L’autre territoire perdu de la République
L’autre territoire perdu de la République
On se plait à (re) dire que la loi de la République ne s’applique plus dans certains quartiers.
Mais si l’on prenait en considération d’autres paramètres, par exemple les règles contenues dans certains traités, en commençant par le traité de Maastricht, on pourrait dire que ce sont les principes de la République qui ne s’appliquent plus nulle part.
Et ce, non du fait des voyous vendeurs de drogues, mais du fait de la volonté de l’élite gouvernante elle-même.
Le tout (comme dans les quartiers où les « patrons » ont un profil particulier), avec des acteurs politiques dont le profil est également adapté à la tâche. Dont le comportement aux manettes et la stratégie d’accession au pouvoir sont également adaptés à l’objectif.
Expliquons ces pistes de réflexion iconoclastes.
I. La neutralisation des principes de la démocratie
A. La première constatation qu’il convient de faire, est que des dispositions essentielles de la constitution ont été gelées par l’effet de celles de divers traités économico-financiers.
Les dispositions du traité de Maastricht et celles des traités postérieurs s’inscrivant dans la même logique, définissent en effet le contenu de la politique future que les dirigeants doivent désormais imposer à leurs peuples.
Le financement de l’Etat se fait (en dehors des impôts et des taxes) par des emprunts auprès des banques privées et des marchés financiers.
Les institutions de l’Etat ne peuvent entraver la liberté de circulation des capitaux, des marchandises, et des individus (quelles qu’en soient les conséquences - notamment sociales -).
Les institutions de l’Etat doivent supprimer tout ce qui s’oppose au libre jeu de la loi des marchés ( comme le droit du travail) et doivent donner au privé les activités potentiellement lucratives gérées jusque là par des personnes publiques.
Soit spontanément soit sur instruction des organismes ad hoc (notamment la « commission européenne ») créés à ces fins par les traités.
S’agissant de la constitution française, l’obligation de mettre en œuvre les règles de fond du / des traité(s), a, de manière quasi mécanique, gelé la mise en œuvre de ses dispositions les plus « importantes ». Celles qui mettent en réalité en œuvre les principes du régime démocratique :
- L’article 34 qui donne aux parlementaires le droit de voter les réformes (et de les modifier)
- L’article 20 qui donne au gouvernement ( français) la tâche de déterminer la politique de la nation (et d’en changer)
- les articles sur le référendum qui donnent au peuple le droit de se prononcer y compris sur toute soumission à des contraintes extérieures
Ce qui fait que le président de la République, qui devait veiller au respect de la constitution (art 5) ne peut plus utiliser ses prérogatives, que pour veiller à ce que les dispositions essentielles de la constitution… ne soient plus, pour les raisons qui viennent d’être rappelées, respectées.
Au lieu d’être le « garant de l’indépendance nationale » ( même article 5), il doit veiller à la soumission de la France aux divers intérêts externes et internes que les rédacteurs des règles des traités ont voulu privilégier.
B. En outre, les dispositions qui permettent d’utiliser un bulletin de vote ont changé d’objet : les citoyens, en désignant le président de la République ou un parlementaire, ne désignent plus, pour les raisons qui viennent d’être dites, un « représentant » ( qui parlerait en leur nom ou au nom de l’intérêt général), mais des exécutants des textes des traités ou des directives des institutions extérieures.
Ce qui fait que le principe de la souveraineté qui est censé appartenir au peuple qui « l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum » (article 3 et préambule) , est vidé de toute réalité.
Dans ces conditions, tout se passe un peu comme ce que l’on observe dans les « quartiers ». Dans lesquels les principes de l’Etat démocratique ne s’appliquent plus.
A ceci près que les artisans du phénomène décrit ci-dessus ne sont pas les dealers et autres voyous, mais sont les membres de l’élite dirigeante.
II. Le nouveau profil des nouveaux dirigeants
La réduction du champ d’action des élites, s’accompagne d’un changement (particulièrement visible sous les présidences Sarkozy et Macron) de certains comportements de beaucoup de membres de l’élite :
- qui acceptent de faire de la manipulation un / le mode privilégié des rapports gouvernants – gouvernés ;
- qui acceptent de transférer méthodiquement la source du pouvoir, du peuple vers les cercles financiers et économiques.
- qui camouflent le lien de subordination avec des tiers (pas avec les gouvernés) lesquels conditionnent matériellement leur carrière .
A. Jadis, le président de la République, qui avait à décider sur des questions essentielles, limitait ses interventions en direction de citoyens à des questions de cette même nature. Il donnait à ses propos un ton solennel.
Aujourd’hui, le président de la République, dont le rôle a changé ainsi qu’il vient d’être dit, occupe en permanence la scène médiatique, (ainsi que ses ministres et ses parlementaires qui le citent et le paraphrasent).
Tout se passe comme si, ayant des fonctions vidées de leur substance, il restait au président de la République à faire croire à son importance ou à son utilité, mais par d’itératives apparitions en utilisant le ton des conversations privées (1) . Faites de banalités. Par exemple en décrivant ce qui ne va pas, (y compris lorsque ce qui ne va pas est imputable à son activité même). Ou en dissertant sur des questions matérielles de détail qui relèvent en réalité de tâches d’agents subalternes.
