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Accueil du site > Tribune Libre > L’anti-Europe dans ses œuvres : la démolition programmée de la (...)

L’anti-Europe dans ses œuvres : la démolition programmée de la Cour européenne des droits de l’homme ?

Signée le 4 novembre 1950, cinq ans après les déchaînements de la barbarie nazie en Europe et entrée en vigueur le 3 septembre 1953, la Convention européenne des droits de l’homme a progressivement servi de cadre normatif a posteriori aux juridictions des pays membres du Conseil de l’Europe. Chargée de veiller à la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Cour européenne a été souvent un recours ultime pour des citoyens qui estimaient que leurs droits avaient été méconnus par les tribunaux de leur propre pays, même si sa décision n’intervenait qu’après un parcours procédural interminable d’une bonne dizaine d’années.

 La France souvent condamnée

Combien de fois la France a-t-elle été condamnée ! Elle l’a été tantôt pour violation de l’article 3 stipulant que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; tantôt pour la violation de l’article 6-1 prévoyant que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) dans un délai raisonnable » ; tantôt encore, et tout récemment, pour violation de l’article 10 protégeant la liberté d’expression : la France a, en effet, été condamnée, le 7 juin 2008, pour avoir porté atteinte à la liberté d’expression de deux journalistes, J. Dupuy et J.-M. Pontaut, auteurs des Oreilles du président, un livre sur les écoutes téléphoniques de l’Elysée mitterrandien paru chez Fayard en 1996. De la part d’un pays qui se flatte d’être celui des droits de l’homme, on attendrait conduite plus exemplaire. Du moins, la Cour a-t-elle prouvé la nécessité impérieuse de son existence, puisque l’institution judiciaire d’une démocratie peut allègrement violer les droits humains fondamentaux.

Lettre anonyme et « lettre collective non signée »

Il est arrivé, sans doute, à la Cour de rendre de curieux jugements comme le 12 octobre 1994 quand elle a osé qualifier une lettre anonyme de «  lettre collective non signée ». Une professeur avait déposé plainte en dénonciation calomnieuse devant le tribunal correctionnel de Marseille après la découverte, dans son dossier administratif, d’une lettre calomnieuse signée «  les parents de 2de 2 et 2de 11 » sans qu’aucune personne physique – et a fortiori morale puisque ce groupe anonyme ne pouvait prétendre à la qualité de personne morale – n’ait apposé la moindre signature manuscrite.

Au terme du parcours judiciaire français, la professeur n’en avait pas moins été déboutée : c’est un usage français en matière de dénonciation calomnieuse. On sait pourtant que cette technique courageuse de signature permet de dissimuler les menées agressives d’un ou deux voyous à l’insu des autres prétendus signataires pour faire croire à une unanimité et mieux nuire en donnant du crédit à leur dénonciation auprès d’une autorité complaisante. Saisie à son tour, la Commission de la Cour européenne n’avait pas voulu entrer dans ces détails et avait prétendu qu’il ne fallait pas confondre « lettre anonyme » et « lettre collective non signée » !

Des décisions non motivées

Ce genre de jeu de mots avait commencé à faire douter de la fiabilité du recours que représentait la Cour. Mais, aujourd’hui, sous prétexte d’un afflux considérable de plaintes, ce sont les conditions dans lesquelles sont rendues les décisions qui tendent à rendre illusoires les requêtes individuelles des citoyens, définies par l’article 34. Selon l’actuel article 28, « un comité (de trois juges) peut par vote unanime déclarer irrecevable ou rayer du rôle une requête individuelle introduite en vertu de l’article 34 lorsqu’une telle décision peut être prise sans examen complémentaire. La décision est définitive. »

Cela signifie qu’une lettre-formulaire sans motivation aucune est alors adressée au requérant ainsi libellée : « Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. » Qu’on n’attende pas de voir réfuter les moyens soulevés pour annuler une décision juridictionnelle nationale ! La décision d’irrecevabilité non motivée est sans appel, à la façon de ce qui se passe devant les cours suprêmes françaises, Cour de cassation et Conseil d’État. De quoi après avoir désespéré de la justice de son pays, perdre toute foi en celle de l’Europe !

