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Accueil du site > Tribune Libre > L’apprentissage, excellent pour les enfants des autres et pour les (...)

L’apprentissage, excellent pour les enfants des autres et pour les profiteurs du système

Le MEDEF inonde chaque année la population de publicités payées par des fonds publics, voici les thèmes de la Campagne alternance 2011

  • Parce que l'alternance est le meilleur moyen de préparer l'avenir.
  • Parce que l'alternance est la formation la mieux adaptée à vos attentes.
  • Parce que l'alternance est aujourd'hui reconnue comme une filière d'excellence.

Tout cela est parfaitement faux, comme beaucoup de pubs, mais reste relayé par les services de l’Education nationale, du Pôle emploi, des Chambres de Métiers et de Commerce, etc…

L’employeur aime bien l’apprentissage, car il reçoit une indemnité pour son tutorat, l’apprenti n’est presque pas payé, et l’entreprise se trouve exonérée de cotisations sociales et de taxes (voir note 1 pour les détails)

Enfin, le moins qu’on puisse dire est que le patronat se remplit les poches avec cette taxe, et qu’il en alimente largement l’enseignement privé, tout cela avec un manque de transparence vainement dénoncé par la Cour des Comptes.

Problème pour l’apprenti, très souvent son patron ne le garde pas après son diplôme obtenu ou non. Des milliers de boulangers, pâtissiers, charcutiers, restaurateurs, hôteliers embauchent chaque années des binômes d’apprentis, qui n’iront pas au Centre de Formation ensemble, il en restera toujours un dans l’entreprise, - un employé particulièrement corvéable pour pas cher. Ensuite que l’apprenti ait son diplôme (CAP, BEP, bac professionnel….) ou non, il ne sera pas embauché mais remplacé par un autre apprenti. Tout bénéfice. Dans l’industrie, en particulier le bâtiment, c’est beaucoup mieux, plus de 50 % des apprentis sont embauchés.

Sur l’excellence dont parle le MEDEF il faut savoir que les pourcentages d’admis aux examens par ces élèves de Centres de Formation d’Apprentis sont généralement bien plus faibles que dans les Lycées professionnels et technologiques qui forment aux même diplômes avec de courtes « séquences éducatives en entreprise » où les stagiaires ne sont pas payés du tout !

Les employeurs savent que ce n’est pas l’excellence. J’avais fondé le club junior des professionnels du tourisme (hôtellerie, transports aériens et maritimes, agences de voyages, syndicats d’initiative et autre offices de Tourisme) et organisé à la Cité internationale de LYON une intéressante rencontre avec des employeurs très sympathiques et des étudiants de Lycées, de l’Université, d’Instituts divers formant aux métiers du tourisme. Le débat de l’apprentissage était venu (les employeurs ayant toujours tendance à critiquer les études longues et prônant l’apprentissage) et j’avais fait un sondage. Qui, dans sa famille, avait un apprenti en formation ? Plusieurs du côté des jeunes. Aucun du côté des employeurs. Je leur demandai pourquoi, ils me répondirent tous que c’était le choix de leur enfant, une très bonne réponse. J’en conclus alors publiquement qu’au vu de ces réponses fort sympathiques, l’apprentissage était excellent pour les enfants des autres !

Le coût : L’Etat a depuis 1925 mis en place une « taxe d’apprentissage » de 0,50% de la masse salariale dont sont exonérés les petits salaires des apprentis. Un quota (52%) est réservé au système d’alternance Centre de Formation/Entreprise. Les OPCA (organismes paritaires de Collecte de taxe d’apprentissage) collectent cette taxe et la redistribuent aux établissements mentionnés par les entreprises.

Les CFA sont presque tous privés :

38 % sont des établissements privés à but lucratif (et reçoivent des fonds publics !)

35 % sont des établissements privés à but non lucratif

17 % sont publics. Ils sont les pauvres car les autres reçoivent 10 fois plus de taxe d’apprentissage qu’eux.

Les employeurs servent donc d’abord l’enseignement privé.

Cet argent peut servir à des dépenses de fonctionnement, y compris pour payer des salaires, mais aussi des dépenses d’investissements. Cela pose donc un problème réel par apport à la loi DEBRE de 1959 qui a institué le forfait d’externat pour les collèges et lycées, et le forfait communal pour les écoles élémentaires. Les communes, les départements, les régions n’ont pas l’obligation de financer de l’investissement (constructions, équipements), mais par distorsion de la loi de 1905, peuvent le faire jusqu’à 10 % au maximum.

