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Accueil du site > Tribune Libre > L’Europe, une « humanité dans l’Humanité »

L’Europe, une « humanité dans l’Humanité »

 « Le côté négatif de ce spectacle du changement provoque notre tristesse. Il est déprimant de savoir que tant de splendeur, tant de belle vitalité a dû périr et que nous marchons au milieu des ruines. Le plus noble et le plus beau nous fut arraché par l'histoire : les passions humaines l'ont ruiné. Tout semble voué à la disparition, rien ne demeure. (...) Après ces troublantes considérations, on se demande quelle est la fin de toutes ces réalités individuelles. Elles ne s'épuisent pas dans leurs buts particuliers. Tout doit contribuer à une œuvre. A la base de cet immense sacrifice de l'Esprit doit se trouver une fin ultime. La question est de savoir si, sous le tumulte qui règne à la surface, ne s'accomplit pas une œuvre silencieuse et secrète dans laquelle sera conservée toute la force des phénomènes. […] La preuve sera fournie par l'étude de l'histoire elle-même. Car celle-ci n'est que l'image et l'acte de la Raison. »

 La négativité présente dans l'Histoire

 et le but de l'Histoire - Hegel

 

  Les historiens ont tenté d’expliquer l’hégémonie de l’Europe sur le système-monde. Sur une période de plus de trois siècles, les limites du monde ont été repoussées par l’Europe pour former un nouveau monde. Les frontières ont été tracées pour un « monde désormais fini », mais est-il fini ? Pourquoi l’Europe et non une autre région du monde a pu mettre le monde en coupe réglée ? Bien qu’il n’existe pas de consensus sur cette question, il importe de retenir qu’une grande vague d’innovations et de transformations socioéconomiques ont permis à l’Europe de se développer plus rapidement que le reste du monde. Des faits significatifs expliquent la genèse du système-monde et le rôle joué par cette région-centre dans la conduite des affaires du monde. Si on regarde la mappemonde représentant le globe terrestre et ce petit morceau de terre qu’est l’Europe, on constate qu’il est pratiquement équidistant de tous les points de la surface de la terre, par conséquent, il représente bien un centre du monde. Il y a une « nature » et une « compréhension » dans cette disposition du monde. Cette structure qui en est sortie peut être assimilée à un grand verre plein de liquide posé sur le centre de la mappemonde [Europe] qui, tout en se remplissant, ne cessait de se déverser sur le monde. On constate que plus il y a d’obstacles moins ce liquide parvient aux autres régions du monde. Toujours est-il, ce qui parvient à l’Europe doit parvenir aux autres régions du monde. En bien comme en mal, ces deux essences ont un sens.
  Mais avant de discuter de ces « essences », il faut commenter le sens de cette expansion européenne, comprendre pourquoi l’Europe s’est lancée à la conquête du monde. La seule réponse qui peut résumer globalement l’expansion européenne à travers le monde se trouve visiblement dans sa civilisation. Là où il y a eu peu d’obstacles, son expansion a pratiquement été totale comme cela a été pour l’Amérique du Nord, l’Australie ainsi que d’autres pays peu peuplés. Là où il y a eu plus d’obstacles, comme l’Afrique et l’Asie, l’Europe s’est appropriée ces territoires par la colonisation. Là où il y a eu des empires, comme la Chine, le Japon et l’empire ottoman, son expansion a été négociée par l’extorsion de traités économiques (concessions, tarifs préférentiels pour les importations de produits occidentaux, etc.), soit par une colonisation de territoires périphériques.