Et, s’agissant de l’essentiel, les questions financières, économiques et sociales, qui relèvent du système de Maastricht et qui ont des effets négatifs sur le niveau de vie de strates numériquement importantes de la population, le président doit user de techniques et argumentaires pour faire oublier aux citoyens, que ces derniers … n’en sont plus véritablement. Et, les convaincre qu’ils ne sauraient penser (sauf à verser dans le populisme, le souverainisme, l’extrémisme ou toute autre forme de supposé dérèglement mental) à revenir aux principes traditionnels de la démocratie.
B. Il résulte de la logique des dispositions des traités et de la mécanique mise en place par leurs rédacteurs, que les personnes qui veulent obtenir un poste de premier plan (et jouir des honneurs, de la considération et du train de vie qui y sont attachés), sont « obligées », moins d’avoir des idées et des facultés que l’on rattache généralement au concept d’ « intelligence » (2) que d’avoir des prédispositions à donner des gages. Assurant ceux pour lesquels la mécanique a été mise en place par les rédacteurs des traités, qu’une fois en place, ces personnes devenues dirigeants, feront tourner efficacement cette dernière.
Il en va de même pour le personnel annexe, qui gagne sa vie dans les entourages et profite ce faisant des opportunités d’avoir une investiture ou de faire du pantouflage et du rétro pantouflage. Sport qui fait désormais partie du « fonctionnement régulier (au sens d’habituel) des pouvoirs publics », au même titre que les commissions et les rétro commissions.
Le tout exigeant évidemment pour le travail à accomplir, des qualités de caractère … parmi lesquelles les scrupules ne figurent pas au premier rang ( puisque des mesures seront prises qui auront un impact social négatif).
C. Les impétrants agréés seront ceux qui bénéficieront (3) du financement de leur campagne électorale, du soutien des réseaux influents, et de la propagande des médias. Médias qui orienteront le vote de suffisamment d’électeurs pour que le choix par les réseaux du futur titulaire du poste soit consacré par le rituel ancien de l’élection.
Ce qui rend dépendants les membres de l’élite, avant même qu’ils n’entrent en fonctions.
Election qui , grâce à l’usage (dolosif) qui est fait des vieilles conceptions de « l’élection-représentation » (du peuple) , sert simplement d’argument lorsqu’une décision est contestée, pour légitimer cette dernière ou excuser celui qui l’a prise.
( en guise de … ) Conclusion.
Ce que l’on peut appeler en un raccourci la « médiocrité » des élites (2) peut conduire / conduit les personnes qui en font partie à faire ou à dire des « stupidités » (4) . Que les citoyens peuvent finir par percevoir (4) malgré l’intense « pilonnage » des médias alliés de l’élite. Et ne plus supporter, surtout quand lesdites sottises ont un impact immédiat sur leurs conditions de vie.
Et comme les citoyens disposent toujours malgré tout du droit de vote, ils peuvent, à partir des isoloirs, mettre en place des personnalité - puisqu’il y en a - qui ont le sens de l’intérêt général et qui ont le respect (outre celui d’eux-mêmes) de la dignité du pays et des citoyens. Et qui utiliseront leurs prérogatives constitutionnelles pour faire autre chose.
C’est à dire reconquérir le terrain que l’élite précédente a fait perdre à la République.
Marcel-M. MONIN
constitutionnaliste
1) On pourrait également se demander s’il ne faut pas comprendre dans la même logique, le comportement des chefs d’Etats et de gouvernements lorsqu’ils se rencontrent. Qui donnent le sentiment de se comporter plutôt en « compères » ( embrassades, tutoiement, tripotage de bras et d’omoplates, …) qu’en représentant dignes ( v. la gestuelle et les discours du général de Gaulle) de peuples et de nations ayant une histoire.
(2) v. le titre suggestif de l’ ouvrage du Pr Perronne consacré à la gestion de l’épidémie de coronavirus par l’élite « Y-a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise ? », ( Albin Michel).
Sans généraliser ni rien conclure qui soit définitif, on peut observer que les dirigeants sont parfaitement « formatés » pour prendre les mesures de mise en œuvre de l’idéologie et des règles de Maastricht ( droit du travail, retraites, continuation des plans concernant le service « marchand », de la santé, y compris en pleine crise sanitaire, …). A y regarder de près, ces mesures ( « dans l’obéissance (*) Maastricht » ne demandent pas une grande intelligence : elles sont la mise en œuvre mécanique de recettes pratiquées depuis longtemps.
Quant aux domaines « hors l’obéissance (*) Maastricht » certains discours (tenus par exemple à la suite du départ de l’épidémie, ou après l’assassinat de personnes par des tenants d’une des lectures de textes religieux), trahissent souvent une certaine forme de vide ou de paralysie intellectuels. Un peu, mutatis mutandis, comme le plombier auquel on demanderait de faire de la maçonnerie, de l’électricité ou de se mettre au piano.
(*) expression empruntée au vocabulaire de l’Ancien Régime pour distinguer les provinces selon que leurs Parlements avaient enregistré ou non les ordonnances royales.
( 3) v. sur internet, les références des ouvrages consacrés à la « fabrication » éclair du candidat Macron ; et écouter sur youtube les interviewes de chercheurs, de journalistes et d’auteurs sur cette question.
(4) certains éditorialistes TV commencent même à en faire ouvertement état.
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