L’être existe en trois modes et vit en quatre temps

Notre être vit quatre temps importants, celui de la découverte (l'enfance), celui de l'amour (adolescence et maturité), celui de la responsabilité (état d'adulte : autonomie, responsabilités) et enfin celui de la sagesse (lié à l'expérience mais surtout à la proximité de la mort). Par ailleurs, notre être existe dans le monde selon trois modes biens distincts : le lien, la relation, le rapport. Il serait trop long de s'étendre sur les quatre temps aussi appelés les quatre âges. On parle désormais d'ailleurs d'un cinquième âge. Attardons-nous plutôt ici sur la question des trois modes d'existence de l'être dans le monde à travers cette théorie toute personnelle que je vous propose.
Le lien, la relation, le rapport. Qu'est-ce qui différencie de façon essentielle ces trois choses ? Pour cerner leurs différences, on peut examiner de quelle manière nous les qualifions.
(Nota bene sur l'illustration : ne trouvant pas d'image adéquate pour cet article, j'ai reproduit la couverture de mon essai philosophique présenté ici avec extrait consultable.
I - Le lien, c'est l'appartenance et l'attachement
Le lien est la sphère de l’attachement et de l’appartenance. Il permet de mesurer cet attachement et la force de l’appartenance. Le lien se rapporte avant tout à l’idée d’origine : filiation, nation, racines.
On parle de liens de sang, de liens solides, indéfectibles, étroits. On parle de lien brisé ou rompu, deux adjectifs qui se rapportent aussi à la qualité solide du lien. Le lien est donc un mode d’attache souvent naturel et en tous cas toujours resserré, un mode d’attache supérieur en consistance et en pérennité aux deux autres formes qui nous relient au monde, à savoir les relations et les rapports.
Le lien, c'est aussi l'ancrage. Des préceptes très anciens et de très vieux commandements tirent leur origine du lien affirmé : le respect parental voire la piété filiale (Chez Solon, Pythagore, dans la bible, etc.), l'obéissance à dieu et aux lois de la cité.
Le lien est physique ou affectif. Quand nous sommes dans un lien étroit avec une autre personne, nous éprouvons quelque chose de profond et de vrai pour elle. "Eprouver" veut dire trouver la preuve en soi de la vérité d'une chose.
Le corps est tout entier impliqué dans le lien : on "éprouve" fortement avec le corps. Ce qui est plus fort que simplement "ressentir".
II - La relation, c'est l'échange et la visibilité
La quête de notoriété reléve aussi de la sphère de la relation.
Dans le lien on s'éprouve soi-même et on éprouve l'amitié et la fidélité de l'autre. Dans une société peu sûre, tester les liens, les éprouver, est important (on prêtait serment, on jurait). On joue parfois sa vie sur la confiance que l'on donne à son voisin en périodes troubles, de dangers ou de dénonciations, par exemple.
Dans la relation, au contraire, on ne soumet plus rien à l'épreuve. On en change tellement souvent que l'on ne cherche pas la profondeur. Eprouver suppose la profondeur et l'épreuve interne de la vérité. Voleter, papillonner, courir d'un côté à l'autre n'est en rien tisser un lien profond et durable.
Eprouver, s'assurer, vérifier à qui l'on a affaire, tout cela ne compte plus. Echanger sous des avatars sans rien connaître de l'identité de son interlocuteur ne nous dérange pas le moins du monde. On n'éprouve pas, on prouve seulement. La plupart du temps, on prouve avec de simples apparences (les selfies, la page perso). L'apparence de vérité des nouvelles nous suffit aussi : ce sont les fakes news, que l'on intégre dans le but de les propager rapidement et ainsi élargir le cercle de nos relations ou pour les commenter (sans les remettre en cause, ce qui serait trop long et exigerait de la profondeur) et étendre ainsi notre notoriété sur la toile. Relayer des fake news ou des rumeurs, c'est participer à un grand jeu. L'être humain a le sens de l'épreuve et du jeu (de tous temps, il y a eu des héros et des comédiens). A l'époque actuelle, dans le monde riche, l'individu choisit la seconde option au détriment de la première, même s'il existe encore quelques-uns qui ont le sens du défi, de la victoire dans l'épreuve et dans l'effort : sportifs, aventuriers, créateurs, individus engagés dans des causes nobles, chercheurs inlassables, philosophes exigeants...