 1. L'Europe, un monde à part

 Une question se pose : « La civilisation européenne, pour qu’elle ait pu s’imposer sur le monde, a-t-elle été supérieure aux autres civilisations ? » Au vu des faits de ses conquêtes, tout témoigne que sa civilisation a été supérieure puisqu’elle a permis d’asservir directement ou indirectement les autres peuples. Mais on ne peut ne pas penser que le « monde est un tout », ce qui veut dire que toute civilisation peut aujourd’hui être supérieure et ne l’être plus demain. Par rapport à la « Nature », il n’y a pas de grandes ou de petites civilisations, les civilisations entrent dans un cadre de « devenir ». Toute civilisation complète une autre civilisation, et le sens de l’existence est dans la différence des existences, donc dans la différence des civilisations. Si, aujourd’hui, une civilisation est à son apogée dans un temps et un espace géographique donné, elle peut ne plus l’être dans un autre temps. Cette civilisation ne sera plus « ce temps ni cet espace », tout est en devenir. C’est en ce sens qu’il faut entendre le mot de Valéry, constatant la ruine de l’Europe après la guerre 1914-1918 : « Nous autres civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles ».
  De la même façon, y a-t-il des grands hommes et des petits hommes ? Là encore, sur le plan humain, c'est par leurs actes qui font que les hommes sont des grands hommes [ce qui existe dans toutes les races], mais point de « petits hommes », si ce n’est des « hommes » et ce qu’ils sont, y compris les « grands hommes », dans le « tout ». Cette notion si simple, qui transcende la nature humaine, est nécessaire pour la compréhension de l’évolution du monde.
  Cependant si la civilisation européenne a eu cet essor, incomparable par rapport à ce que furent les civilisations passées, puisqu’elle a touché l’ensemble des civilisations du monde, c’est qu’il y avait une raison dans son devenir. Au premier siècle de son expansion, l’Europe, qui n’était qu’un petit morceau de terre sur la mappemonde, se composait d’une « mosaïque de nations déjà constituées » et encore aujourd'hui « en devenir ». Par ses différences linguistiques, culturelles et sociales, elle constituait un monde à part, un monde unique ne ressemblant à aucun des mondes. L’Europe était en quelque sorte une « humanité dans l’Humanité ». Ne serait-ce que sur le plan linguistique, en tant que langues de connaissance, de savoir et surtout devenues des langues nationales. Ce qui n’existe nulle part ailleurs. La plupart des continents et sous-continents avaient des dialectes et peu de langues nationales, à cette époque. Et s’ils l’avaient, c’était sur des étendues géographiques immenses. Le chinois, l’hindou et le japonais [un cas à part, une langue proche du chinois] pour le continent asiatique. Le chinois et l’hindou, avec leurs dialectes, avaient cours sur des superficies faisant plusieurs fois la superficie de l’Europe. Idem pour le russe, une langue qui s’étend aussi sur des millions de km2. La langue arabe regroupait une immense communauté musulmane [Afrique du Nord, Proche-Orient] sur une grande superficie s’étendant de l’Océan Atlantique au Golfe persique. Le persan s’étendait aussi sur de grandes surfaces en Asie centrale. Quant aux continents américains [Nord et Sud] et australien, ils n’avaient tout simplement pas de langue, mais des dialectes.

 La terre qui recevait les habitants de l’Europe n’était plus compatible avec la croissance de la population [loi des rendements décroissants]. Un phénomène démographique qui allait de pair avec la situation géographique de ce monde à part. Les autres mondes n’avaient ni le problème démographique ni celui de la rareté de sol. La rareté de sol, qui a provoqué l’expansion européenne dans le monde, a déjà opéré au sein même de l’Europe de grands changements économiques parmi lesquels figurent la révolution agricole et la révolution industrielle. C’est cette somme de facteurs (démographie, révolutions techniques, position géographique, différences linguistiques…) qui a permis à l’Europe de s’ériger en « Centre du monde ». Comprendre les « essences » dans l’histoire, c’est comprendre la « Nature » dans le monde. C’est comprendre aussi l’« intention » qui est cachée et qui prédispose le « devenir ».

  L’Europe a été un réceptacle de civilisations passées [égyptienne, grecque, romaine, arabe, etc.], puis est devenue une civilisation occidentale. On s’achemine aujourd’hui à une « civilisation planétaire » mais enrichie de ses différences, telle que nous la vivons déjà aujourd’hui. Cette civilisation moderne « différenciée » qui donne sens et intérêt à l’existence, n’est encore qu’à son commencement.

