L’humour politique est devenu plus dangereux que la couverture des conflits armés
Tout appareil de sécurité qui combat les actions fanatiques est en soi-même un fondamentalisme. Il court le risque de perdre son image en permanence, et que l'exhibition de ses faiblesses soit convertie en victoire de son ennemi, et vice versa.
Raúl Damonte Botana était un auteur, dessinateur et dramaturge argentin.
Son personnage le plus connu est celui d’une dame assise avec un gros nez, qui est définitivement devenue célèbre à partir de sa publication dans Hara-Kiri, une revue satirique parisienne à l’humour surréaliste.
Lorsque la revue commença à acquérir une certaine notoriété, on a dit que l’auteur avait créé son exact opposé avec cette femme pleine d’a priori qui reste sur sa chaise sans bouger, car tout ce qui peut ébranler ses convictions est pour elle un grand danger.
Raúl, s’est ensuite fait connaitre comme Copi, et Hara-Kiri a changé son nom en Charlie Hebdo.
Charlie, vient d’être le théâtre d’un attentat très grave et incontestablement historique en France, et dans le monde.
Les douze morts de Paris mettent en évidence la réalité d’un état agenouillé face à une opération parfaite, qui a démantelé tous les protocoles de sécurité qui auraient pu être garantis.
Il suffit de voir la tête totalement décomposée de Hollande, quand dans une tentative pour accourir au chevet de la France en état de choc, affirme que : personne ne doit penser qu'il peut agir en France contrairement aux principes de la République et atteindre l'esprit même de la République, c'est à dire un journal.
Chevaleresque, mais trop tard.
L’éducation, la cohabitation dans un quartier, au travail, dans la rue, lors du vote ; toute forme d’expression est mise en échec face à un fait public qui va certainement altérer l’opinion.
Il ne faut pas oublier que c’est l’opinion publique qui manipule les engrenages du pouvoir politique, surtout un pouvoir si fustigé, avec Hollande en état de choc depuis le début de son mandat, et une opposition divisée qui semble proposer à quelque chose prêt le même modèle politique. Il ne serait donc pas étrange de voir un appui plus fort à la coalition menée par les Etats-Unis en guerre contre l’Etat Islamique, ni un changement de politique de sécurité de l’Etat français et de l’Union Européenne.
Après tout, il est certain que quelles que soient les mesures de précaution et d’alerte du gouvernement français, les attaques ne purent être évitées, et ce malgré la vigilance exercée au sein même de l’immeuble de la rédaction de Charlie, par la protection policière du directeur de publication pris pour cible. Cela met à l’épreuve la capacité de l’Etat à soutenir la promesse de protection de la vie de ses citoyens, face à ce qui apparaît comme une nouvelle forme d’organisation terroriste qui fonctionne sous forme d’individus isolés ou en petits groupes qui attaquent imperceptiblement des objectifs ponctuels, et pas des événements massifs, des bâtiments remplis dans une grande agglomération, comme ce fut le cas autrefois.
Le début de ce qui s’est appelé la guerre contre la terreur, apparait ne pas avoir encore trouvé sa fin, sinon des nouvelles manières de se réinventer pour augmenter le caractère ironique du monde et l’absurdité des morts quotidiennes.
A partir de cela, il s’est instauré des mesures de sécurité jamais vu auparavant, qui ont généré des contrôles et des réglementations paradigmatiques tant aux Etats-Unis comme en Europe ; avec comme fin, d’éviter des nouveaux massacres justifiant des investissements sécuritaires.
Face à dix années de guerre qui résultent un échec politique et économique, le prix de celles-ci se solde majoritairement de milliers de morts de tous les bords, violations, irrégularités et des crimes de guerre graves (révélés à partir du scandale des câbles diplomatiques de Wikileaks) et la découverte d’une mise-en-scène durant des années qui justifia l’invasion militaire avec comme objectif la recherche d’armes de destruction massive jamais localisées, ironie sur la liberté d’expression, mise à part.
