L’AFPA dans le marigot aux piranhas
Deux raisons à cela :
Dispensée, contrairement à ses concurrents, de solliciter l’agrément auprès des préfets de région pour la délivrance de ses titres homologués, l’AFPA jouissait donc d’un avantage indéniable, jusqu‘à présent.
Outre ce problème d’inégalité de traitement entre elle et ses concurrents, l’AFPA occupait une place aussi privilégiée que discutable au sein du Service Public de l‘Emploi, étant appelée à siéger et à auditer ses propres concurrents, dans l’attribution de marchés et l’octroi de subventions publiques.
Une position maintes fois dénoncée par la FFP qui, pressée de longue date par ses adhérents, menace de porter réclamation jusqu’à Bruxelles, pour entrave à la concurrence.
Pire, l’AFPA va devoir également se délester de ses services d’orientation et donc de ses 800 psychologues du travail, dont les activités ne peuvent, en bon droit européen, coexister avec celles de la formation professionnelle des adultes.
Une situation qui ne date pas d’hier, mais jusqu’ici, l’État français avait preuve d’une certaine maestria au jeu du chat et de la souris avec la Commission. D’autres structures, comme le BIOP, un service d’orientation dépendant de la Chambre de Commerce de Paris, ne sont pas en reste qui pourraient aussi craindre un rappel à la loi.
Alerté par ses services, Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’Emploi, lors d’une récente visite à la Maison de l’emploi de Lambersart, devait se justifier en ces termes :
"Aujourd’hui, si je ne fais rien, la Commission européenne va me saisir pour concurrence déloyale, et va me demander de licencier dans le mois les 800 personnes qui s’occupent d’orientation à l’AFPA. On a trop attendu, on n’a plus le choix ".
Nicolas Sarkozy qui, comme on le sait, ne fait pas dans la dentelle lorsqu’il s’agit de réformer, a bel et bien sonné la fin de la récréation.
Une bien mauvaise nouvelle pour Vincent Destival, le nouveau patron de la maison, déjà bien esseulé, qui va devoir retailler son chapiteau, alors même que le gouvernement - au risque de regretter son empressement - se voit contraint de relancer l’effort de formation sur le territoire, pour répondre à la crise.
Et question maillage territorial, force est de reconnaître que l’AFPA est encore ce qui se fait de mieux....
Jusqu’ici, les grèves et les manifestations des personnels de l’AFPA n’ont guère eu d’impact, hormis deux victimes d’importance, le Président et le Directeur Général, poussés à la démission.
L’AFPA va donc goûter aux délices de la concurrence, elle qui se trouvait hier encore de l‘autre côté du manche. Et ce n’est que justice, diront certains....
Sans les généreuses subventions dont elle bénéficiait, il est à parier qu’elle ne pourra longtemps ferrailler pour sa pitance dans le marigot de la formation professionnelle, au côté des grands prédateurs ou face à ces nouveaux piranhas qui bondissent sur les marchés publics en cassant systématiquement les prix.
Le poids des postes administratifs ajouté aux frais de fonctionnement déjà lourds, et malgré les restructurations déjà opérées, il est clair que l’AFPA apparaît tel un gros poisson fragilisé auquel pourraient s’attaquer d’autres poissons plus carnassiers.
Ce qui va ajouter au contexte de guerre sale qui sévit déjà entre opérateurs privés, une guerre largement entretenue par des donneurs d’ordre comme le Pôle emploi (ex ANPE/ASSEDIC), l’ANAEM dont les acheteurs rivalisent avec les meilleurs cost-killers de la distribution.
En l’espèce, et comme le souligne la Cour des Comptes, l’AFPA se trouve particulièrement désarmée pour résister et faire face à une concurrence devenue sauvage.
Si elle dispose encore de quelques jokers, sûr qu’elle aimerait se faire phasme pour connaitre le dessous des cartes de ses adversaires.
Dans ce contexte très tendu, les chômeurs et notamment les plus en difficulté, font déjà figure de premières victimes co-latérales.
Qualité et prix bradés faisant rarement bon ménage, la menace qui plane sur l’AFPA pourrait se traduire autant par une baisse significative de la qualité des formations, que par un abandon progressif de l’accompagnement des chômeurs les moins insérables.
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