 2. « Civilisation et barbarie  »

  La montée de la puissance économique et militaire de l’Europe n’a cependant pas été heureuse pour le reste du monde. Qu’en est-il de ce monde hors européen ? Crises et guerres sont des « accoucheuses de l’histoire ». Pour Edgar Morin, l’histoire est une succession d’« émergences et d’effondrements, de périodes calmes et de cataclysmes, de bifurcations, de tourbillons des émergences inattendues ». L’expansion de l’Europe portait en elle le coup de fouet qui allait sortir l’ « autre monde » d’une léthargie de plusieurs siècles. Là où existaient des peuples, existaient des communautés libres dont les membres avaient en commun des liens multiples (linguistique, religieux, culturels, économique et sociaux). Ces peuples partageaient des biens et des intérêts communs, un mode politique et social qui les régit consenti. L’immixtion européenne puis leur soumission par la force les faisaient passer d’un état d’affirmation en tant que communautés libres, régies par leurs lois, en communautés non libres. L’asservissement qui résultait pour ces peuples n’a pu être acquis que grâce à la supériorité militaire des pays européens. La disproportion manifeste des forces armées ne laissait aucune chance de résistance aux « pays neufs ». Mais, au-delà de ces différences de puissance, comment expliquer cette présence coloniale de plusieurs siècles, en particulier pour des peuples qui jouissaient de civilisations reconnues par l’histoire ? Pourquoi ces peuples ont faiblement réagi ? Occupation par la force, spoliations, exploitation des peuples, internements et travaux forcés ne pouvaient qu’entraîner des ressentiments contre les forces occupantes. Pourquoi ces peuples n’ont pu dépasser cet état de « négation  » de plusieurs siècles ? Ce qui aurait été inconcevable aujourd’hui, à voir les conflits armés vécus par les puissances. Conflits vécus au Vietnam, en Algérie, en Afghanistan, en Irak et ailleurs, qui n’ont pas dépassé quelques années et se sont tous soldés par un retrait des forces occupantes des territoires. Le monde a-t-il changé aujourd’hui ? L’ensemble du monde hors européen [4/5 du globe] ployait sous le poids des forces armées européennes, alors qu’un pays du tiers monde est capable, aujourd’hui, de tenir en échec une puissance mondiale. Pourquoi ce changement, et surtout « Pourquoi ce temps considérable [plusieurs siècles] de soumission des peuples envers le nouveau centre du monde, l’Europe ? ». La première réponse qui vient est la disproportion des armes et la cruauté des puissances européennes par des massacres pour briser toute résistance des peuples soumis. Elle n’explique cependant pas le temps considérable qui a suivi la colonisation. Le sentiment des colonisateurs qui veut faire croire que les populations exploitées ont un caractère d’indolence, de veulerie, en d’autres termes des populations apathiques, fatalistes, manquant d’énergie, ne peut tenir d’argument à la colonisation. Un sentiment plus subjectif qu’objectif et ne trouve son explication que dans le rapport des forces lequel induit un faux sentiment de supériorité de la race blanche sur les autres races. Ce qui augmente la ténacité des colonisateurs européens d’exploiter à leur profit les « pays neufs ».

  Un des grands historiens, William Hicking Prescott, dans la colonisation espagnole, expliquait avec admiration : « Les dominicains … se consacraient dans le Nouveau Monde aux bonnes œuvres de la conversion du même zèle qu’ils apportaient à persécuter dans l’Ancien Monde … que les Indiens ne voulaient travailler que si on les forçait et que le travail était le seul moyen de les mettre en communication avec les Blancs et de les convertir au christianisme. » De la sorte, le christianisme se trouva encourager l’esclavage. Cette situation inique, cruelle n’échappait pas aux habitants, mais de quels secours disposaient-ils, si ce n’est de subir la tyrannie occidentale.
  Un chef indien appelé Hatuey fut emmené prisonnier à Cuba pour avoir organisé un petit mouvement de résistance et on l’y condamna au bûcher. Par pitié, il reçut le conseil d’embrasser le christianisme de façon qu’il pût, finalement, entrer au ciel. Alors, il demanda si les hommes blancs y seraient déjà arrivés. Comme on l’a assuré que c’était chose possible, il dit : « En ce cas, je ne me ferais pas chrétien, car je ne tiens pas à retourner en un lieu où je trouverais des hommes si cruels ».