S’agissant des contributions financières communales, départementales, régionales obligatoires en faveur des établissements privés sous contrat d’association, l’Etat fixe pour les écoles, collèges, lycées, la liste des dépenses matérielles d’enseignement en précisant qu’en aucun cas l’élève de l’école privée ne pourra utiliser plus de fonds publics que l’élève du service public. Si, pour l’apprentissage, la Région peut veiller à financer certes à égalité les quelques élèves de CFA publics, avec l’écart de 1 à 10 en taxe d’apprentissage, le privé va être favorisé en argent public ! Car la taxe d’apprentissage est de l’argent public ! Mieux encore, la Cour des Comptes relève vainement que les Régions ne se voient communiquer les montants de taxe d’apprentissage attribués qu’après qu’elles aient voté la répartition des dotations aux établissements privés et publics.

Encore plus extraordinaire, plus l’Etat met en place des structures de mutualisation des montants de taxe payés par les entreprises et non affectés par elles à des établissements désignés, moins on observe de redistributions.

D’où, pour un CFA privé, un meilleur taux d’encadrement, des constructions et aménagements de locaux privés avec des fonds publics, parfois luxueuses- la taxe d’apprentissage faite pour cela le permet !

Ce que j’indique là pour l’apprentissage vaut pour les classes technologiques et professionnelles des lycées, et quelques classes pré professionnelles de collèges. Le système très peu contrôlé de la taxe d’apprentissage permet donc de contourner la loi de 1959 sur les financements publics distribués aux écoles privées, et d’attirer des élèves vers le secteur privé en leur distribuant une manne qui n’a pourtant rien de providentiel ! A moins que l’Etat providence ne soit pas celui que la République a voulu…

Le beurre et l’argent du beurre !

Les collecteurs, sous contrôle patronal, ont mis en place dans des chambres patronales d’apprentissage des services qui sont dans la réalité utilisés aussi pour favoriser le fonctionnement du syndicat patronal : services de restauration pour les réunions syndicales patronales, dépenses pour des missions extérieures avec un volet enseignement. Quand ces locaux sont communs au syndicat et au service collecteur, le brouillard est épais pour distinguer qui paye quoi (service du courrier, fluides, etc..). Il n’y a pratiquement pas de contrôle fiscal dans ce domaine. Il est officiellement prévu que les « FONGEFOR » redistribuent 0,75% de la taxe collectée aux services patronaux auxquels ils sont adossés, lesdits services en recevant par ailleurs 0,75%, des sommes jamais vérifiables la Cour des Comptes pointe cette anomalie qui perdure avec toutes les autres.

Parmi les profiteurs du système, il faut compter les Chambres de Métiers, les Chambres de Commerce et d’industrie, les Chambres d’Agriculture, dites « consulaires » et de fait patronales.

La Cour des Comptes mesure un coût de 12 % de gestion de la taxe (à comparer au coût de gestion des cotisations perçues par la Sécurité sociale pour la Santé, les Retraites…3%). On voit pour qui la taxe d’apprentissage est un pactole !

Le plus épatant est que c’est vainement que la Cour des Comptes cite le manque total de transparence, surtout dans les transports…où un collecteur enregistre dans sa comptabilité 280 agents rémunérés, alors que vérification faite le même collecteur rémunère 2000 collaborateurs. Les 280 déclarés comptent seuls dans les 12 % de frais de gestion ! La Cour des Comptes relève ici des placements de l’organisme collecteur en SCI en toute opacité, là un organisme collecteur qui rémunère à temps complet un dirigeant par ailleurs dirigeant d’un syndicat patronal.

Au moment où l’état est en panne de recettes, supprimer la taxe d’apprentissage représenterait des milliards d’euros et rétablirait un juste équilibre dans les financements, mais au grand dam des profiteurs patronaux du système si proches du pouvoir.

 

(1) Le maître d’apprentissage.

Modalités d’agrément

Une simple déclaration en vue de l’embauche d’un apprenti remplace l’ancienne demande d’agrément.

