L’axe « rouge-brun », hypothèse concevable ou supputation farfelue ?
Un "compromis historique" entre le diable habillé en RN, et une extrême-gauche "nationaliste" ou souverainiste est-il possible ? Par référence aux théoriciens du national-bolchevisme allemand des années de l'immédiate après-première guerre, aux tentatives de rapprochement entre certains bolcheviques russes et les nazis, aux convergences des années 1930 entre communistes et nationalistes en France, ou à la floraison de groupuscules "nationaux-socialistes" qui sont apparus dans la France de Vichy, l'hypothèse n’est pas aussi farfelue qu’il y paraît au premier abord.
Cet axe rouge-brun est évoqué par les communicants de la Macronie pour confondre dans un même opprobre l’extrême gauche et l’extrême droite, mais aussi, comme l’affirme un mien ami qui me pardonnera de le citer, par « des hiérarques et communicants de "gauche" pour manipuler l’opinion en instrumentalisant les "antifas" dans le but d’empêcher toute expression à gauche de l’idée de souveraineté et d’indépendance nationale, faisant ainsi un boulevard à la droite néo-libérale et surtout à l’extrême droite.[…] Cette stratégie de communication qui a débuté sous Mitterrand avec "Touche pas à mon pote" ne peut plus cacher aujourd’hui la fonction antipopulaire que la gauche dite de gouvernement a incarné pendant près de 40 ans. […] L’axe rouge-brun n’a aucune réalité tangible, pas plus aujourd’hui qu’hier. Si les macronistes le reprennent sous forme d’insinuations [...] c’est pour capter la partie de l’électorat de gauche encore un peu sensible à ce genre de sirènes ».
Le Front National "canal historique" se prévalait déjà, il est vrai, de préoccupations sociales. Une inflexion plus significative est intervenue dans le discours du FN lors du "passage de témoin" à Marine Le Pen, notamment sous l'influence de Florian Philippot. Cela a d'ailleurs permis à MLP de doter son parti d'un corpus idéologique comprenant deux axes principaux :
- "défense de la France" contre un "déferlement migratoire", largement imputé aux instances supranationales européennes et au laxisme du pouvoir actuel en France.
- "défense des classes populaires" contre les méfaits d'un libéralisme débridé, voire contre une Europe dénoncée comme étant asservie aux lobbies mondialistes et à tout le moins indulgente à l'égard des paradis fiscaux installés le territoire même de cette même Europe.
Il y a lieu de se demander cependant, si cet aspect du discours ne relève pas de la pure rhétorique électorale lorsque l’on se souvient par exemple des positions antérieures de MLP contre l’augmentation du SMIC.
S'agissant du discours anti-migratoire, la perspective d'une lame de fond arabo-musulmane s’abattant sur la vieille Europe et provoquant la disparition de l'identité française, déclarée d'essence "judéo-chrétienne", ainsi que la dénonciation permanente des "incivilités", voire du non-droit régnant dans les cités, augmentent l'audience du RN auprès des couches populaires. En ce domaine, les indignations vertueuses qui sont le propre de la gauche ne font pas jeu égal, pas davantage que ses exhortations à traiter le problème "à la racine", en aidant au développement des pays de départ. Cela se traduit électoralement parlant, par un net avantage en faveur du RN.
Cela est amplifié par le fait que la gauche traditionnelle semble s’interdire tout débat interne, et « refuse d’aborder la problématique d’une politique migratoire maîtrisée en fonction des besoins nationaux du moment, politique qui saurait allier réalisme migratoire et combat des thèses racistes et ethnicistes. De la sorte est empêchée l’émergence d’une orientation souverainiste à gauche » (blogueur précédemment cité).
En ce qui concerne l'axe social, le RN, qui a conservé et même accentué depuis la crise des "gilets jaunes" cet aspect de son discours, engrange, toujours électoralement parlant, le bénéfice de ses promesses et de ses déclarations d'intentions.
L'hypothèse d'une accession au Pouvoir du RN ne paraît donc plus tellement invraisemblable. Il lui suffirait de rallier une partie du LR, les souverainistes de droite partageant ses thèses anti-immigrationnistes, et un nombre significatif de gilets jaunes plus ou moins "poujado-populistes" pour espérer briser ce que les éditorialistes patentés se plaisent à qualifier de "plafond de verre".