 L’Afrique en paya de la colonisation un lourd tribut. Pour ne citer que l’Algérie, sa conquête a été extrêmement traumatisante pour les populations autochtones. Les estimations contemporaines avant la conquête française faisaient état de 3 à 5 millions d’habitants algériens. Durant la conquête, la population connaîtra un recul quasi constant jusqu’à 1872, ne retrouvant son niveau de trois millions d’habitants qu’en 1890.

 La baisse démographique peut être divisée en trois périodes. De 1830 à 1856, sa population tombe de 3 à moins de 2,5 millions. Cette diminution tient pour une grande part dans la violence des méthodes utilisées par l’armée française, attestée par de nombreux témoignages. De retour d’un voyage d’enquête en Algérie, Tocqueville écrit que « nous faisons la guerre de façon beaucoup plus barbare que les Arabes eux-mêmes […] c’est quant à présent de leur côté que se situe la civilisation ». L’objectif de la « pacification » est comme le déclare le colonel de Montagnac d’ « anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens ». La politique de la terre brûlée, décidée par le gouverneur général Bugeaud, a eu des effets dévastateurs sur les équilibres socio-économiques et alimentaires du pays : « nous tirons peu de coups de fusil, nous brûlons tous les douars, tous les villages, tous les cahutes ; l’ennemi fuit partout en emmenant ses troupeaux ».

 Tous les peuples colonisés doivent se soumettre par la terreur et l’aliénation.
 La Chine qui était « dépecé » au point que lors du traité signé à Tianjin, en 1858, après la défaite face à l’Angleterre et la France [seconde guerre de l’opium 1856-1860], dut renoncer par les stipulations des accords de paix au terme « barbare » qu’elle utilisait pour nommer les puissances occidentales dans les documents diplomatiques.

 Comment cela est-il possible une « minuscule Europe », puisse régenter le monde ? Une situation absurde telle que l’on peut se poser : « La Nature » a-t-elle laissé ces peuples sans défense ? Ou y a-t-il un « ordre qui transcende les hommes  », et régi par la « Nature ». Quand on sait que ces peuples ne possédaient ni industries compétitives, ni structures politiques et sociales viables, dont l’écrasante majorité des populations étaient des paysans, vivant encore à l’âge féodal, une souveraineté est morcelée et l’extrême faiblesse des armements ne pouvaient rien face aux puissances, on ne peut que penser qu’il ne pouvait être autrement. D’autant plus que ces armées coloniales étaient constituées de 80% d’indigènes venant de toutes les contrées du monde. Ce qui veut dire que « des indigènes soumettaient des indigènes » au profit des puissances européennes. Ce qui est inouï, inconcevable aujourd’hui.

  Ainsi le faible degré de conscience des masses, la disproportion des armements ont rendu relativement facile la colonisation et explique pourquoi elle a duré si longtemps. Elle a commencé d’abord dans les Amériques, l’Inde, l’Afrique noire, entre 1500 et 1800, ensuite pour les pays structurés, qui ont un pouvoir central comme cela a été le cas pour l’empire ottoman et la Chine, les agressions européennes ont été plus tardives. A partir de 1800, le monde encore libre [pays d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Asie] a été soit colonisé soit placé sous protectorat direct ou indirect. La Chine n’eut qu’une indépendance virtuelle. Seul le Japon a échappé à l’expansion européenne, parce qu’il a commencé très tôt la réforme de ses institutions, la modernisation de son économie et de son armée. Les agressions européennes contre la Chine ont été un stimulant dans la modernisation du Japon – l’ère Meiji à partir de 1870. La crainte que le Japon subisse le sort de la Chine. A part le Japon et l’empire ottoman, le monde entier était asservi par l’Occident [la Russie faisait partie de l’Occident]. Une situation unique dans l’histoire de l’humanité : 4/5 du globe dominé par le plus petit des continents.

3. La « Nécessité » dans la transformation de l'Occident

  Si le monde colonisé se débattait dans les affres de la servitude et de l’oppression, l’Europe occidentale était elle-même en proie à des rivalités internes, des guerres et des révolutions. Cette effervescence en Europe est aussi marquée par la rébellion des classes déshéritées contre le despotisme des monarques qui s’érigeaient sur le « principe de la royauté du principe divin », un pouvoir hérité de l’époque du Moyen Âge. Malgré les richesses prélevées des possessions coloniales et acheminées en métropole et l’essor de l’expansion coloniale, les inégalités entre classes sociales restaient profondes.