Coût de l’apprenti pour l’entreprise

Le contrat d’apprentissage est un contrat de travail, il implique donc un salaire mensuel suivant un barème (tableau ci-dessous).

Age de l’apprenti

16-17 ans

18-20 ans

21 ans et plus

1ère année

25% du SMIC

41% du SMIC

53% du SMIC

salaire mensuel

313,58

514,27

664,78

2ème année

37% du SMIC

49% du SMIC

61% du SMIC

salaire mensuel

464,10

614,61

765,13

Pour les entreprises de moins de 11 salariés : (inscrits au répertoires des métiers). Exonération totales des cotisations patronales et salariales quelques soit la rémunération versée à l’apprenti.

Pour les entreprises de plus de 11 salariés : Exonération des cotisations patronales de sécurité sociale dues au titre des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès et veuvage).

Les Indemnités Compensatrices Forfaitaires pour les employeurs – Maîtres d’apprentissage

Type d’entreprise

1ère année de formation

2ème année de formation

Indemnité en faveur de l’effort de formation pour les entreprises de moins de 20 salariés :
- ayant formé 1 apprenti dépourvu de tout diplôme ou détenteur d’un diplôme d’un titre de niveau V (CAP, BEP...)
- avec un contrat de 12 mois minimum

2 000 € (13 119,14 F), fin d’année de formation
les majorations :
- 305 € (2 000,67 F) si l’apprenti est âgé de plus de 18 ans à la date de début de contrat
- 762 € (4 998,39 F) 7,62 € par H de formation supplémentaire au delà de 600H dans la limite de 200H

2 000 € (13 119,14 F), fin d’année de formation
les majorations :
- 305 € (2 000,67 F) si l’apprenti est âgé de plus de 18 ans à la date de début de contrat
- 762 € (4 998,39 F) 7,62 € par h de formation supplémentaire au delà de 600H dans la limite de 200H

Indemnité en faveur de l’effort de formation pour les entreprises de plus de 20 salariés et celles de moins de 20 salariés ne remplissant pas les conditions du 1

1 530 € (10 036,14 F), fin d’année de formation
les majorations :
- 305 € (2 000,67 F) si l’apprenti est âgé de plus de 18 ans à la date de début contrat
- 762 € (4 998,39 F) 7,62 € par H de formation supplémentaire au delà de 600 H dans la limite de 200H

1 530 € (10 036,14 F), fin d’année de formation
les majorations :
- 305 € (2 000,67 F) si l’apprenti est âgé de plus de 18 ans à la date de début de contrat
- 762 € (4 998,39 F) 7,62 € par H de formation supplémentaire au delà de 600H dans la limite de 200H

Le versement des indemnités est directement lié à la présence obligatoire de l’apprenti en centre de formation.


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11 réactions à cet article    


  • Jipso 31 octobre 2011 14:37

    Article très intéressant. Cependant, on ne s’étonnera pas que le système éducatif public soit complètement à la rue et ce depuis trop longtemps. 

    Il est clair que ce système favorise la reproduction sociale et donc facilite les élèves de bonne famille pouvant se payer un établissement privé...


    • Robert GIL ROBERT GIL 31 octobre 2011 14:51

      La France est l’un des pays où l’origine sociale influe le plus sur le niveau scolaire. Les enfants d’ouvriers, d’employés et des « sans-activité » représentent 84% des élèves en difficulté et les universités n’accueillent que 10% d’enfants d’ouvriers. Les inégalités résultent de très nombreux facteurs, qui pénalisent ceux qui disposent des plus faibles atouts familiaux. Mais avec la baisse du pouvoir d’achat et la montée du chômage, il est difficile pour des familles, jusqu’à là épargnées, de financer des études de plus en plus longues. De nombreux étudiants sont obligés de travailler. Et lorsque les conditions matérielles deviennent trop difficiles ils abandonnent leurs études....

      http://2ccr.unblog.fr/2010/11/10/education-ou-en-est-on/


      • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 31 octobre 2011 18:56

        Tout ce qui est dit dans l’article est intéressant et sans doute vrai.