Les qualificatifs que l'on appose aux relations nous disent ce qu'elles sont. On parle de relations suivies ou durables, de qualités, tendues ou détendues, proches ou lointaines. Les qualificatifs forment une gamme bien plus étendue que pour les liens. Nous voyons que la relation est très fluctuante et contingente. Il peut y avoir des relations entre personnes n’ayant aucun lien entre elles.
Sur les réseaux sociaux, les internautes créent une multitude de relations qui ne sont en rien des liens, puisqu'il n'y a dans cette pratique aucune profondeur d'amour ou d'amitié. On reste dans le superficiel, on parle d'ailleurs de "surfer" sur le web. Surfer, c'est raser la surface, rien que la surface.
Sur la toile, nous ne vivons pas des liens avec autrui.
La relation n’est pas fondatrice de légitimité ni d’identité. C’est un mode d’échange, de fonctionnement interindividuel, d’intégration au groupe social. Puisque, ici, il n’y a pas appartenance naturelle, il faut développer la relation pour s’intégrer et gagner sa place et sa légitimité dans le groupe de destination.
Le lien est fondateur tout court alors qu’au contraire la relation est fondée sur quelque chose : la relation basée sur la confiance ou sur l’exercice d’une même profession (lien de collègues), etc. Le lien n’est pas fondateur que de légitimité, il est source aussi de sentiments profonds : amour, amitié, loyauté. La relation est plus libre et plus aléatoire et variable.
Les Anciens ont aussi énoncé des préceptes et des conseils dans le champ de la relation. Il s'agit de conseils qui portent sur les choix à faire dans les relations pour choisir ses amis ou sur la manière de donner sa confiance, sur les conditions du témoignage (très tôt réglementé dans les textes de loi et sacrés), de l’hospitalité, etc.
III - Le rapport est production et création
Le rapport est créatif par le fait de la dimension qu'il ouvre devant l'être mais aussi par l'oubli des liens. Trop de liens ne favorisent pas la création. Ils peuvent même étouffer la liberté, l'aliéner. Le rapport libère, il ouvre sur l'absolu,sur l'infinité des chemins possibles.
Un rapport sexuel est producteur de plaisir. Un rapport de la conscience à la mort, à l'infini, à l'absolu, peut être créateur de croyance, de foi, d'art. La philosophie est l'oeuvre produite par le rapport de la conscience humaine avec l'idée de la mort.
Le rapport met en œuvre un capital ou potentiel sous la forme d’investissement. L’investissement dans l’éducation est tout-à-fait vital. Il porte des fruits, qui sont une forme de rapports. Les rapports sexuels produisent les résultats recherchés : le plaisir. Les rapports parents-enfants produisent l’éducation et du maintien du lien. De la richesse des rapports dépendent la qualité et la solidité du lien.
Il existe une floraison de rapports.
Le rapport aux choses nous rend matérialistes, avares ou prodigues, fétichistes, etc. Le rapport au pouvoir peut faire de nous des opposants : c'est le rapport de force. Le rapport de la conscience au réel produit la vérité.
Notre rapport aux autres peut créer en nous de l'envie (rapport de compétition ou de rivalité), de la haine (rapport destructeur), de l'admiration (rapport d’identification), etc. Nos rapports généraux aux autres définissent notre niveau de sociabilité (le rapport produit des relations, des liens), notre rapport à la société construit notre niveau d’intégration, de conformité.
Le rapport peut se réduire grosso mode par la formule "Un + un = trois". Le contact entre l'être et quelque chose est producteur de sentiment élevé, de poésie...
De façon générale, le rapport de l'être philosophique à sa vie fait de lui un hédoniste, un épicurien, un stoïcien, un opportuniste, un sage. C'est selon les cas… « Apprendre à philosopher, c’est apprendre à mourir », « carpe diem », « souffre et abstiens-toi », « deviens ce que tu es », sont toutes des formules qui expriment notre rapport aux grandes idées qui nous dépassent. C'est le rapport un plus un égal trois, le trois étant la forme de philosophie, le mode d'existence de l'être dans les épreuves et le plaisir.
Pour exister pleinement, l'être a besoin d'occuper ces trois dimensions : la sphère du lien, celle de la relation, celle du rapport.
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