L’Art de la Guerre
L'Art de la Guerre
Sun Tzu dit : Il est d'une importance suprême dans la guerre d'attaquer la stratégie de l'ennemi.
Notez-bien que Sun Tzu dit d'attaquer la stratégie de l'adversaire, et pas l'adversaire.
Ne nous trompons pas, en envahissant une partie de l'Ukraine, la Russie a attaqué l'empire Américain. En effet, depuis la révolution Orange et le coup d'état du Maidan en 2014, l'Ukraine est sous tutelle Américaine. Rappelons-nous que Joe Biden était vice-président quand ont eu lieu ces évènements, que son fils Hunter Biden était employé – fictif – de la société d'état de gaz Ukrainienne, et qu'il – Joe, le père – s'est vanté devant les caméras d'avoir exercé un chantage sur le gouvernement Ukrainien pour virer le procureur qui enquêtait sur la corruption dans l'entreprise où son fils était employé. Ou encore rappelons-nous de Victoria "Fuck the EU" Nuland qui est aujourd'hui N°3 des affaires étrangères.
Et donc, quelle est la stratégie des USA ? C'est bien-sûr plus-ou-moins basé sur les pétro-dollars.
Un peu d'histoire
Mais de quoi s'agit-il exactement ? A la fin de la deuxième guerre mondiale, à Bretton-Woods, en 1944, les futurs vainqueurs décident d'un système monétaire du même nom, qui stipule que le dollar US est utilisable partout dans le monde pour les transactions, avec un convertibilité en or de 35 dollar l’once, garanti par l'état Américain. Mais devant la gabegie des USA en particulier pendant la guerre du Vietnam, certains pays, dont la France, veulent échanger les dettes de l'état Américain contre l'or. En août 1971, pour ne pas vider les réserves d'or, le président Nixon décide de suspendre la convertibilité promise et refuse de payer leur dette en or : les USA sont en faillite, et font défaut sur leurs obligations.
A cette date, les USA sont en plein succès du programme Lunaire Apollo, le Boeing 747 Jumbo Jet ainsi que le F-14 Tomcat viennent de faire leurs premier vol, et le monde entier fête la musique alternative de Woodstock : les USA sont au faîte de leur puissance, tant militairement, scientifiquement, que culturellement. Les pays floués par cette faillite assumée ne peuvent rien faire, et acceptent la non-convertibilité du dollar en or. Du coup, le dollar n'est plus appuyé sur rien, il est "flottant".
Viennent ensuite les chocs pétroliers des années 1970, les guerres en Israël, le renversement du Shah d'Iran, avec comme résultat que les USA garantissent la sécurité du régime d'Arabie Saoudite, en échange que ceux-ci vendent le pétrole exclusivement en dollar. Le monde entier s'aligne sur ce marché, et le dollar est alors soutenu par le pétrole dont toute la société de consommation a besoin. Pétrole qui est, lui, défendu par l'armée Américaine. C'est cela, l'empire des pétro-dollars. Comme le disait un haut responsable Américain : "Le dollar est notre monnaie, mais c'est votre problème".
Nous étions dans ce régime jusqu'en 2008.
La particularité de ce régime est la création monétaire ex-nihilo par la méthode de la réserve fractionnaire, avec intérêts perçus sur l'argent créé, ce qui exige une augmentation exponentielle de la quantité de monnaie. En gros, quand une banque crée de la monnaie-dette lors d'un crédit, seul l'argent du principal est créé mais pas celui des intérêts : on appelle cela les intérêts manquants. Comme tout argent dans le système financier "occidental" est créé par de la dette, et que donc tout argent en circulation est déjà le principal d'une dette, l'argent correspondant aux intérêts n'existe pas au moment de contracter le crédit. Il faut le créer dans l'avenir, sur le dos des nouveaux entrants dans le système. C'est une arnaque pyramidale typique.
L'arnaque passait inaperçue tant que la base du système – le pétrole extrait et consommé – augmentait aussi. Mais avec l'avènement du peak-oil, la quantité de pétrole extraite stagne, la consommation aussi, et donc le système devient dysfonctionnel. J'ai écrit un article sur le sujet pour ceux que le détail intéresse. Le résumé est que le régime des pétro-dollars a implosé en 2008, et n'a été sauvé que par l'intervention massive des banques centrales, et que depuis 2008 la finance mondiale repose sur les banques centrales, et au final la FED car la plupart des banques centrales lui sont soumises. Le monde entier est sous la dictature des banquiers de Wall-Street, soutenus par la propagande des géants d'Internet de la Silicon Valley.
La stratégie de l'adversaire
Spécifiquement, l'outil de cette domination est le système de transfert d'argent international SWIFT, basé en Belgique et pourtant soumis aux décisions du gouvernement Américain.