        Il n’empêche qu’il y a dans les collèges des gosses rétifs à l’instruction « classique » trop intellectualisée, qui souffrent en classe et ennuient les autres, alors qu’ils ne demanderaient pas mieux que d’apprendre un métier manuel. J’ai un petit-fils (de 14 ans) dans ce cas. Ses troubles du comportement lui ont permis d’intégrer un ITEP (Institut thérapeutique d’enseignement professionnel, pris en charge par la CAF ou la Sécu). Là, il ne souffre plus et n’ennuie plus personne. Il s’épanouit au contraire à l’atelier et se rend compte, en enseignement général, qu’il n’est pas le nul qu’il croyait être précédemment...

        • Richard Schneider Richard Schneider 31 octobre 2011 20:27

          Article très intéressant.

          La casse du service public est un des objectifs du sarkozysme. 
          Quant aux apprentis, non seulement ils sont malléables et corvéables à merci, mais le système en fait des aigris avant l’âge : ceux qui s’accrochent et réussissent sont jetés comme des malpropres. Il faut leur donner un salaire ..., ce qui est inconcevable pour beaucoup de patrons.
          Ce qui est le plus scandaleux - l’auteur le démontre - c’est que, malgré les recommandations de la Cour des Comptes, ce véritable racket n’est pas prêt de cesser.

          •  C BARRATIER C BARRATIER 31 octobre 2011 23:54

            Il est vrai que l’apprentissage de métiers manuels accueille des élèves en grande difficulté du fait du déséquilibre persistant dès l’école élémentaire entre les activités scolaires manuelles et sensibles et les activités plus abstraites. Les futurs médecins ou ingénieurs seraient encore meilleurs et plus heureux s’ils avaient bénéficié de ces enseignements manuels et sensibles, les enfants plus portés vers ces enseignements là y trouveraient un accrochage de réussite, de valorisation. 

            Les mouvements d’éducation nouvelle se sont vainement battus pour changer la donne. On sacrifie des Mozart et des inventeurs.
            J’ai rêvé d’un lycée plus valorisant, et j’ai pratiqué comme enseignant des méthodes actives avec des moments manuels de qualité, de peinture aussi et de chant.....et cela donnait de très bon résultats aussi pour l’abstraction !

            Voir Pédagogie, méthodes actives....



            •  C BARRATIER C BARRATIER 1er novembre 2011 11:58

              Oncle Archibald, avec un bon patron, et une embauche derrière, l’apprentissage marche bien, c’est vrai dans le bâtiment, mais loin d’être vrai partout.

              Les CFA n’ont aucun pouvoir de retrait d’un apprenti d’une entreprise pour une autre. Le maître de la formation n’est pas le CFA, l’entreprise par contre peut changer de CFA quand elle veut.

              Le compagnonnage n’a pas besoin de l’apprentissage pour former les compagnons : ils sont pris en charge par l’association, et « tournent » pour apprendre des choses différentes. Les apprentis sont membres de l’association, ils sont des compagnons et adhèrent à l’idéologie de la société de compagnons. Ce système remonte dit on à la construction du temple de Jérusalem par un certain SALOMON. Il y a des parentés avec la franc maçonnerie. J’ai beaucoup bossé avec eux et pour mes travaux de batiment je prends des artisans compagnons. Qualité, équipe...

              Je ne les mets pas du tout dans le lot du patronat français.

              Le système dual allemand où l’embauche est systématique (le contrat d’apprentissage est une pré embauche) est aussi très bien

              •  C BARRATIER C BARRATIER 1er novembre 2011 19:51

                Je maintiens bien sûr car l’apprentissage appelé compagnonnage existe depuis des siècles alors que les cfa ONT MOINS DE 100 ANS !


                Il est bien normal que les compagnons aient utilisé le concept en raison des flux financiers qui l’accompagnent. Ce qui est beau chez eux, c’est qu’ils ont quand même maintenu leur tradition d’honnêteté et d’encadrement total du jeune. La relation cours (cfa) production est chez eux une totale osmose. L’apprenti réalise des fabrications en application directe de ses apprentissages théoriques.

                Bien sûr ils font leur pub sur l’apprentissage, et ce sont là de bien belles paroles...qui correspondant à leur réalité car leurs apprentis sont des compagnons ! 
                J’ai toujours rêvé que tout le monde prenne de la graine...c’est fait dans certaines branches, pas du tout ailleurs.
                 ! 



                • pierrickpp 6 novembre 2011 20:47

                  Bonjour, je me suis inscrit sur agoravox pour répondre à cet article très intéressant et pour y apporter quelques précisions.


