L’affrontement au PS justifie-t-il toutes ces railleries ?
Les adversaires du Parti Socialiste font les gorges chaudes. Les confrontations entre les motions au récent Congrès de Reims les ont réjouis. Avec l’élection contestée de la Première Secrétaire, ils sont aux anges.

Le journal de 8 heures d’une radio publique, France-Inter, ce lundi 24 novembre 2008, s’amuse à parler de « querelles de chefs, de chiffres et de chiffonniers ». On remarquera l’allitération étudiée qui prétend faire une équation entre les mots. M. Besancenot, lui, ne veut pas « tirer sur une ambulance » et invite les déçus à faire confiance à « un vrai parti d’opposition à la politique gouvernementale », le sien. À l’UMP, on balance entre raillerie et indignation feinte : Mme Alliot-Marie dénonce un « psychodrame qui tourne tantôt à la tragédie, tantôt à la comédie » ; M. Lefebvre se moque des « deux catcheuses » et de leur « match truqué ». M. Devedjian fait mine de s’inquiéter de « l’image désastreuse » de la démocratie donnée par le Parti Socialiste, car, dit-il, « l’opposition, c’est aussi le visage de la France. »
La démocratie, un affrontement d’ambitions à ciel ouvert
Sans s’attarder à vérifier les titres de chacun pour s’ériger en arbitre des élégances démocratiques, on peut s’interroger sur la pertinence de leurs jugements. Oui, quatre écuries principales se sont entredéchirées pendant le congrès du Parti Socialiste ! Oui, le scrutin organisé pour l’élection d’un nouveau Premier Secrétaire est âprement disputé ! Oui, l’écart de 42 voix entre les deux finalistes est bien mince, voire incertain ! Oui, il semble que des erreurs aient pu être commises !
En quoi ce débat mérite-t-il railleries et quolibets ? N’est-ce pas après tout la marque de la Démocratie que de permettre aux diverses ambitions de se heurter aux yeux de tous, puisqu’une idée politique est forcément défendue par des hommes et des femmes aspirant au pouvoir ? Préfère-t-on le cérémonial de nomination d’un chef par acclamation d’une clique sans qu’on sache comment il a écarté ses adversaires, ou celui d’une élection purement formelle devant une claque d’affidés chargés de donner une apparence de choix démocratique à un parrain draînant à ses basques une puissante clientèle.
On ne répétera jamais assez le mot de Churchill, voyant dans « la démocratie le pire des régimes, à l’exception de tous les autres ». Sa particularité est par principe l’exhibition de ce que cachent d’une main de fer les autres régimes sous une façade fallacieuse d’unanimité derrière le chef, qui a reçu au 20ème siècle diverses traductions, comme caudillo, duce, führer, conducator, petit père des peuples, guide bien-aimé, etc. La démocratie a le mérite de faire des citoyens les témoins des rivalités que tout pouvoir attise pour sa conquête et son maintien.
La démocratie, une civilisation de la guerre politique
Est-ce donc si choquant qu’à une période historique nouvelle, les candidats à la direction du Parti Socialiste connaissent des affrontements brutaux ? Leur intensité sont à la hauteur des enjeux. Le combat politique n’est pas un jeu policé de salon, mais une guerre que la démocratie s’emploie à civiliser en ne permettant pas tous les coups. Son déroulement au grand jour est une façon de le vérifier partiellement.
On vient de le voir à l’occasion de deux élections municipales par exemple. À Perpignan, un scrutateur de la majorité UMP avait des bulletins de votes dans les poches et les chaussettes : le tribunal administratif de Montpellier a annulé le scrutin. Le Conseil d’État est saisi en appel. À Longjumeau, la fraude dénoncée est plus subtile : une liste « Divers Gauche » a été soupçonnée - avec des arguments troublants - d’être téléguidée par la liste UMP de Mme Kosciusko-Morizet pour soustraire des voix à la liste de l’Union de la Gauche : celle-ci n’a été de fait devancée que de 39 voix par l’UMP. Le Tribunal administratif a rejeté la requête en annulation. Appel a été interjeté. (1)
En démocratie, la légitimité de l’autorité à préserver par-dessus tout
En somme, tous les moyens peuvent être employés pour éliminer l’adversaire, la violation de la loi comme la ruse. Mais la démocratie, à la différence des autres régimes tyranniques, donne des moyens pour contenir cette violence, à condition qu’on s’en saisisse. Ce n’est donc pas la violence de l’affrontement entre des rivaux qui doit retenir l’attention en démocratie mais le respect des règles destinées à la contenir. Source de l’autorité légitime, l’élection ne doit souffrir aucun soupçon d’irrégularité.
C’est pourquoi, comme on l’a soutenu au sujet des deux élections de Perpignan et de Longjumeau, l’organisation d’un nouveau scrutin devrait être la règle dès lors que l’on peut douter de la sincérité d’un résultat. Au second tour de l’élection du Premier Secrétaire du PS, 42 voix séparent les deux cadidates. Qu’est-ce que 42 voix sur 160.000 votants ? Si des erreurs laissent à penser que des manœuvres ont pu avoir lieu, la démocratie s’autodétruit à laisser persister le doute sur la légitimité de l’autorité investie. L’exemple de l’élection douteuse de G.W Bush aux États-Unis en 2000 avec les résultats controversés de la Floride donne la mesure du discrédit auquel s’expose une démocratie à transiger sur les règles qui fondent la légitimité de ses autorités.
Les contempteurs du combat qui se déroule au PS sont donc bien mal inspirés. Mais peut-être découvrent-ils ce qu’est un débat démocratique, faute d’en avoir connu un dans leur propre parti. Ou craignent-ils que l’exemple de cette empoignade donne des idées à d’autres, y compris dans leur propre parti ? Paul Villach
(1) Paul Villach,
- « La fraude électorale de Perpignan en mars 2008 : la légitimité démocratique et le soupçon », AGORAVOX, 24 septembre 2008 ;
- « Élections municipales de Longjumeau : Y a-t-il eu connivence entre deux listes ? », AGORAVOX, 18 octobre 2008.
39 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON