La seule chose qui intéresse Susan George, ATTAC, le Forum Social Mondial ou tant d’autres officines de la mouvance est de prendre le contrôle d’un gouvernement mondial. L’objectif final est de s’institutionnaliser et de dominer la société libre au travers de bureaucraties et de fiscalités mondiales.
Quatre ans après
Le rapport Lugano, Susan George a écrit
Un autre monde est possible si..., un autre décevant ouvrage d’analyse de la situation mondiale, qui prétend enseigner à la gauche comment gagner la bataille du pouvoir.
Avant toute chose, l’auteur se déclare être une féroce ennemie du « néo-libéralisme » et particulièrement de sa concrétisation politique, le consensus de Washington. Selon George, la doctrine « néo-libérale », renforcée par le gouvernement des États-Unis, s’imposerait de manière implacable dans le monde entier. Ses instruments seraient multiples, et dans le livre méritent le qualificatif d’adversaires : les terribles jumeaux (le FMI et la Banque mondiale), l’OMC, le G-8 et les agents privés (multinationales et marchés de capitaux).
Plus intéressante est la critique que George adresse aux multinationales et aux marchés de capitaux. D’un côté, il faut signaler qu’elle vise juste quand, par exemple, elle critique les entreprises qui, pratiquement, participent à la rédaction des directives de la Commission européenne. De fait, nombreuses sont les compagnies tentées d’utiliser l’État pour s’enrichir aux dépens des consommateurs. La critique de ceux qui se servent de l’État pour forcer les gens doit donc être aussi radicale que celle adressée à l’encontre du socialisme. Mais, d’un autre côté, George déraille. Selon elle, « la globalisation et le bien-être humain sont, au fond, ennemis ». Ce doit être bien au fond alors, car toutes les améliorations et augmentations du niveau de vie ont été causées par le capitalisme et l’esprit d’entreprise. Une simple lecture des statistiques officielles suffit à se rendre compte que les pays les plus libres économiquement et
les plus ouverts à la globalisation sont justement ceux qui possèdent les meilleurs indices de développement humain.
Ensuite, George se plaint de ce que les multinationales réduiraient constamment leur main d’œuvre alors même qu’augmenteraient leurs ventes et leurs bénéfices. Inutile de rappeler ici que les ajustements de personnel ne sont pas reliés aux bénéfices sur le court terme mais bien sur les coûts généraux de l’entreprise à moyen et long terme. En l’occurrence, l’auteur semble bien renier la doctrine marxiste de l’exploitation. Il apparaîtrait, en effet, que maintenant le business de l’entrepreneur ne consisterait plus à « exploiter » le plus grand nombre de personnes, mais bien à en licencier le maximum. Que les entrepreneurs en herbe prennent bien note : si vous voulez augmenter substantiellement vos bénéfices, renvoyez donc tous vos employés.
De plus, George accuse ces multinationales de payer des salaires de misère au Tiers-monde, ce qui serait, en plus d’être injuste, irrationnel, puisque « des salaires plus bas signifient aussi qu’il y aura moins de personnes qui pourront acheter une voiture ». Cette affirmation n’a pas plus de sens que la précédente. En effet, les multinationales paient des salaires plus haut que ceux qui sont payés dans les pays où elles s’installent. Pour justement attirer la main-d’œuvre. Et si George semble dégoûtée par les « bas » salaires des multinationales, elle applaudit, en revanche, une initiative du gouvernement socialiste de Lula Silva consistant à payer cinq malheureux dollars aux parents dont les enfants fréquentent régulièrement l’école : « Il se peut que l’équivalent de cinq dollars par mois ne paraisse pas être une grande quantité d’argent, mais pour des familles sans emploi ou avec un salaire minimum d’environ 75 dollars mensuels cela peut représenter une grande différence. » Pourquoi donc George n’arrive-t-elle pas à comprendre que les « bas » salaires des multinationales selon les standards occidentaux peuvent aussi représenter « une grande différence » pour les pauvres du Tiers-monde ?