Encore que Le RN, après avoir tenté au début d’instrumentaliser le mouvement se soit montré plus prudent dans ses appels du pied, du fait d’une part des craintes suscitées par l’émergence de forces contestataires échappant à son contrôle et du fait d’autre part de ses positions traditionnelles en faveur de « l'ordre », un "ordre" qui, baptisé "ordre républicain" est devenu le cheval de bataille principal des porte-voix du LR dans leur désir de se distinguer d'une part de la Macronie, accusée d'être trop laxiste ou frappée d'incapacité en ce domaine, et d'autre part d'un RN qui serait trop "indulgent" à l'égard des gilets jaunes.
Peut-on imaginer, dès lors, un scénario identique à celui qui vit Hitler jouer dans un premier temps le jeu démocratique (élections de 1932) puis devenir chancelier (1933) par des moyens bien moins "pacifiques" ?
Dans une telle perspective, on ne peut éviter de songer à la rupture intervenue entre le nazisme de Röhm, encore teinté de socialisme virtuel, et le nazisme épuré de tout socialisme réel d'un Hitler désormais soumis aux visées, sinon aux diktats du grand patronat allemand car largement redevable à ce dernier de son accession au pouvoir.
Il n'y a a priori aucune mesure entre le national-socialisme allemand, et ce que nous pourrions appeler le social-nationalisme du RN, ne fût-ce que par l'absence dans le second de groupes paramilitaires et de troupes de choc genre S.S. ou S.A.
Une "nuit des longs couteaux" est donc tout à fait improbable, et tout au plus peut-on imaginer une sorte de "pronunciamento" relativement "démocratique" au sein des instances dirigeantes du RN.
Par contre, il se peut que dans son désir d’accession au Pouvoir, le RN accentue ses gestes en direction du MEDEF et des "élites" conservatrices, adoptant dès lors un discours progressivement plus libéral que social. Ses changements de doctrine "opportunistes" par rapport à l'Europe et à l'euro peuvent plaider pour une telle évolution.
Un autre changement de configuration par rapport au national-socialisme d'antan tient au fait que l’antisémitisme qui a imprégné le nazisme et ses avatars européens, qui a sévi dans certains pays d'Europe de l'Est avec souvent la participation active des populations occupées (notamment Pays baltes, Ukraine, Pologne) et qui a constitué en France même un substrat de la collaboration n‘est plus de mise.
La disparition de l'antisémitisme dans le discours de l'extrême droite française, ou du moins son occultation dans l’expression médiatique officielle de cette dernière donne à penser que les démons de jadis ont été en quelque sorte exorcisés. Mais cela peut être mis en doute.
De nos jours, l'antisémitisme, qui était volontiers cultivé en France par des "élites" proches de l'extrême droite, est surtout le fait d’antisémites basiques issus de "cités", cités dont la composition ethnique et culturelle constitue un terreau propice aux prédications islamistes. Cet antisémitisme est en outre alimenté par le conflit israélo-palestinien, phénomène qui est souvent occulté par les éditorialistes et commentateurs patentés de la presse et du P.A.F.
L'islamophobie, largement suscitée il est vrai par un terrorisme pratiqué au nom d'une religion musulmane intégriste voire totalitaire, remplace aujourd'hui l’antisémitisme d’antan, aussi bien parmi certaines "élites" que dans la masse des citoyens ordinaires.
Les constats qui précèdent permettent-ils de conclure à un danger fasciste ? Faut-il, comme nous y invite la Macronie, qui crie au loup populiste pour maintenir les effectifs de son troupeau électoral, craindre une dérive fascisante du RN ? Une telle hypothèse tient-elle du fantasme ?
Si certaine petite nièce, dont l'audience n'est pas négligeable au sein de l'extrême droite française, et qui ne fait pas mystère de ses orientations ultra-libérales et de ses sympathies pour le conservatisme réactionnaire américain, décidait un jour de revenir activement sur la scène politique avec le soutien de groupes "identitaires" adeptes de la violence, l'hypothèse perdrait de son caractère invraisemblable, encore que sa participation récente au forum économique de Yalta, où elle a semblé plaider pour un monde multipolaire permette de nuancer le jugement que l'on peut porter sur elle.
Quant à l'axe rouge-brun, volontiers évoqué par les cercles du Pouvoir, les médias mainstream, et "la gauche de gouvernement" ou plus généralement la social-démocratie française, disons qu'il s'apparente à un épouvantail à usage électoral.
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