                  Je sort tout juste de trois ans d’apprentissage, j’ai fais un IUT Génie Electrique et Informatique industrielle en 2 ans puis j’ai continué sur une licence professionnelle Conduite et Gestion des systèmes Electrique dans une multinationale de production de bouteille en verre.

                  Je connais donc bien toutes ces combines, mais il faut savoir que l’apprenti dispose lui aussi d’aide financière :

                  - Les trajets entreprise-centre de formation sont entièrement remboursé selon une échelle kilométrique.

                  - L’apprenti dispose d’une carte d’apprentissage avec laquelle il aura de nombreux tarif réduit dans les restaurants, cinéma ou autre.

                  - Les formations supplémentaires ( Habilitation électrique, formation sur un logiciel de développement...) ainsi que le déplacement et l’hébergement sont entièrement à la charge de l’entreprise d’accueil.

                  - Aucun frais d’inscription n’est à prévoir pour la formation.

                  Mais en contre partie, je connais deux autre apprenti, un apprenti cuisinier qui lui ne compte pas ses heures et ne dispose d’aucune aide que j’ai énoncé précédemment et un apprenti boucher qui travail au-delà des horaires autorisées.

                  Je tenais à préciser que l’entreprise dans laquelle j’ai fais mon apprentissage ne pas gardé mais ils ont effectivement embauché un apprenti ingénieur après mon départ.

                  Pour ma part je pense que l’apprentissage est un bon moyen d’apprendre un métier mais c’est évident que d’autre personnes s’en mettent plein les fouilles sinon je ne vois en quoi cela les intéresseraient.  

                  • selma 17 novembre 2011 14:41

                    Comment peut-on encore avoir cette vision de l’apprentissage ?
                    J’ai l’impression de retourner 20 ans en arrière…
                    Cependant, ce qui aurait pu donner lieu à une cure de jouvence s’avère finalement un bien triste voyage !
                    Voilà 20 ans que je travaille dans un CFA. Comme je le dis parfois : « j’y suis arrivée »par hasard« , j’y suis restée par conviction. »
                    Et ne croyez surtout pas, qu’après 20 ans je sois victime de sclérose, bien au contraire ! Formatrice auprès des apprentis, de leur tuteur, j’exerce également en tant que responsable pédagogique.
                    C’est d’ailleurs en cherchant sur le Web des éléments pour enrichir des projets pour le C.F.A. que je suis « tombée » (littéralement) sur votre article !
                    Je ne souhaite pas détailler un à un les éléments de votre démonstration. Je souhaite juste vous donner une lecture bien différente de l’apprentissage : sans doute plus « douce » (sans être édulcorée, ni naïve) certainement moins politique, et dans tous les cas résolument positive et optimiste.

                    Si je devais ne citer que 2 éléments clés pour donner ma représentation de l’apprentissage, alors je retiendrais :

                    • accompagner les jeunes dans la construction de leur projet professionnel, dans leur 1ère expérience, dans leur intégration durable dans le monde du travail (et donc dans notre société) ;
                    • collaborer efficacement avec les entreprises, les tuteurs, les maîtres d’apprentissage, pour construire un parcours adapté de formation en situation professionnelle.
                    Si je devais retenir quelques mots clés pour caractériser la pédagogie de l’alternance (celle que nous pratiquons), je vous propose : partenariat C.F.A. – Entreprise /Charte de l’alternance/ Co-construction des parcours / Formation des Tuteurs (accueil et intégration, management, communication, pédagogie, motivation, évaluation)/ suivi en entreprise/ pédagogie inductive…/… pour ne citer que les principaux.

                    Pour être plus claire : savez-vous qu’il existe des formations dédiées aux tuteurs ? Il s’agit alors de leur donner, de construire avec eux les outils et les instruments qui les aideront dans leur mission de formateurs en entreprise. Chaque année, depuis plus de 15 ans, j’anime des stages où les tuteurs (soutenus par leur entreprise) participent à 4 jours de formation, de réflexion, afin d’organiser le parcours de leur apprenti dans l’entreprise.
                    Compte-tenu de votre positionnement, je doute que vous puissiez imaginer leurs questions, leurs préoccupations, leurs attentes en début de stage, pourtant chaque problématique posée ne fait que démontrer l’implication réelle des hommes et des femmes d’expérience qui souhaite accompagner au mieux un jeune dans ses premiers pas dans le monde du travail. Il ne s’agit plus là d’une préoccupation financière, voyez-vous, mais d’un engagement humain et professionnel soutenu par l’entreprise.

