant assez solide, comparé a d’autres, pour tenir le choc.
Dans la vision complotiste, on rentre dans une « dimension », où M. Dray n’est plus considéré comme une personne française engagée qui est aussi composé d’une identité juive parmis d’autres, mais « uniquement juif », ce dont on tire des « explications ». Si chacun peu s’imaginer ou se rappeler ce que ça fait que de se voir ainsi réduit a n’être que ou qu’un(e), suivi d’une « affirmation condamnation amalgame et mépris »...
Le rare argument basé un tant soit peu sur des faits est que ce sont les endroits les plus sensibles à la cause palestinienne qui sont aussi les endroit dont sont issue la plus forte concentration de prisonniers dans les prisons françaises, d’échecs scolaires et de violence a l’école, voir de rejet des cours en accusant les professeurs, notamment d’histoire, de faire « de la propagande sioniste ».
« Alors », être le monsieur sécurité premier flic de France potentiel du PS dans ces conditions était un risque d’aggraver la situation, au même titre que promouvoir Mme. Dati ministre de la Justice était une possibilité de la calmer, dans un contexte où les émeutes étaient encore en tête.
D’autres encore sont partis du principe qu’après la diabolisation de le Pen, puis de Dieudonné et de Soral, il fallait bien un diabolisé de l’autre camp pour donner le change. Le fait étant qu’effectivement ils ont tous subi un traitement médiatique particulièrement à charge.
Et enfin, pour les « extrêmes complotistes » , ceux qui pensent que le front national ne faisant plus son office, le mouvement de Dieudonné et d’Alain Soral est le nouveau baromètre en gestation que l’on tente de mettre en place pour mesurer l’antisémitisme en France, faire « sauter » M. Dray, c’est « utile ».
Dans le sens où il a l’aplomb, la faconde, la combativité et l’expérience qui, en cas de confrontation autour de caméra, se seraient vite senti en sa faveur. Il faut se souvenir de comment Dieudonné s’est fait rhétoriquement malmené par J.Pierre Raffarin, entre autres moments, pour comprendre ce point de vue qui considère qu’en cas de débat contradictoire, M. Dray avait de forte chance de rentrer dans ce débat, et de sortir gagnant si on ne lui avait pas collé cette affaire et l’affaiblissement qui va avec.
Après une journée a sonder sur l’affaire Julien Dray vu par les uns et les autres, avec mon regard de hors système, ce que je constate c’est qu’il y avait une telle conjonction de force qui avaient intérêt à cette affaire, autant au sein de son camp que chez ces adversaires, que j’ai titré l’article j’accuse, mais j’accuse qui ? C’est à se demander qui n’avait pas intérêt à voir cette affaire arriver.
La notion de victime expiatoire sacrificielle pour apaiser l’esprit des foules selon René Girard est celle qui finalement revient en arrière plan sous-jacent de toutes les explications que j’ai rencontré, exactement comme pendant le lynchage de Dieudonné.
Il est des destinées d’hommes courageux, paternels assumés, qui veulent défendre les leurs et servir la cité dans l’usage philosophique du mot, après avoir grandi dans l’idée que la France était une et indivisible communauté de destin. Ils ont de l’audace, de la force de volonté et du talent, et ils sont les premiers à sauter quand la société se recroqueville sur ces peurs et ces identités.
En première ligne de leurs combats, ils prennent et donnent les coups, mais ils flirtent un jour avec les mots qui font peur à entendre quand on est dans le besoin sécuritaire ou d’affirmation identitaire, puis la foule les ramène à n’être que et à devoir se taire. Elle les condamne parce qu’ils sont fort et ne comprennent pas le faible.
Voilà le sort que la peur collective des Français(e) réserve aux hommes courageux, elle leur en demande beaucoup, applaudit leurs victoires, mais sans hésiter elle les sacrifie quand le vent tourne. La justice rendra un verdict sur la réalité ou non d’une malversation financière, mais ce sera à nous citoyens de juger si nous avons assez d’homme de la trempe de Julien Dray pour nous représenter dans l’équilibre démocratique.
Amicalement, barbouse.
(1) A condition de croire bien sûr que le PS est un parti d’opposition, du moins sur le papier il l’est encore.
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