  Un large fossé existait entre les classes possédantes et les classes défavorisées. La transformation de la plèbe en prolétariat urbain et rural ne pouvait déboucher que sur des révoltes. L’alliance des rois et empereurs contre leurs peuples en Europe était une sorte de « société de secours mutuel » pour prolonger ce qui ne pouvait durer. Le monde était en « devenir », à l’intérieur et à l’extérieur du « Centre de décision du monde », qu’est devenue l’« Europe ».
  La faim et la misère allaient faire marcher les peuples d’Europe, en 1789 et en 1848. Ces deux révolutions européennes feront date dans l’histoire du monde. En1848, des insurrections éclatèrent par toute l’Europe, c’était le « printemps des peuples européens ». Une révolution qui marquait le divorce entre les peuples d’Europe et leurs gouvernants. Dans les Etats italiens, en France, en Allemagne et en Autriche, des gouvernements se mirent à vaciller, des têtes couronnées tombèrent. Un année de révolutions qui, dans l’esprit de beaucoup les rattache à Marx, mais ce n’est pas Marx, mais la faim, la misère, le chômage et cette volonté des masses de trouver une issue pour leur survie qui a remis en cause l’ordre politique et social européen. 

 Malgré l’écrasement des insurgés dans le sang, la révolution de 1848 eut pour mérite d’accélérer le renforcement de l’unité des vieilles communautés nationales, qui n’étaient plus viables dans un monde compartimenté en empires. La Russie, la France, l’Angleterre et l’Espagne étaient déjà des empires. Quant à l’Italie et l’Allemagne, ils entreprirent leurs unités nationales malgré les résistances des puissances européennes qui ne voulaient pas de constitution de nouveaux blocs et celles de la multitude de micro-États qui voyaient dans le regroupement national une perte de leur souveraineté. La guerre franco-allemande en 1870 scella définitivement l’unification de l’Allemagne, tous les petits États allemands se joignirent à la Prusse.

 Cette nouvelle carte de l’Europe le devra à la montée de plusieurs facteurs dont le phénomène central a été l’affirmation des empires sur le reste du monde. D’autres facteurs comme une population de plus en plus urbanisée, l’industrialisation, la montée des classes moyennes, l’essor du syndicalisme, la liberté d’expression, le suffrage universel pour certains pays d’Europe, ont été des avancées majeures sur le plan politique et social. L’unité de l’Allemagne et de l’Italie le doit aux conflits armés entre les nations européennes, aux insurrections populaires, au développement économique et au progrès social comme réponse à la croissance démographique de ces pays et aux enjeux qui divisent l’Europe.

 Tous ces événements qui ont marqué l’histoire, se sont produits dans le « Centre de décision du monde ». Ce qui est remarquable, c’est que le changement a touché aussi le Japon. Distant de plusieurs milliers de km, le Japon s’est engagé lui aussi, à la même époque, dans la modernisation de ses structures politiques et sociales. Il a changé parce qu’il était obligé de changer sinon il aurait été dominé comme l’a été la Chine. Mais les progrès en Europe et en Asie n’arrêteront pas les conflits. L’avènement de nouvelles puissances créera une situation de concurrence entre les empires pour le partage du monde et ne feront qu’exacerber les conflits.
 1870-1914, une période relativement calme, les puissances européennes ont plus ou moins tus leurs différends, qui sont réglés dans la plupart des cas diplomatiquement. Le développement économique de l’Europe a été prodigieux. La haute finance mondiale influencera la politique : elle avait momentanément intérêt à maintenir la paix. Les masses ouvrières auront leurs députés. Les assemblées législatives, de plus en plus démocratiques, tiendront compte des aspirations des foules. Quant à l’Allemagne et l’Italie, ils doivent consolider leur unité et surtout peser de leur poids dans leur revendication sur les territoires neufs. La conférence européenne de Berlin en 1885 régla le partage de l’Afrique équatoriale. Les États-Unis qui se sont étendus jusqu’au Pacifique, sont restés fidèles aux principes proclamés en 1823 par Monroe : « l’Amérique aux Américains ». La question de l’esclavage a fait éclater, en 1861, la « guerre de sécession », qui dura quatre années [plus de 600 000 morts]. Dès les années 1890, l’Amérique sort de ces années sombres et aborde une autre phase de l’histoire. Non seulement la puissance économique leur est acquise mais les incite à dépasser l’horizon de leurs côtes. De nouveaux problèmes se posent et qui exigent d’autres solutions que le repli traditionnel. C’est ainsi qu’il y aura une tendance à l’impérialisme. Hawaï est annexée en 1898, Cuba transformée en protectorat (1901), à Haïti, à Saint-Domingue (1905), au Nicaragua (1909), ou encore au Mexique, les Philippines, l’île de Guam. Le Japon se lança aussi dans une politique d’expansion, La guerre contre la Chine lui cèdera, après la défaite, le Formose. Les Japonais chassèrent les Russes de Port-Arthur, les battirent à Moukden et anéantirent leur flotte à Tsouhima. Le « Nain jaune » porte un coup fatal à l’« Ours russe ». C’est une surprise pour les puissances européennes, pour la première fois, elles rencontrent dans leurs visées expansionnistes la concurrence d’un peuple de couleur.