                    Chaque apprenti bénéficie des conseils d’un référent au C.F.A., ce dernier a pour mission de le suivre tout au long de son parcours, y compris dans l’entreprise, des rencontres apprenti-tuteur-référent CFA sont organisées dans l’entreprise, ainsi qu’au CFA pour des réunions pédagogiques : chacun peut apporter le fruit de ses réflexions, poser la moindre question qui permettra d’optimiser la formation
                    Chaque projet de contrat d’apprentissage fait l’objet d’une rencontre préalable d’un membre du CFA pour valider le projet d’accueil dans l’entreprise, il s’agit alors de s’assurer du potentiel « formateur » de l’entreprise (tant sur le plan humain que sur le plan technique), le code du travail précise que l’entreprise a le devoir de confier à l’apprenti des missions en rapport avec le diplôme préparé. L’agrément a été supprimé, nous l’avons remplacé en développant des postes de formateurs conseil.

                    Savez-vous qu’aujourd’hui les lycées publics s’engagent dans l’apprentissage ? Fortement décrié pendant des années, l’apprentissage acquiert (ou retrouve) ses lettres de noblesse. Dans toutes les régions de France, vous pourrez trouver ces Sections d’Apprentissage, soutenues par les Conseils Régionaux, les services d’Inspection Académique… Même les institutions les plus réticences, et les plus critiques voilà quelques années ont opté pour ce système de formation…


                    •  C BARRATIER C BARRATIER 17 novembre 2011 18:18

                      Selma, je connais tout cela, en particulier le discours, pas seulement pour l’avoir entendu mais pour l’avoir fait...j’ai eu à m’occuper 15 ans de deux CFA, un privé, un public. Les sections en alternance des lycées publics se développent surtout pour le post bac, et il est difficile de trouver des maîtres d’apprentissage du fait que plus âgé, l’apprenti coûte plus cher en salaire.
                      Les lycées preneurs ne deviennent pas des CFA mais restent des lycées.

                      La riche collaboration école entreprise est tout autant solide et valable pour les enfants inscrits en lycée professionnel et lycée, personne ne le conteste...Dans les formations d’ingénieurs ça marche bien aussi. C’est pour les formations de niveau 5 (CAP, BEP) et de niveau 4 (bac pro) dans des CFA que ça coince encore.....et c’est la large majorité des apprentis.

                      Il est normal que des gens qui vivent de l’apprentissage le défendent : on ne crache pas dans la soupe !

                      Mon article donne des faits, des chiffres reposant sur des expertises. Je suis épaté que le code du travail ait dû préciser que le travail effectué devait l’être en fonction du diplôme préparé. Cela n’était donc pas évident pour les fameux tuteurs et maîtres d’apprentissage ?

                      Quand la réaliité vécue par chaque apprenti sera conforme au discours, on ne dépensera pas des fortunes - vainement- pour atteindre le chiffre serpent de mer de 500 000 apprentis. Les faits sont toujours têtus, et aucune idéologie ne peut les masquer.

                      Dans quel type de CFA officiez vous ? Public ? Privé ? Compagnonnage ? A votre discours je pense que vous assurez la coordination des professeurs et maîtres de stages, à moins que vous veniez de l’inspection qui forcément met en place le discours.

                      Bonne chance pour faire avancer les choses, on finit toujours par y arriver.


                      • selma 18 novembre 2011 22:37

                        « Il est normal que des gens qui vivent de l’apprentissage le défendent : on ne crache pas dans la soupe ! » Pour ce qui me concerne effectivement, je ne crache pas dans la soupe. A priori, ce n’est pas le cas de tout le monde, vous en conviendrez, puisque vous avez pratiqué pendant 15 ans dans ce domaine ! Cela force l’admiration lorsque l’on considère votre discours anti-apprentissage ! Petite précision cependant, je ne vis pas de l’apprentissage ! Je travaille dans un C.F.A. : nuance !

