L’errance symbolique du défilé du 14 Juillet 2009 : Wagner, etc
J’ai profité du défilé du 14 Juillet à la télévision. Ca faisait des années que j’étais de garde ce jour-là à l’hôpital et que je ratais l’essentiel des choses. Alors cette année, je me faisais une joie de m’installer confortablement et de laisser la fibre patriotique agir. La plus grande partie du spectacle répondait aux attentes, et tout à coup, la douche froide a commencé à tomber.
Qui a eu cette idée saugrenue de faire accompagner le passage des hélicoptères par la Chevauchée des Walkyries de Richard Wagner ? A l’évidence en clin d’œil à « Apocalypse now », le film de Francis Ford Coppola.
Certes les images du film étaient belles et prenantes, mais au-delà, le film était plus une charge contre les dérives militaires que pour la vocation normale de l’armée. Allez faire vibrer une fibre patriotique avec ça, sauf pour les incultes qui n’ont soit pas vu, soit pas compris le film ! Et puis en quoi le fait de faire référence à un film de cinéma ajoute-t-il un supplément d’émotion à un évènement qui, s’il est globalement festif (la Fête Nationale), relève d’une certaine solennité.
Qui, de plus, ne se souvient à quel point la musique de Richard Wagner, dans un contexte militaire, renvoie l’écho qu’elle avait dans l’Allemagne nazie dont elle était devenue presque un symbole. Si encore elle n’y avait été que récupérée. Mais Richard Wagner n’avait à son époque pas fait que composer, il avait également écrit, écrit des textes dont l’antisémitisme ouvert ne pouvait que plaire aux dignitaires nazis.
Que ce genre de musique colle au propos de Coppola dans « Apocalypse now », on le comprend fort bien. Qu’elle soit adaptée à un défilé de l’armée française, même 64 ans après la fin de la seconde guerre mondiale, est largement plus incompréhensible et pour tout dire insupportable.
Quelques instants après cette première averse, qu’on aurait pu imaginer passagère, la douche froide reprenait sous la forme d’une seconde musique d’accompagnement lors de la descente des parachutistes venant clore le défilé militaire proprement dit avant de se poser au pied de la tribune présidentielle au son des Chevaliers du Ciel, fameux feuilleton télévisé des années 70. On a imaginé quoi, là ? Poursuivre dans la joie et la légèreté ? Après le cinéma, la télévision, ça fait encore plus « peuple », ça, non ? Et la solennité, elle est où ? Va savoir …
Troisième épisode : l’arrivée des enfants de l’association l’Orchestre à l’Ecole pour chanter la Marseillaise. Après l’évocation due à Wagner, l’arrivée de ces chères têtes blondes, bien alignées, dans leur tee shirt blanc uniforme façon Jeunesse Nationale, au pied d’une tribune peuplée d’officiels et de généraux en grande tenue, chantant des paroles dont on peut se demander si, compte tenu de leur âge, elles prenaient pour eux une quelconque signification, l’image avait de quoi faire frémir. On voit bien le symbole recherché, celui d’une communion républicaine entre l’armée et le peuple représenté dans ses enfants, dans ce qu’il a de cher et de tourné vers l’avenir. On voit malheureusement aussi le symbole tel qu’il est reçu d’enfants au bord d’un embrigadement de sinistre mémoire.
Quatrième épisode : sauf erreur, les paroles de la Marseillaise incluent un « Marchons, marchons … » qui s’est transformé en « Marchez, marchez … » dans le chœur des enfants. Je pinaille, là, mais quand même. Je comprends que le fait de faire dire à la première personne à ces gamins des paroles trop violentes aurait pu être trop lourd de sens, mais de là à transformer les paroles de l’hymne national ! De là deux remarques : 1) si les organisateurs ont senti le besoin de modifier les paroles concernées, ils étaient donc bien conscients de l’image mobilisée, 2) il aurait été tout aussi simple de ne pas jouer avec les symboles, les images, et les paroles officielles et de confier le soin du chant à un chœur d’adultes.
Et voilà pour mon 14 Juillet 2009, plein d’espoir et de plaisir attendu, et navré, sinon pire, de ce qui en avait été fait.
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