Medjdoub Hamed

Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,

Relations internationales et Prospective.

www.sens-du-monde.com

 

Notes : 

 

1. L’herméneutique de l’alliance du monde de l’islam et de la première puissance du monde. - www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-hermeneutique-de-l-alliance-du-139471 ?pn=1000 , Partie III, par Medjdoub Hamed

www.elwatan.com, du 03 septembre 2013, par Medjdoub Hamed

 

2. Du monde de l’Islam et de l’instrumentalisation des « pétrodollars » par les États-Unis à la revanche de l’histoire

www.agoravox.fr/actualites/international/article/du-monde-de-l-islam-et-de-l-140101 ?pn=1000#forum3804641 Partie IV, par Medjdoub Hamed

 

www.quotidien-oran.com, du 29 août 2013, par Medjdoub Hamed

 

3. L’Europe, une « humanité dans l'Humanité »

Partie VII, par Medjdoub Hamed


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5 réactions à cet article    


  • Anaxandre Anaxandre 2 octobre 2013 14:34

      Il convient tout d’abord de souligner l’effort de l’auteur, malheureusement son texte est trop long, ou trop court ; de même l’Europe est-elle trop souvent décrite ici comme un bloc monolithique alors qu’il aurait été bien plus intéressant de faire la distinction entre puissances maritimes et puissances continentales d’une part, idéologie protestante et catholique de l’autre, etc.


      Ainsi, quand l’auteur écrit : « le christianisme se trouva encourager l’esclavage », il commet l’impardonnable faute qui consiste à ne pas noter que seuls contre tous chez les conquérants, se furent certains hommes d’Église qui s’élevèrent contre l’esclavage, en théorie mais aussi en pratique ; et il ne faut pas omettre par exemple le cas particulier des Mission jésuites :
      "Ces missions (jésuites) réussirent grâce à une particularité unique et fondamentale : les Guaranis qui y vivaient étaient dispensés de tout servage et ne devaient pas de service dans le cadre de l’encomienda (STO des colons). L’impôt dû au Roi d’Espagne payait le traitement (modique) des missionnaires. En 1611, le gouverneur Alfaro autorisa, par des ‘ordonnances’ spéciales, cette spécificité des missions jésuites par rapport à toutes les autres. Vivant loin des Espagnols et hors de tout esclavage, les Missions se sont répandues comme un feu entre 1611 et 1630 (de 2 à 40), réunissant des populations considérables (140 000 en 1732) sur une surface immense (de la taille de la France) allant aujourd’hui du nord de l’Uruguay au sud-est du Paraguay en passant par le Brésil et l’Argentine.« 
       »Elles ont pu survivre et prospérer grâce une économie remarquablement gérée, fondée sur deux ressources majeures : d’une part d’immenses troupeaux (plus de 2 millions de têtes) vivant dans des ranchs (vaquerias) dans la savane au nord de l’Uruguay et d’autre part le fruit de la vente de la yerba-maté, herbe très consommée et dont les missions étaient seules à maîtriser la culture organisée. Ce sont ces ressources qui ont suscité des convoitises croissantes de la part des colons espagnols et portugais. Attaquées en 1632/1635 par les bandeirantes, elles faillirent périr. La moitié furent déménagées à un coût humain très lourd. Grâce au Père Montoya, des armes furent acquises, une armée constituée et une grande victoire remportée en 1641 à Mbororé qui mit fin à cette menace. Le Pape Urbain VIII défendit les Indiens par la bulle Commissum Nobis.« 
      Le film »Mission" - exception hollywoodienne ! - montre d’ailleurs cela fort bien.