Dans un autre domaine, George se montre également et terriblement préoccupée de la dégradation de l’environnement. Dans le deuxième chapitre de son livre, elle nous explique que l’on continue de déverser à la mer des tonnes d’eaux résiduelles, assure qu’un environnement compétitif exigerait que chaque pêcheur ou bûcheron capture tous les poissons ou coupe tous les arbres qu’il peut et qu’il n’existerait pas d’incitants à conserver la nature puisque « celui qui s’offre volontairement à commencer en solitaire est, en termes économiques, un idiot, car il payera les coûts, mais permettra que tous les autres recueillent les bénéfices ».
Ici, l’auteur montre une nouvelle fois sa totale incompréhension des mécanismes en jeu en ne percevant pas que tous ces problèmes surgissent de l’inexistence de la propriété privée comme l’expliquait parfaitement
Garrett Hardin en 1968 dans sa théorie de « la tragédie des communs ». Les eaux résiduelles peuvent impunément polluer les océans car ils n’appartiennent à personne ; le bûcheron coupera tous les arbres d’un terrain qui ne lui appartient pas et n’en replantera aucun ; personne n’est incité à garder propres les rues ou les bois qui ne nous appartiennent pas. Par contre, imagine-t-on un entrepreneur privé utiliser ses ressources propres (machine, bâtiments, etc.) sans jamais penser à leur conservation et à leur futur remplacement ?
C’est ainsi que, compte tenu de la pauvreté humaine et la misère écologique que produiraient les multinationales, Susan George en arrive à proposer une séries de mesures embryonnaires d’un gouvernement mondial, comme l’établissement d’un impôt sur les mouvements de capitaux (objectif principal d’ATTAC, dont elle fut la vice-présidente) qui serait géré par divers organismes internationaux, comme la très performante ONU, afin d’investir ici et là, en vue de créer de la richesse et de protéger le milieu naturel. En d’autres mots, le socialisme planétaire. La taxe Tobin est un impôt régressif qui sert seulement à réduire les mouvements internationaux et à étendre le pouvoir des gouvernements. Or ce dont a le moins besoin le Tiers-monde, c’est précisément d’une diminution des flux de capitaux, c’est-à-dire un ralentissement de la globalisation. Quelque chose que, de manière inexplicable, George elle-même reconnaît : « c’est pourquoi les défenseurs de la Trinité des Libertés peuvent dire des choses comme ’le problème de l’Afrique n’est pas l’excès de globalisation, mais bien qu’il y en ait trop peu’, ce qui est vrai, mais n’aide pas beaucoup ».
Ce qui est sûr, c’est que l’expertise économique de George ne laisse pas d’impressionner. De fait, dans Le rapport Lugano, elle admettait être une complète ignorante en la matière. Dans ce livre, on peut ainsi trouver des mesures aussi pittoresques que la soumission de la politique monétaire au peuple pour, au travers de inflation, contribuer à l’activité économique et à la création de postes de travail. Il est superflu de signaler qu’une telle politique n’a jamais provoqué que l’appauvrissement des consommateurs et la mauvaise assignation des ressources de la part de l’entrepreneur, ce qui donne immanquablement lieu au redouté cycle économique. George n’arrive pas à sortir du paroxysme keynésien pour la surproduction et, par conséquent, interprète mal tous les phénomènes économiques.
Une autre des politiques qu’elle semble promouvoir est le protectionnisme commercial qui pourrait aller jusqu’à l’autarcie. Pour elle, le commerce peut et doit servir d’instrument politique ; la politique européenne peut et doit se servir d’instrument politique et la politique européenne doit donner la préférence à l’Europe élargie d’abord, à la Méditerranée ensuite et aux anciennes possessions coloniales. Bien entendu, les entrepreneurs chinois, japonais ou américains peuvent crever dans la misère. Sans parler des consommateurs européens qui se verraient empêcher d’acquérir des produits étrangers moins cher et/ou de meilleure qualité. Et en matière fiscale, elle se déclare partisane de dépouiller encore plus les citoyens en proposant d’implanter un nouveau programme de taxation et de redistribution de type keynésien à caractère mondial ainsi que des « impôts verts » dont la beauté résiderait non seulement dans le fait qu’ils favoriseraient la production propre mais aussi la recherche « de solutions plus élégantes ». Comme on le voit, la solution de George consiste à tondre chaque fois plus le contribuable pour pouvoir manipuler leur vie et leurs biens. Peu importe le fait que, comme toujours, cela se transformera en un gigantesque gaspillage des ressources et en une diminution de la richesse que les entrepreneurs auraient pu créer.