                        Bien que je ne « vienne pas de l’inspection qui met le discours en place », je me vois (encore par conviction personnelle), dans l’obligation de vous répondre, et ce, à titre tout à fait individuel et en toute indépendance, « libre de pensée » si vous voyez ce que je veux dire !
                        Si je m’en tiens à votre discours, quel que soit le contexte de sa mise en œuvre, l’apprentissage rencontre des difficultés : ainsi, « dans le public, les CFA se développent dans le champ de l’enseignement supérieur, ce qui induit la difficulté de recrutement des apprentis plus âgés, sans compter que ces mêmes CFA publics ne peuvent se « défaire » d’un positionnement lycée. Concernant les apprentis des niveaux 5 et 4, qui représentent la majorité des effectifs (là au moins vous avez raison), vous n’êtes guère positif dans la collaboration qui peut s’instaurer entre le CFA et l’entreprise…. »
                        Concernant la difficulté pour les jeunes préparant un diplôme supérieur de trouver une entreprise d’apprentissage, l’évolution croissante des contrats signés dans le supérieur démontre le contraire : en 2009, 24,8% des nouveaux contrats signés correspondent aux formations Bac+2 et plus (niveaux III à I) (Analyses DARES – Février 2011).
                         
                        Mon expérience dans l’apprentissage m’a permis de rencontrer de multiples configurations d’apprentissage, d’alternance en général. Si je travaille dans un CFA privé qui développe exclusivement des parcours de formation dans le supérieur (B.T.S. à Master), il se trouve que je collabore aussi avec des CFA publics qui eux-mêmes exercent dans le champ des formations supérieures mais également dans les niveaux 5 et 4. Pour couper court à tout questionnement de votre part, je vous rassure je ne suis pas une transfuge (j’anticipe désormais vos réactions), puisqu’il s’agit d’une véritable collaboration des CFA qui sont au service d’une formation par apprentissage qui a largement fait ses preuves. En effet, le Conseil de la Région dans laquelle je travaille est particulièrement actif sur le domaine de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Aussi, pour optimiser les pratiques, favoriser le développement et les compétences des différents acteurs, la Région organise véritablement les échanges des expériences de chacun. Dans ce contexte, chaque année, je suis invitée à animer des groupes de formation à l’intention des formateurs de CFA et ce quelle que soit leur origine : privé, public, compagnonnage, MFR, agriculture…. Dans ces formations on y parle mise en œuvre de l’alternance, formation des Maîtres d’apprentissage entre autres, croyez-moi l’opposition public/privé n’a pas sa place, et les niveaux de formation ne sont pas nécessairement des obstacles mais plutôt des sources d’enrichissement mutuel. Pour ce qui concerne les niveaux 5 et 4, pour les CFA que je côtoie, les équipes pédagogiques sont entreprenantes, innovantes et construisent des parcours d’alternance pertinents et adaptés et veillent à la construction de parcours de formation en entreprise.

                        Quel que soit le diplôme préparé par le jeune, c’est l’implication de l’ensemble des acteurs (Apprenti, CFA et Entreprise) qui fait la qualité du contrat : chacun doit remplir ses obligations et signaler tout manquement aux engagements de l’un des partenaires !
                        Ainsi, vous ne pouvez représenter l’apprentissage d’une manière aussi caricaturale.

                        « Je suis épaté que le code du travail ait dû préciser que le travail effectué devait l’être en fonction du diplôme préparé. Cela n’était donc pas évident pour les fameux tuteurs et maîtres d’apprentissage ? »

                        Pour ma part, je ne vois pas ce qu’il y a d’épatant dans ce texte : ne soyez donc pas aussi méprisant pour les professionnels qui s’engagent auprès des jeunes !
                        En tant qu’ancien professeur, proviseur, vos missions n’étaient-elles pas « encadrées » par le code de l’éducation qui précise parfois l’évidence en matière de responsabilités, d’engagements…. Pour ma part, je ne vois rien de choquant !

                        En tant que Responsable pédagogique dans un CFA, outre les missions d’ingénierie qui m’incombent, je coordonne une équipe de formateurs, la transversalité de mon rôle dans les différents secteurs où nous évoluons (industriel, tertiaire, bâtiment) m’amène effectivement à collaborer étroitement avec les entreprises et les tuteurs (maîtres d’apprentissage) pour optimiser toujours et encore notre système de formation.

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