      Au final, un article qui, sans être dénué d’intérêt, survole les faits et les idéologies, et n’apporte malheureusement pas grand chose. Dommage...

    • Darkhaiker Darkhaiker 2 octobre 2013 21:47


      Magistrale synthèse de « notre » Histoire, qui est loin d’être « achevée » (...) très « révélatrice » : on y entend presque les clameurs des massacres. Magistral rappel des crimes européens contre l’Humanité, qu’aucune Raison Historique n’effacera jamais.

      Pour Hegel, l’Histoire doit contribuer à la révélation d’une « œuvre » unifiée parce que tout doit avoir une raison supérieure. Oui, mais sûrement pas, celle que l’on « croit », celle des hommes, déifiée en Raison. Mais surtout, parce qu’autrement, tout serait absolument absurde.

      La vérité non hégélienne, donc non « matérialiste », est que l’histoire humaine [européenne] est absurde depuis qu’elle s’est écartée de sa vraie culture, celle de principes supérieurs dont sagesses et transcendances diverses s’étaient approchés.

      Que la logique du matérialisme historique ne peut promettre un résultat « positif » du travail du « négatif » qu’à la fin de l’Histoire, quand elle aura dévoilé ou « révélé » ce qu’était la « fin ultime » de « son œuvre secrète ». Un peu comme le Paradis sanctionne normalement une souffrance terrestre bien acceptée et même vénérée, vu le Péché Originel...Une sorte de souffrance sacrée...

      La récompense matérielle du paradis terrestre final : « toute la force des phénomènes aura été conservée » : tout ce qui a été « sacrifice de l’Esprit » sera, non rendu au centuple...mais restitué dans sa « conservation ».

      Rien ne se perd, tout se transforme : il faut y croire dur comme fer. Comme à la Raison Suprême, dont l’Histoire est « l’image », comme l’homme ancien était à l’image de Dieu. Dont l’Histoire est « l’acte », comme l’homme ancien était la « créature » de Dieu. 

      Hegel, le vrai créateur du social libéralisme, avant l’heure, puisqu’avant Marx, il fit « descendre » les « essences » dans la Nature, dans le Devenir lui-même, « transformant » les principes supérieurs en naturalisés existants, d’où jaillit le sens nouveau de la modernité matérialiste dans sa « totalité ».

      Pour ce qui est du « divorce entre les peuples et les gouvernants » et « du printemps des peuples Européens », il était inévitable que les nouvelles valeurs « naturelles » s’opposent aux représentants des anciennes, et à l’incarnation leurs principes mêmes, un peu comme le monothéisme éradiqua le polythéisme, ou le Raison la liberté.

      Une chose cependant est absolument certaine : la haute finance a toujours fait plus qu’ « influencer la politique » à des moments donnés, elle a toujours été la « main cachée » qui fait l’Histoire Réelle, dans « son œuvre silencieuse et secrète. », inconsciemment assimilée par Hegel à la raison du plus fort, a posteriori.

      Très cordialement.