L’appréciation arbitraire de l’importance d’un préjudice

Mais un protocole 14 en cours de ratification dans les pays du Conseil de l’Europe va encore plus loin (1). Un alinéa b va être ajouté à l’article 28, ainsi libellé : « La Cour déclare irrecevable toute requête individuelle introduite en application de l’article 34 (régissant les requêtes individuelles) lorsqu’elle estime (…) que le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne. »

Un article 27 qui précède, accorde même le pouvoir à un juge unique de « déclarer une requête introduite en vertu de l’article 34 irrecevable ou la rayer du rôle lorsqu’une telle décision peut être prise sans examen complémentaire. (…) La décision est définitive. »

On voit que le pouvoir donné à un juge d’apprécier l’importance d’un préjudice ouvre les portes à l’arbitraire, surtout quand il n’est pas tenu de justifier sa décision par une motivation circonstanciée. Déjà, la violation d’un droit donnait lieu à des tours de passe-passe et des jeux de mots, comme on l’a vu plus haut, pour ne pas la qualifier comme telle. Du moins la violation ou non d’un droit était-elle le critère le moins contestable pour identifier un préjudice. Voici que la Convention introduit la notion subjective de « préjudice important  », comme si la plus ou moins grande importance d’un dommage modifiait la qualité même du préjudice infligé. Grande ou petite, une injustice ne reste-t-elle pas une injustice ? Va-t-on avoir droit à une échelle européenne des préjudices comme il existe l’échelle de Richter pour les tremblements de terre ?

Ainsi, sous couvert de soulager la Cour assaillie de requêtes, la justice européenne qui forcément dérangeait par ses décisions contraires le désordre judiciaire établi d’un pays, paraît connaître le sort des juridictions françaises soumises au pouvoir politique, ce qui souvent obligeait justement à faire appel à son arbitrage. Elle ne saurait mieux signifier que le progrès judiciaire d’un pays ne passe plus par elle. S’est-il agi d’ajouter une raison de plus de ne plus croire en l’Europe ?

(1) Source : le site Bella Ciao : http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article72947


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12 réactions à cet article    


  • ASINUS 24 octobre 2008 11:48


    rien au dessus des nations !
     cette europe des banquiers au frontieres passant le bosphore
    et demain la mediterrannée n est ni une Patrie ni une Nation
    justice apatride pour les apatrides a eu de choisirs !


    • pallas 24 octobre 2008 12:07

      Je ne comprend pas le malaise de cette nouvelle europe. Bien au contraire, elle est plutot juste. Vous parlez d’anti democratique, mais les generations futurs qui viennent de naitres et naitront, trouveront se systeme tout a fait normal.

      Je pense que cela va dans le bon sens, mais sa n’est pas suffisant. Il faudrait accentuer le systeme.

      Dans un monde qui serai plaisant, je banirai toutes les couleurs, les batiments, serai cubiques, imposant, d’un gris sombre, les individues seraient habiller pareillement, d’un uniforme gris, les interieurs des habitations seraient totalement sommaire et sobre, teinté de nuance gris et noir, la suppression de la television couleur, pour en revenir a la television en noir et blancs, qui serai tres tendance dans le gris. La musique serai toujours en intonnation du desespoir, de la tristesse, tout le paysage serai sans profondeur, ecrasant toujours l’observateur avisé. La violence n’existerai pas, le desespoir, serait le seul sentiment que chaques individues connaitrait.


      • Céphale Céphale 24 octobre 2008 12:13

        Merci pour cet article.

        Oui c’est désespérant. L’Europe s’est bâtie sur une unité de façade. Maintenant que tout va mal, on voit combien elle est divisée. "Dia-bolos", le Diable, est précisément celui qui divise.


        • pallas 24 octobre 2008 12:19

          Vous avez peur pour pas grand chose Cephale, de toute maniere, les geremiades ou les pleurnicheries, n’ont jamais changer quoi que se soit. Quoi de plus juste que la loi du plus fort ? c’est une force universel, totalement impartial et donc il est normal que les Proletaires ne soient que des pions sacrifiables, ils ne se revolteront jamais, bien au contraire, ils aiment cela, ils en redemanderons, toujours et encore, et eternellement, une europe anti democratique ? non bien au contraire, c’est la liberter total, ou l’etre inferieur, sera toujours ecraser, sans arret, eternellement, obeissant a son maitre, ainsi que ces enfants qui obeiront, je trouve que se systeme est juste.


          • Céphale Céphale 24 octobre 2008 12:39

            @ pallas

            Mais non je n’ai pas peur !

