Un bébé sur deux qui naît aujourd’hui dans les pays développés deviendra centenaire. Voilà ce qu’affirme une étude récente conduite par une université danoise, sous la direction du professeur K. Christensen qui a travaillé dans les centres de recherche américains comme Long Life Family Study, National Institutes of Health, National Institute on Aging. En Europe, il travaille avec le Genetics of Healthy Aging. Au vu des taux de décès actuels, il apparaîtrait que trois enfants sur quatre nés dans les pays riches devraient vivre au moins jusqu’à 75 ans. Et si les conditions de santé moyennes s’améliorent au même rythme qu’au cours des deux derniers siècles, la plupart d’entre eux devraient pouvoir atteindre 100 ans.
L’espérance de vie à la naissance est la durée moyenne que peut espérer vivre une personne en fonction de son année de naissance. Elle se calcule à partir des quotients de mortalité. Les guerres, les désastres naturels, les épidémies et les famines la font diminuer, alors que les progrès des conditions sanitaires (hygiène, alimentation, accès aux soins) et de la qualité de vie (conditions de travail et accès au confort moderne) tendent à l’allonger.
Ces prédictions optimistes se basent sur le postulat que l’allongement de l’espérance de vie enregistrée depuis deux cent ans continuera au même rythme en tablant que les conditions de santé des populations s’amélioreront de la même façon qu’elles l’ont fait jusqu’à présent. Certaines voix contredisent ces projections officielles (86 ans en 2050 selon l’Insee, 103 ans en 2300 selon l’ONU) et pensent que la courbe pourrait s’inverser.
Elles soulignent la non prise en compte de phénomènes considérés comme des « bombes à retardement démographiques » tels que l’obésité par exemple et surtout les impacts de la pollution sur la santé. Ces nombreuses pollutions auxquelles nous sommes exposés ont des répercussions multiples sur notre santé : perturbation des fonctions de reproduction, affaiblissement du système immunitaire, incidence croissante des cancers, troubles endocriniens, maladies de l’appareil respiratoire, explosion des troubles cardio-vasculaires et des maladies auto-immunes. Pour autant, ces impacts ne pourront vraiment se mesurer qu’à long terme et ne sont pas pris en considération aujourd’hui pour calculer notre espérance de vie donc le résultat ne peut être que faussé.
Claude Aubert, un agronome qui prône l’agriculture biologique, explique que les générations nées à partir des années 70 connaissent une exposition aux produits chimiques que leurs aînés n’ont pas subi et en déduit que : « Nous vivrons moins longtemps que nos parents, de même que nos enfants vivront moins longtemps que nous ».
Cette alarme n’est pas nouvelle. Ainsi, d’après le témoignage de Roger Heim, président de l’Académie Nationale des Sciences en France : « Le 22 octobre 1963, dans la Salle du Congrès à Washington, devant une assistance attentive et vibrante, lors de la célébration du premier centenaire de l’Académie Nationale des Sciences de Washington, le Président John Kennedy prononça un remarquable discours, qui fut sans doute le dernier avant le drame atroce qui devait éliminer des assises internationales l’un des esprits les plus pénétrants de notre temps. Dans cette allocution, le Président des Etats-Unis, livrant l’exemple à d’autres chefs d’Etat, aborda avec fermeté, avec précision, le thème majeur de la pollution par les corps chimiques répandus à profusion, de la destruction des équilibres naturels, de l’érosion des sols. L’immense assemblée qui l’écoutait savait déjà l’ampleur de l’enjeu. Indiscutablement, elle était éclairée et elle réagit à l’unisson dans une explosion frénétique d’acclamations. Le nom de Rachel Carson, sur chaque lèvre, s’imposait parmi ceux dont le poids ou la lutte étayait un tel propos. John Kennedy mettait l’accent en priorité, sur le problème peut-être le plus grave avec lequel notre siècle se trouve confronté. Ici encore, son intelligence et son courage achevaient de dessiner les contours de l’homme, j’entends de celui qui mérite son nom. Je sortis, de cette cérémonie émouvante, moins pessimiste : il y avait quelque chose de changé aux Etats-Unis. »
Quelques mois après, JFK eut la fin que l’on connaît et rien ne changea vraiment aux Etats-Unis ni dans le monde.
