L’apatride fiscal, Hallyday, choisi par le Président Sarkozy pour fêter avec les citoyens français le 14 juillet prochain
Le président Sarkozy aime les symboles déroutants. Il a prescrit d’abord la lecture de la dernière lettre de Guy Môquet dans les écoles. Il a même ensuite imaginé, avant de discrètement l’abandonner, que soit confié aux enfants des écoles le parrainage fou d’un enfant juif assassiné par la barbarie nazie et pétainiste. Voici qu’un autre symbole aussi judicieux lui est venu à l’esprit : présenter Johnny Hallyday comme exemple de culture et de citoyenneté françaises

Le 14 juillet prochain, la célébration de la fête nationale va connaître un lustre nouveau, lit-on sur le site Le Point.fr (1) : un concert gratuit de l’idole des jeunes devenus vieux va être offert au peuple de France sur le Champ-de-Mars à Paris. Son coût s’élèverait à 1 million d’Euros ; le chanteur en toucherait 500.000, soit plus de deux fois le cachet qu’il compte percevoir chaque soir pendant sa prochaine tournée. Et c’est le Ministère de la culture et de la communication qui serait mis à contribution au titre des « fournitures pour les fêtes nationales ».
Le pastiche d’une sous-culture étasunienne offert en exemple
Que le président de la République montre qu’au pouvoir, il n’oublie pas ses amis et les fasse profiter des deniers de l’État, est déjà tout un symbole. Mais ce n’est pas propre à cette présidence. En revanche, la rétribution de M. Hallyday par le Ministère de la culture et de la communication revient à promouvoir le produit Hallyday en bien culturel d’État. L’art officiel a décidément rarement la main heureuse. Car qu’est-ce que M. Hallyday, si on résiste à la pression du groupe de ses millions de fans qui en ont fait une idole on ne sait pourquoi ? N’est-ce pas le pastiche d’une sous-culture étasunienne dont avec application il a singé les tics dans les panoplies de cow-boy ou de motard de grosse cylindrée, la musique et la saturation sensorielle du public, la drogue et l’appétit pour la dépravation kitsch de Las Vegas ,et même jusque dans le pseudonyme de scène, puisque, sans doute, selon lui, Jean-Philippe Smet sentait trop la botte de foin et l’histoire belge.
Mais un pastiche a beau faire, il ne peut qu’imiter, rien qu’imiter, sans jamais pouvoir prétendre à l’invention ni à la fraîcheur de l’original. Pour peu qu’en plus il verse dans l’outrance, il s’expose à la parodie et au sourire apitoyé. Du moins doit-on lui reconnaître une honnêteté que le plagiat n’a pas, puisque le pastiche, pour exister, n’entend pas s’approprier le bien d’autrui mais seulement l’imiter en le faisant bien reconnaître. On attendrait tout de même que le Ministère français de la culture, par temps de crise, réserve le peu de fonds dont il dispose, à la promotion d’autre chose qu’à celle d’un pastiche d’une sous-culture étrangère avec ses postiches.
Un apatride fiscal, héraut de la patrie
Qu’il puise, en plus, dans les « fournitures pour les fêtes nationales » le million consacré à l’organisation de ce concert, on reste sans voix ! Le budget affecté aux fêtes nationales peut-il servir à financer ce qui en est très éloigné ? M. Hallyday n’est-il pas étranger à tout sentiment national ? Sa seule patrie n’est-elle pas le paradis fiscal qui lui garantisse le moins d’impôts possible ? En faire un des acteurs officiels des réjouissances du 14 juillet ne revient-il pas à avilir la fête nationale française en vulgaire fête foraine ? Lui faire jouer un rôle de héraut de la patrie française ne conduit-il pas à s’interroger sur ce que devient la patrie quand un apatride fiscal est asssocié solennellement par le Président de la République au jour de sa fête nationale ?
En 2007, pendant la campagne présidentielle, M. Hallyday avait manifesté son soutien à M. Sarkozy au moment même où il disait se réfugier en Suisse, comme beaucoup de stars enrichies, pour y payer moins d’impôts. Sans doute l’impôt n’est-il un plaisir pour personne. Il est même difficile à supporter surtout quand il est injustement réparti. Mais, à ce qu’on sache, même frappés, avant le bouclier fiscal, au-delà de 50 % de leurs revenus, les plus fortunés, comme M. Hallyday, ne se retrouvaient pas sur la paille, à en juger par le train de vie sans cesse épié par la presse courtisane spécialisée.
Il reste que non seulement l’impôt fait partie des devoirs du citoyen mais il constitue un des actes fondateurs de la citoyenneté, la contribution de chacun devant servir au bien-être de tous. L’appartenance à l’industrie du spectacle dispenserait-elle les stars de cette obligation civique ? En tout cas celui qui cherche à s’en affranchir parce que sa fortune lui permet de sauter les frontières et de se réfugier en Suisse ou à Los Angeles, est-il le plus désigné, un jour de fête nationale, pour jouer les premiers rôles ?
Quel symbole de démoralisation civique est ainsi offert aux Français ! Quel emblème pour un régime ! Le président de la République ne craint pas cyniquement, un 14 juillet, de promouvoir auprès de ses concitoyens, et avec l’argent de leurs impôts, un contre-exemple de la culture française, pastiche pitoyable d’une sous-culture étasunienne, et un contre-modèle de citoyen qui fuit la France pour payer moins d’impôts. La France serait-elle donc si pauvre en talents pour que seul un Halliday lui vienne à l’idée ? Paul Villach
(1) Hervé Gattegno, « Sarkozy impose Johnny pour le concert du 14 juillet », Le Point.fr, 25 mars 2009.
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