            C’est La Fontaine qui le dit : "la raison du plus fort est toujours la meilleure".


            • L'enfoiré L’enfoiré 25 octobre 2008 09:12
              Bonjour Paul,
               
               La Belgique et, surtout Bruxelles, ont toujours été considérées comme un laboratoire de l’Europe.
               Tu connais les problèmes communautaires qui, pendant cette période de crise, ont été mis en veilleuse, mais qui reviendront très bientôt sur la table.
               Nous avons un département ministériel que l’on n’appelle pas des Droits de l’homme, mais « Pour l’égalité des chances ». Il est loin d’être inactif. Rappel de donner accès sans distinction de langue, de race ou de couleur à la propriété avec des pénalités lourdes à la clé. Des sociétés immobilières se sont fait prendre également.
              Alors, ici, à Bruxelles, le « combat » entre les régions communautaires, on ne comprend plus vraiment. Il y a toutes les nationalités dans les rues. Un problème ? Oui, quand il y a des ghettos, pas quand il y a des imbrications volontaires ou forcées qui s’usent dans le temps.
              Les problèmes de rapprochements ne sont pas uniquement un problème de différence raciale, il existe également avec les mêmes racines. Il y a des communes (des mairies) qui sont parfaitement intégrées, d’autres moins.
               Politique de régions plutôt que de nations pour correspondre au populisme, une solution ?
               On ne parvient pas à s’entendre à 27, qu’est-ce que se serait si on était dix fois plus à table ?
               De cela, l’Europe en a le plus peur. Les USA sont-ils si unis que cela ? Ce n’est plus une guerre de sécession Nord Sud mais centre contre côtes. Qu’est-ce qui marche le mieux ?
              New York et la Californie. Conclusion…. Présidences pragmatiques avais-je écrit. 
               

              • C’est moi 26 octobre 2008 11:22

                Certes il toujours étonnant de voir qu’un juge condamne pour un « casse toi pauv’ con » tel citoyen et pas tel autre. Mais que le juge répugne à s’occuper de ce qu’il juge, lui, être des affaires minimes est fort ancien. Comme l’instit qui n’a guère envie de se mêler de toutes les disputes de cour de récré, qui pourtant sont importantes pour les disputants, le juge depuis toujours ne veut s’occuper que de ce qui lui paraît digne de lui.

                 

                En latin ça donne : de minimis non curat praetor”. Soit littéralement, « le préteur (c’est à dire le magistrat dans la Rome antique, pas le banquier) ne se préoccupe pas de petites affaires ».


                • Paul Villach Paul Villach 26 octobre 2008 12:15

                  @ C’est moi

                  "De minimis non curat praetor" ! Certes ! Mais qui détermine le "minimum" en question ? Il n’existe pas de petite violation des droits humains. Paul Villach


                • Pure haleine 26 octobre 2008 17:40

                  même les droits de l’homme tombent en ruine....


                  • Syrius Syrius 27 octobre 2008 23:47

                    Cher Paul Villach.


                    - Déjà si vous pouviez montrer que vous faîtes la différence entre Conseil de l’Europe et Europe Communautaire, ca serait vraiment génial. Vous vous plaisez à maintenir la confusion parceque le café virtuel ici présent aime bien tapper sur les belges qui nous pourrissent la vie ; et ca c’est pas beau.


                    - Ensuite, pour la réforme, vous ne soulignez qu’une seule partie de la phrase et laissez fort partialement dans l’ombre celle qui précise qu’en cas de violation de droits fondamentaux, la Cour interviendra malgré un dommage minime. Je vous rappelle très humblement que le rôle de la CEDH n’est pas d’être un degré supplémentaire de juridiction (on en a 3 en France déjà) . Il s’agit de vérifier la conformité des textes et du fonctionnement d’un pays avec les dispositions de la convention. En d’autres termes, la mission de la CEDH telle qu’elle lui est impartie reste inchangée dans le principe. Aux termes des dispositions précitées, en cas de méconnaissance des règles du procès équitables ou des droits de l’homme fondamentaux tels que présentés dans la convention ou les protocoles, il ne sera pas tenu compte du montant du dommage dans l’examen de la requête.