Par la suite, ce fut le printemps arabe, la guerre civile en Syrie, la répression du régime de Bachar Al-Asaad, la recrudescence des révoltes, l’intervention diplomatique occidentale en faveur des soulèvements, et le positionnement de la Russie et de la Chine, en faveur du régime.
Sous la coupe de Abu Bakr al-Baghdadi, un groupe a su profiter de la conjoncture de la guerre civile syrienne et s’étendre dans une grande partie de la région, installant plus tard un califat sur un territoire qui comprend une partie de Syrie et de l’Irak.
Depuis cela, l’autoproclamé Etat Islamique n’a pas arrêté d’effrayer la presse international avec des petites attaques en capacité militaire, mais énorme en ce qu’il s’agit de la propagande ; et la presse n’a pas cessé de répliquer infiniment l’image menaçante d’une armée qui obtient sa force et son image de prédateur de toute la symbolique mise en marche au moyen de vidéos éditées avec une qualité cinématographique, et des trailers de film de guerre qui défient les productions hollywoodiennes.
Ceci a déchaîné à la création d’une coalition internationale pour combattre l’Etat islamique et une série d’attaques aériennes menées par les Etats-Unis.
Finalement en septembre 2014, l’Etat islamique a réalisé un appel à ses adeptes résidents dans les pays occidentaux à tuer des civils, coïncidant avec les attaques des Etats-Unis.
Avec les faits du 7 janvier de cette année, on peut se demander si ce n’est pas sur le dos des morts arbitraires de citoyens-dessinateurs qui deviennent des soldats de tranchées, que se libère dans le monde une guerre des abstractions. La lutte contre le terrorisme est devenue une guerre des gestes, qui sans nier la souffrance des milliers de morts réels, s’est évaporé des champs de bataille en offrant morbidité et virtualité à un public chaque fois plus avide d’arguments contre le fondamentalisme islamique, ou du moins contre n’importe quel fondamentalisme.
Le rebond accéléré des câbles de guerre, des vidéos virales, aidés par les réseaux sociaux et la facile accessibilité de la technologie qui permet d’utiliser ces canaux, a donné lieu, non seulement à la transformation de l’information, sinon en plus à la propagation de fausses vidéos, avec la réplication dans les journaux internationaux qui plus tard doivent se corriger devant le qualité questionnable des sources, et la vitesse à laquelle doit être satisfait la demande d’information.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que l’humour politique soit si (puissant ?) offensif face à un phénomène provocateur et menaçant qui se soutient moins avec l’aide d’un fanatisme implacable, et plus avec une grande structure fabriquée de spectacularité aberrante, qui devant l’existence d’une entaille dans son discours, court le risque de s’effondrer.
Il n’est pas non plus surprenant que les autorités internationales n’aient pas la moindre idée d’où et comment commencer à étouffer l’incendie ; il faut se demander si la panique n’est pas une forme de fanatisme qu’il serait également salutaire de combattre.
Le fondamentalisme, n’est pas seulement l’adoration fanatique d’une idée ou une religion. C’est en plus, le fourvoiement qui justifie l’implantation de mesures de sécurité extraordinaires de la part de l’Etat face à un danger imminent, qui conditionne l’activité de l’individu, et finalement s’expose comme l’unique explication de l’échec face à l’urgence.
Tout appareil de sécurité qui combat les actions fanatiques est en soi-même un fondamentalisme.
Il court le risque de perdre son image en permanence, et que l'exhibition de ses faiblesses soit convertie en victoire de son ennemi, et vice versa.
Enfin, autant le spectacle de l’Etat fondamentaliste comme le show du fanatisme religieux, semblent avoir créés son exact opposé, comme Copi, dessinant cette femme pleine d’a priori qui reste sur sa chaise sans bouger, car tout ce qui peut ébranler ses convictions est pour elle un grand danger.
Sources :
- Réaction de F.Hollande sur l'attentat de Charlie-Hebdo : https://www.youtube.com/watch?v=i5zTlNGouDU.
- Marilu marini : Créatrice au théâtre, 1984, de La Femme assise d'après la BD. http://fr.wikipedia.org/wiki/Copi#cite_note-3
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