    • vesjem vesjem 2 octobre 2013 22:18

      parmi les quelques raisons qui ont permis l’avènement de la suprématie des sociétés européennes voici quelques explications possibles :

      1) l’un des rédacteurs d’A V (j’ai perdu sa trace , je m’en excuse , il se reconnaîtra ) émet l’idée que grâce à la poésie et à la musique qui développent l’imaginaire , l’européen a pu inventer sur cette nouvelle faculté , les sciences modernes dont on se sert partout dans le monde aujourd’hui ;

      2) la représentation picturale des objets ( 1 signe = 1 objet ) était en vigueur dans presque toutes les régions du monde , générant un grand nombre de signes ; un nombre très restreint de signes étant donc utilisé par la grande majorité des populations (seule une minuscule élite spécialisée se servait d’un panel plus important ) ; la culture n’étant donc accessible qu’à peu de gens ;
      l’europe a développé l’alphabet de 26 lettres ( grâce au grecs et romains , entre autres ) ; ainsi la désignation de l’objet fut réduit à 26 signes maximum , d’où une plus grande facilité pour un plus grand nombre d’individus d’explorer tous les aspects de la culture (y compris son enseignement) ; Guttenberg a pour sa part contribué à augmenter le volume , donc la dispersion physique des livres ;

      3) les religions et ses scribes , aidés à la tâche par les facilités ci-dessus , ont été de grands précurseurs de cette avance européenne ;

      4) peut-on parler du climat plutôt tempéré sous nos latitudes pour améliorer le diagnostique ?

      tous ces avantages (et d’autres , sans doute , comme l’émulation par exemple) , ont contribué à engendrer cet âge d’or européen pour les « cultures » des siècles passés récents ;
      nulle gloire ni fierté ne sont à revendiquer , il s’agit juste qu’un complexe concours de circonstances 
        


      • epicure 4 octobre 2013 01:31

        IL faut distinguer l’Europe de l’ouest,, occidentale, de l’Europe de l’est.
        Car le premier facteur qui permis à l’occident de devenir ce qu’il est devenu c’est la puissance militaire :
        depuis le 11ème siècle , aucune armée extérieure à l’occident n’est parvenue à conquérir l’Europe occidentale. Ce qui n’est pas le cas de l’europe de l’est (invasion turque par exemple ).
        Le progrès technologique a ensuite fait le reste.
        L’autre force de l’Europe occidentale à la sortie du moyen âge a été la capacité à s’approprier des inventions étrangères, ou de se réapproprier une culture ancienne.
        Trois inventions chinoises ont été indispensables à la formation de l’Europe occidentale :
        la boussole, pour es expéditions maritimes, mais surtout l’imprimerie et la poudre à canon.
        L’autre élément c’est bien sûr la renaissance qui a permis une explosion artistique, philosophique et scientifique, qui forgera la Civilisation occidentale.
        L’imprimerie va permettre la diffusion des pensées et textes issus de ce mouvement généré par al renaissance, et ce malgré une église catholique omniprésente et qui voyait certains privilèges civilisationnels lui échapper..
        Sans imprimerie pas de révolution scientifique possible du point de vu pratique.

        Une autre conjonction heureuse (pour les occidentaux, pas forcément pour les autres) : le commerce, les techniques de navigation , et le monde musulman.
        Pour rappel Colomb ne cherchait pas un nouveau continent avec des mecs avec des plumes sur la tête, mais bien une nouvelle route vers la florissante Inde.
        c’est là que le candide serait tenté de dire : Mais pourquoi faire le tour du monde alors qu’il suffirait de ... ?
        Non justement à cause du monde musulman qui bloquait le commerce entre l’occident et l’orient.
        Le développement des techniques de navigation, va permettre à l’occident d’accéder à de nouvelles routes contournant le monde musulman, et ils vont copier les anciens peuples commerçants de la méditerranée  : faire des comptoirs., en Afrique et en inde par exemple.

        Donc la réussite de l’occident est due à des phénomènes qui ont pris naissance à la fin du moyen âge, qui à l’origine sont indépendants, mais vont s’influencer les uns les autres jusqu’à arriver à un occident largement dominateur dans tous les aspects civilisationnels par rapports aux autres civilisations de l’époque ( au mieux stagnantes par rapport à l’occident ).


        • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 4 octobre 2013 10:34

          L EUROPE NAIN HUMANITAIRE(lampedusa) NAIN DIPLMOMATIQUE(syrie) NAIN

          MILITAIRE.. (syrie...libyie....).°...NAIN ECONOMIQUE AUX MAINS DES BANQUES ET DES LABOS

          PHARMAS..............................( goldman sachs...la city...hsbc ........sanofi....pfizer...........................)

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Hamed


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