La stratégie des USA est donc la réseau SWIFT : quiconque contrevient à leurs ordres est coupé du réseau, rendant leur commerce international difficile voire impossible. Pour preuve, on peut noter que SWIFT fut créé en 1973, au moment de la création de l'empire des pétro-dollars.
Et il semblerait que les Russes en aient eu marre et aient décidé d'attaquer cette stratégie : devant les menaces d'être coupé du réseau après l'annexion de la Crimée en 2014, les Russes ont développé leur propre équivalant à SWIFT, appelé SPFS.
Mais quel est l'intérêt d'un réseau bancaire si personne d'autre ne s'y connecte ? Le problème pour les Russes devenait alors que, bien qu'ayant un réseau de transfert bancaire international fonctionnel (supposons), ils étaient les seuls utilisateurs. Et donc : comment "inviter " d'autres pays à participer à SPFS ? Et là, je sens que vous commencez à comprendre.
Pourquoi maintenant ?
Les USA et l'UE ont menacé d'exclure la Russie de SWIFT à plusieurs reprises, c'est impossible que les Russes n'aient pas envisagé cette possibilité, et pourtant ils ont franchi le pas. Qu'ont-ils pu avoir comme stratégie en tête pour défaire la stratégie des USA : être exclu du réseau SWIFT ?
La Russie est un des plus gros exportateurs de matières premières fondamentales, comme le nickel, le cobalt, ou le titane. Ces matières sont utilisées dans des produits de haute technologie, ceux dont l'industrie Européenne a le plus besoin et qu'elle ne peut pas remplacer : les prix flambent, l’approvisionnement est difficile, les chaînes de production s'arrêtent. En comparaison, l'Ukraine a peu de matières premières intéressantes.
Mais la Russie est aussi le plus gros exportateur de blé au monde, pour environ 20% des exportations mondiale, alors que l'Ukraine compte pour environ 10%, produits surtout dans la plaine du sud-est, Russophone, juste au dessus de la Crimée, la partie que les Russes ont envahi en premier. Avec ces nouveaux territoires, la Russie contrôle environ 30% des exportations mondiales de blé et/ou céréales (je ne connais pas les détails). Pour l’Égypte, 100 millions d'habitants, c'est 80% de leur importation de blé qui vient de là !
De plus, la Russie est aussi un des plus grands exportateurs d'engrais, et le gaz naturel est aussi utilisé pour produire de l'engrais.
L'époque de l'invasion est fondamentale :
– au printemps, les réserves de gaz naturel en Europe sont au plus bas, sans gaz Russe l'Europe ne peut donc pas tellement fabriquer des engrais puisqu'ils ont besoin du gaz restant pour faire tourner les centrales électriques pour les usines – Et pourtant, c'est au printemps qu'on a le plus besoin d'engrais pour la terre sur laquelle seront plantés les céréales – Et donc, la production céréalière Européenne sera faible cette année 2022, et certainement chère : on le constate déjà – Même si l'Europe et les Européens peuvent se permettre des céréales chères, il y aura grognement social après les 2 années de Covid, et certains commenceront à se demander si l'Ukraine en vaut vraiment la peine : après-tout, les USA ont fait bien pire en Irak en 2003 et personne n'a moufté – Mais surtout : l'Europe ne pourra pas exporter de céréales, les USA probablement pas tellement non-plus, et la part des céréales Russes dans le monde va encore s’accroître, pour représenter probablement la moitié du marché mondial en 2022
Comment vont réagir les autres pays ?
Quand, dans quelques semaines, les pays Africains et du Moyen-Orient vont commencer à manquer de nourriture – le blé est utilisé pour le pain, les pâtes et la semoule – ils se tourneront inévitablement vers leur seul fournisseur possible : la Russie. Qui, elle, sera grand prince et voudra bien vendre le blé, mais, malheureusement, étant coupé du réseau SWIFT, il faut que la pays en question se joigne au réseau SPFS.
La même chose pour les Européens : si ils veulent du nickel et du cobalt pour fabriquer des voitures électriques pour sauver la planète du réchauffement climatique produit par les voitures thermiques qui consomment du pétrole ... Russe, ben faudra passer par SPFS.
Conclusion
Je pense qu'un des objectifs de la Russie était de justement se faire couper du réseau SWIFT, tout en se mettant en situation d'un fournisseur incontournable, voire vital. Ainsi, ils obligent les partenaires à se joindre à leur réseau financier, et donnent un coup sévère à l'empire des pétro-dollars déjà moribond. Au final, ils ont tendu un piège aux Américains qui sont tombés dedans comme des bleus.
Je pense aussi que la guerre en Ukraine est finie du point de vue Russe, ils ne vont plus bouger mais seulement sécuriser leurs positions et attendre.
En tant que joueur d'échecs, je peux apprécier un coup de maître. Et comme Sun Tzu fut un général Chinois, ils sauront aussi applaudir la manœuvre. Prochaine épisode : Taïwan, qui fournit 70% des microprocesseurs du monde entier.
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