L’attentat contre Charlie pouvait-il être évité ?
Mercredi 7 janvier 2015, en fin de matinée, deux hommes vêtus de noir et lourdement armés entrent dans le siège du journal Charlie Hebdo à Paris.
Ils ouvrent le feu à la Kalachnikov, tuant douze personnes dont deux policiers et blessant grièvement quatre personnes, ce qui constitue le bilan le plus meurtrier d'un attentat en France depuis 1961…
Parmi les victimes se trouvent les dessinateurs Charb, Cabu, Honoré, Tignous, Wolinski, l'économiste Bernard Maris, la psychanalyste et chroniqueuse Elsa Cayat, Michel Renaud, invité de la rédaction, le correcteur Mustapha Ourad ainsi que deux policiers, Ahmed Merabet et Franck Brinsolaro chargé de la protection de Charb ainsi qu'un agent de maintenance Frédéric Boisseau.
Il semble cependant que Charb était la cible principale de cet attentat qui n’a pas seulement causé la mort de plusieurs personnes mais qui visait aussi la liberté d’expression, la démocratie et la cohésion de notre société. Et ce serait donner raison aux extrémistes que d’abandonner nos valeurs pour adopter leur vision du monde où l’intolérance fait figure de loi, un monde où l’identité se fonde sur la détestation de l’autre.
Le chroniqueur et urgentiste Patrick Pelloux affirme que « le journal va continuer, ils n'ont pas gagné ». Le journal paraîtra mercredi prochain, jour de sa parution habituelle et sera exceptionnellement tiré à un million d'exemplaires.
Ce drame ne doit pas nous faire oublier qu’à l’époque de la parution des caricatures de Mahomet, très peu de personnalités politiques ou d'associations avaient apporté leur soutien à Charlie qui s’était retrouvé alors isolé sur la scène nationale.
Charlie Hebdo a été poursuivi par la Grande Mosquée de Paris, l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) et la ligue islamique mondiale pour la publication de deux des caricatures de Mahomet du journal Jyllands-Posten ainsi que pour la Une dessinée par Cabu représentant « Mahomet débordé par les intégristes » déclarant que « c'est dur d'être aimé par des cons ».
Et aujourd’hui, il est un peu facile pour toute une série d'organisations et associations diverses, de reprendre toutes en chœur le slogan « Je suis Charlie » en appelant à manifester sur la voie publique.
Au vu du déroulement précis de l’attentat, on peut déplorer aussi la fin, depuis septembre 2014, de la présence permanente des forces de police pour surveiller les lieux devant les nouveaux locaux du journal, d’autant plus que les anciens bureaux de Charlie avaient déjà été, dans la nuit du 1er au 2 novembre 2011, la cible d’un incendie criminel provoqué par un cocktail molotov. Car, comme on le sait, les deux assaillants ont pu rentrer facilement dans les lieux pour se rendre ensuite dans la salle du comité de rédaction et y tuer les dessinateurs et journalistes présents.
L'Etat est moins regardant pour d'autres dépenses de sécurité, comme celles des anciens présidents de la République. Nicolas Sarkozy par exemple dispose pour assurer sa protection rapprochée, d'une équipe de sécurité comprenant plusieurs fonctionnaires de la Police nationale. S'y ajoute la surveillance de son domicile personnel - l'hôtel particulier de son épouse Caria Bruni, assurée par des officiers de gendarmerie. Le Parisien" révèle en outre que la villa qu’il occupe l'été au Cap Nègre, est surveillée par cinq équipes de trois fonctionnaires de la CRS 1, commandées par un gradé ! Jacques Chirac dispose quant à lui de deux gardes du corps (143.600 €/an), six gendarmes mobiles étant en poste au château de Bity (420.000 €) en Corrèze alors que l'ancien président n'y met pratiquement plus les pieds !
Aujourd’hui donc, s’il faut se mobiliser contre le terrorisme avec détermination, il convient aussi d'affecter les moyens budgétaires nécessaires à la sécurité des personnes menacées de mort ou de fatwa, de sortir d'un certain angélisme gouvernemental en prenant à bras le corps les problèmes posés par le développement de l’intégrisme religieux, de ne plus accuser d'islamophobie ou de racisme ceux qui défendent la laïcité et d'adapter enfin de façon radicalement nouvelle notre arsenal législatif et juridique...
Charb, Cabu, Honoré, Tignous, Wolinski, Mustapha, Bernard, Elsa, vous nous manquerez !
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