                    Qu’est ce que vous croyez Paul ? La Justice "démocratique" est harcelée de gens comme vous, absolument persuadés que parcequ’il s’agit d’un sujet "citoyen" il doit être usité par tous. Résultat ? Des demandes délirantes, des formes absurdes, pas de respect des juges (ni en France, ni en dehors) des gens qui couinent pour des droits qu’ils n’ont jamais eu (mais qui les connaissent !) et des plaintes dans toutes les langues, une tour de babel d’aneries qui forcément devait finir par s’effondrer.

                    Ceci est valable au niveau communautaire mais ma ptite cocotte, ca marche en France aussi. La plupart des projets en cours sont des projets de rationalisation de la justice : on pense à virer des degrés de magistrats, à changer la carte judiciaire, et surtout à modifier les demandes. Dernier rapport en date : le rapport Magendie 2 commande d’inscrire dans la loi un principe fortement ancré dans le jurisprudence depuis peu et qui enlèverait les moyens comme éléments permettant l’autorité de la chose jugée ! (en gros, il serait impossible de refaire un procès avec même personne pour même faits, quand bien même les moyens supports à l’action seraient différents de la 1ère action).

                    Vous l’avez précisé vous même : une bonne justice c ’est aussi une justice rapide et c’est normal de demander cela. Si l’on veut que la justice soit rapide, alors on doit lui donner les moyens de l’être. Dont acte.


                    • mikadian 28 octobre 2008 00:28

                      Les droits de l’homme, oui... Qu’est-ce que c’est ?


                      De la poésie ? De la littérature ? Du comique ? Du burlesque ?


                      Je penche pour le cynisme... C’est quand même une "création" politique, alors,

                      excusez-moi, mais, en ce qui me concerne, après plusieurs dizaines d’années de vie, Les Droits de l’Homme, je suppose qu’ils voulaient dire, quelque chose entre l’étroit de l’homme, et l’endroit de l’homme, hein, enfin, on l’aura tous compris, les droits de l’homme, c’est très sérieux ! D’ailleurs, en pharmacologie n’appelle-t-on pas cela un suppositoire ? (éthimologiquement : supposé représenter l’histoire... de l’homme) .

                      Pour finir, qu’est-ce qui différencie l’homme des autres espèces animales ?

                      Ces dernières peuvent s’enorgueillir de bénéficier de quelques droits très succints destinés à améliorer leurs conditions de vie, tandis que L’HOMME, LUI, dispose d’une armada de droits très complexes d’une absolue INUTILITE pour améliorer ses conditions de vie. 

                      Les droits de l’homme, cest la pyramide de Cheops, c’était beau, c’était grand, mais c’est avant tout, la plus belle preuve de mépris, que le Pouvoir ait fait avalée à une nation soumise. Si les pyramides ont traversé les âges, c’est peut-être pour nous rappeler à une certaine vigilance... 


                      • Syrius Syrius 28 octobre 2008 02:48

                        Mais vous avez au moins un semblant d’argumentation pour parler comme ca ou vous vous êtes juste auto proclamé champion du monde de blabla au café du commerce du coin ?

                        Vous avez ne serait ce qu’une vague idée du rôle incroyable que joue cette institution qu’est la Cour Européenne des Droits de l’Homme ? De sa valeur ne serait ce que symbolique ? Du nombre d’arrêts et de ce que ca fait concrètement changer dans les différents pays de la convention ?

                        Vous êtes des privilégiés. Vous vivez dans un état de droit. Vos représentants sont élus au suffrage universel. Vous êtes protégés par des normes internationales, communautaires, intra nationales, bilatérales, constitutionnelles, législatives, règlementaires. Vous avez des juges triés sur le volet chargés d’appliquer ces dispositions. Vous avez un nombre important de voies d’action et de voies de recours. Vous avez accès à l’aide juridictionnelle pour les plus nécessiteux. Et pour en rajouter, vous avez la CEDH qui vérifie que toutes ces conditions et d’autres encore sont remplies. C est grace à la CEDH si la France se magne le cul pour réformer la célérité de la justice. C est grace à la CEDH si les règles du procès équitable couvrent l’accès au juge et l’exécution des décisions de justice. C est grace à la CEDH notamment si le projet HADOPI ne verra pas le jour car elle considère qu’il ne peut y avoir de peines sans juridiction, et donc sans respect des règles du procès équitable.

                        Vous êtes des sales gosses geignards incapables de gouter le bonheur dont ils disposent. Vous me donnez envie de pleurer.

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