Cent mille molécules chimiques seraient actuellement utilisées sans jamais avoir été véritablement testées individuellement et encore moins en synergie les unes avec les autres. De plus, si certains composants de l’industrie chimique ont été interdits, les études scientifiques montrent qu’ils sont toujours présents dans tous les tissus humains. Des produits toxiques comme le DDT, interdit depuis 30 ans, se trouvaient encore dans le sang des volontaires qui ont participé à l’étude menée par le WWF en 2003. Et des molécules tout aussi dangereuses ont également été trouvées chez tous les nouveau-nés lors d’une enquête menée en 2005 par l’Environnemental Working Group, une association américaine. Une précédente étude menée en 1998 en Australie avait mis en évidence la présence de trois pesticides en moyenne dans le méconium d’une cinquantaine de bébés, en quelque sorte contaminés avant la naissance comme le révèle François Veillerette dans son livre « Pesticides, le piège se referme ».
« En fait, ce sont probablement plusieurs centaines de molécules issues de l’industrie chimique qui passent chaque jour dans notre organisme » observe Claude Aubert. Des molécules dont on ne connaît pas réellement les impacts, puisque chaque matière active n’est testée que de manière isolée, jamais dans une version mélangée avec d’autres. « Les pesticides sont constitués de plusieurs matières actives, ainsi que d’adjuvants. Or, le produit commercialisé est parfois plus toxique que la matière seule, comme cela a été récemment mis en évidence à propos du Round Up » explique Claude Aubert.
Plus de 50% des fruits, légumes et céréales consommés en France contiennent des traces de pesticides. 7% des échantillons dépassant même les limites officielles admises : les Limites Maximales en Résidus (LMR). Plus de 23% de ces végétaux contiennent parfois jusqu’à 8 différents pesticides ! Il y a également des résidus de pesticides dans l’eau (les traitements agricoles se retrouvant dans les nappes phréatiques) et dans les vins. Il y a 27 traitements phytosanitaires en moyenne pour la production d’une pomme !
Une enquête indépendante récente menée par des ONG dans des supermarchés européens montre une contamination généralisée des raisins non bio. Des pesticides interdits ont été retrouvés, les LMR ont été dépassées. Cette étude comparative menée en Allemagne, France, Hollande, Hongrie et Italie, montre que tous les consommateurs européens sont concernés. 123 des 124 des raisins analysés contiennent des résidus de pesticides et 20% des raisins étaient contaminés par parfois plus de 10 pesticides. Un échantillon dépassait même la dose de référence pour la toxicité aiguë ! Plus grave, trois échantillons contenaient des pesticides interdits dans le pays de production. Les 25 échantillons de la France provenaient de 11 magasins de 5 enseignes répartis dans 3 régions. Quatre échantillons dépassaient les limites maximales en résidus légales !
La France est le 1er pays européen pour l’utilisation de pesticides avec 78 000 tonnes de produits phytosanitaires répandus dans les champs. Le Grenelle de l’environnement aura accouché d’une souris en matière de résolutions concrètes pour résoudre ce problème. La réduction annoncée de 50% des traitements phytosanitaires d’ici dix ans a été en définitive baissée par la nécessité de leur trouver des alternatives. « Ce qui vide l’accord de sa substance » dénoncent les ONG. Par ailleurs, l’objectif du Grenelle est de passer la surface allouée à l’agriculture biologique de 2 à 6%. Bien maigre objectif !
L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé préconise que nous consommions cinq fruits et légumes par jour mais le gain de santé acquis avec ce régime ne sera-t’il pas perdu à cause de l’empoisonnement des végétaux qui nous sont proposés par l’agriculture intensive, subventionnée et polluante ?
Dernier rebondissement en date, les produits issus de l’agriculture biologique ne seraient pas meilleurs pour la santé que ceux issus de l’agriculture conventionnelle, tel est le message manipulateur de l’agence sanitaire britannique sur les valeurs nutritives « Organic Food ». L’étude prouve qu’il n’y a pas plus de vitamine C, de magnésium, de calcium, de potassium, de zinc et de cuivre dans les produits bio que dans les autres.
Ce ne sont pas les valeurs nutritives des végétaux issus de l’agriculture intensive qui sont en cause mais leur contamination par des éléments de synthèse chimique agressifs voire mortels à doses cumulées pour l’organisme humain.
Les organisations et les chercheurs indépendants qui tentent d’avertir le public et les décideurs politiques des catastrophes sanitaires futures sont peu entendus car le lobbying de l’industrie chimique est intense et le rapport de force leur est outrageusement favorable, ceci dans la plus totale indifférence sinon la complicité des pouvoirs publics.