Reconnaissons toutefois que ses propositions ne sont pas toutes aussi farfelues. Ainsi, par exemple, elle cite l’économiste
Hernando de Soto pour
défendre la reconnaissance de la propriété aux individus qui l’auraient acquise de manière adéquate (par exemple, les favelas brésiliennes). Dommage que Susan George ne soit pas capable d’étendre ce principe de respect de la propriété privée au reste de ses propositions ; auquel cas, elle se rendrait compte que sans propriété privée, il n’y a pas de prospérité ni de bien-être possibles.
Bien entendu, pour parvenir à imposer cet ensemble de politiques écervelées, il convient d’élaborer une stratégie afin de convaincre les gens et de s’emparer du pouvoir. C’est ce à quoi s’attelle Susan George dans la seconde partie de son livre. Pour elle, ce devrait être une stratégie basée sur la non violence contre les personnes et les propriétés. Cependant, comme bonne socialiste, elle condamne la violence contre la propriété pour des motifs seulement politiques, pratiques et tactiques. On doit supposer qu’une fois le pouvoir conquis, on pourra laisser tomber le masque et s’attaquer franchement à la propriété. Mieux, Susan George justifie la violence quand une activité porte préjudice à l’environnement ou à la « société », dès lors que, selon sa vision, l’inaction face à ces cas pourrait rentrer dans le cadre du code pénal au travers de figures juridiques comme la « non assistance à personne en danger » qu’elle élargit à celle de « non assistance à société en danger ».
On ne s’étonnera pas ainsi de sa farouche défense de José Bové. George nous explique que l’Union européenne fut condamnée par l’OMC pour ses pratiques protectionnistes concernant l’importation de viande de bœuf américain, de sorte que les États-Unis purent imposer une série de taxes douanières punitives sur différents produits européens, dont le fromage de Roquefort français. Comme on le voit, l’OMC agit bien comme une bureaucratie socialiste qui, en réalité, ne sert qu’à alimenter les conflits entre pays en conférant une légitimité aux tarifs douaniers « punitifs ». Ces tarifs douaniers portèrent donc préjudice à Bové et aux autres éleveurs de moutons français. Et c’est ainsi que George légitime la destruction d’un Macdonald’s par Bové. Mais retournons la question à George. Qu’est-ce Macdonald’s avait à voir avec les petits jeux protectionnistes de l’Union européenne ou des États-Unis ? Pourquoi Bové s’est-il donc senti légitimé à détruire un bien privé ? De manière démagogique, Bové en avait fait un bouc émissaire, et il fut condamné pour cela car son acte était aussi peu légitimement fondé que s’il avait torturé un citoyen américain en représailles des taxes douanières sur le Roquefort.
Ce qui n’empêche pas George, ce paladin de la non violence, d’assurer que « criminaliser » Bové et ses suiveurs risquerait de conduire à la violence. Ainsi donc, George n’est même pas sûre de pouvoir s’emparer du pouvoir sans violence, voire même sans faire couler le sang. De fait, la seule chose qui intéresse Susan George, ATTAC, le Forum Social Mondial ou tant d’autres officines de la mouvance est de prendre le contrôle de ce début de gouvernement mondial. George elle-même le reconnaît : « Peut-être le Forum Social Mondial, en conjonction avec le Forum Parlementaire Mondial, pourrait être l’embryon d’un organe représentatif dans le cadre international ». L’objectif final est donc bien de s’institutionnaliser et de dominer la société libre au travers de bureaucraties et de fiscalités mondiales. Comme on le voit, le socialisme ne s’est pas effondré avec le Mur, il a juste changé de forme.