L’iceberg du scepticisme a-t-il coulé l’Ecologic ?
L’écolo-béatitude a semble-t-il vécu. Entre climato-sceptiques et écolo-dubitatifs, les esprits chagrins se font de plus en plus entendre. Non pas qu’ils aient apparu récemment, mais, étouffés par l’exceptionnelle écolo-attitude qui remonte à 2006-2007, ils s’étaient sentis un peu étouffés.
Et puis il y a eu Copenhague : un coup d’arrêt donné à ce qu’on croyait irrésistible : la prise de conscience écolo. Car on l’avait vue monter en puissance, cette lubie verte, comme la machinerie d’un transatlantique au départ de Southampton. Tous les jours, nos yeux et notre esprit étaient confrontés au même message : bilan carbone, équivalent CO2, sauvegarde de la planète. Mêmes les entreprises s’y sont mises. Elles sont devenues plus vertes que vertes, pour de plus ou moins louables raisons.
Et si on ne comprenait pas bien tous les enjeux, les tenants et les aboutissants du grand jeu qui était en train de se jouer, on tentait de nous expliquer que si on changeait pas nos habitudes, le climat allait changer.
Pour quelles implications ? Est-ce que la Bretagne allait devenir caniculaire ou Marseille devenir un port pris par les glaces ? On ne savait trop nous dire, mais en tout cas, le niveau des mers allait monter. Etretat allait disparaître, et avec elle l’aguille creuse d’Arsène Lupin , et puis également quelque 70 millions de Bengalis.
Et pour faire plus sérieux, on nous disait que ce n’était pas forcément à cause de la fonte des glaces, mais surtout à cause du gonflement thermique des océans que le niveau de ceux-ci allait monter. Eh oui comme la Tour Eiffel un jour de grande chaleur, l’eau prend du volume en chauffant. Ca faisait sérieux.
Et la ménagère de moins de 50 ans, cible chérie des annonceurs, s’est sentie devenir coupable. Elle a commencé à traquer les mots « contenu CO2 » sur les paquets de nouilles. Sans grand succès, puisque ça n’existe pas encore. Son mari a eu plus de chances (encore que madame ait son mot à dire plus souvent qu’on ne veut nous le faire croire) pour choisir la voiture familiale.
Il y avait le code couleur (le même que sur les ampoules et les frigos) et, en plus, le système de « bonus-malus » mis en place par nos gouvernants. Sans compter que la flambée du pétrole a bien aidé à porter son choix sur des petites citadines et pourquoi pas à utiliser plus souvent les transports en commun, le vélo, et nos bons vieux pieds. Après tout, ce sont eux qui nous ont permis de prendre de la hauteur et de porter notre regard au-delà des tiges de la savane Est-africaine. C’est une autre histoire, bien plus ancienne.
Et puis patatras… Ou presque. En tout cas, un léger flottement semble s’être emparé de toute cette belle machine qui avait été initiée par quelques beaux penseurs et bien huilée par une association improbable d’ONG et d’entreprises bien commerciales soucieuses de leur image et des bénéfices possibles. L’iceberg, certainement largué par une banquise fondante, se retrouve sur la route du transatlantique.
Avez-vous remarqué que le sceptique est aujourd’hui tendance ? Alors qu’il y a 6 mois il était voué aux gémonies, presque lapidé sur place sur fond de pré-dictature verte (on a même évoqué les Khmers Verts, c’est dire), il est aujourd’hui rayonnant. Il est fier de son « libre arbitre » et de ses habitudes tellement consommatrices de carbone, mais dont il n’a pu se défaire, et qui finalement, ne sont pas si grave que cela. D’aucuns ont presque dit que l’on peut allègrement rejeter du carbone, la nature en a vu d’autres. Et on ne manque pas d’évoquer le Groenland, qui, comme chacun sait (puisqu’il a une licence en vieux norrois), veut dire « terre verte ». Ca veut forcément dire qu’au moment de sa découverte c’était une île couverte de forêts, non ? Peut-être pas des forêts, au moins des pâturages, du genre comme l’Islande actuelle. Islande qui, d’ailleurs était couverte de forêt du temps des Vikings, qui l’ont soumise au surpâturage par leurs moutons.
Tout cela m’interpelle. J’ai été subjugué par la rapidité à laquelle s’est faite cette « prise de conscience » généralisée et béate. Il a suffi de quelques films, ajoutés à une tension géopolitique qui a poussé les prix du pétrole vers le haut pour que l’on parle enfin de Kyoto (accords de 1997 !) de Rio (en 1992 !) et de choses dont on parlait en long, en large et en travers déjà dans mes livres de 1ere (en 1994) : le dérèglement climatique. Comment la mayonnaise a pris ? Et comment ensuite le soufflé s’est dégonflé ?
On a servi à l’opinion publique un truc à peu près ficelé, sur fond de culpabilisation et de tensions internationales, saupoudrées de catastrophes emblématiques comme Katrina. On a dit : « l’homme dérègle le climat, il nous faut traquer le carbone ». Ca semblait sérieux, cohérent, on s’y est donc tous mis. Et on a oublié qu’il n’y a pas de vérité scientifique : pour que la science progresse, il faut un débat. Galilée l’avait compris !
Oui, mais ce qu’un scientifique peut comprendre (c’est son métier), le citoyen lambda, lui, ne peut pas forcément l’appréhender. S’il y a doute, alors pourquoi changerait-il ses habitudes ? Il ne les changera que si ça lui coûte trop, en termes financiers, par exemple, comme lorsque le pétrole flambe.
Et dès que le doute s’est instillé dans l’esprit des gens, on voit de plus en plus de personnes ricaner à l’annonce des messages « plus vert que moi tu meurs ». Les caïds d’aujourd’hui sont les climato-écolo-sceptiques, parce que l’on a trop confondu climat et écologie.
Voulez-vous que je fasse la liste ici de tous les maux qui menacent notre planète et qui réclament notre mobilisation ?
Déforestation et perte de biodiversité, faim dans le monde, pollution des eaux par les pesticides et les métaux lourds, assèchement des réserves en eau douce, pollution locale de l’air (vous savez, dans les villes, on parle pas du CO2, là ! ), raréfaction des ressources naturelles, engorgement des axes de circulation, éducation des femmes, violences armées (liées aux ressources alimentaires et à l’eau), orpaillage clandestin (vous ne verrez plus votre alliance en or du même œil en sachant qu’elle a nécessité le largage dans l’eau guyanaise de trois kilogrammes de mercure). Je continue ?
Tous ces problèmes existent bel et bien. Beaucoup ont pour origine notre manière de consommer. Prenons un exemple : si je mange moins de viande, alors je décourage l’élevage intensif qui pollue les rivière et monopolise des protéines végétales qui pourraient nourrir directement des hommes.
Si je consacre l’argent économisé sur la viande « tout venant » à acheter du bio (dont de la viande), je contribue à développer cette filière qui permet de réduire notre pollution sur les sols et l’eau. Et en achetant équitable, je contribue à de meilleurs conditions de vie dans les pays du Sud. Bien sûr, ce n’est pas donné ! Mais en même temps, je refuse de m’embarquer dans la consommation effrénée de nouveautés technologiques : elles sont chères et dévoreuses de ressources. Voulez vous que je vous dresse un portait du Coltan, ce métal rare hautement stratégique ? C’est bien simple, le Coltan devrait être coté ainsi à la bourse : tant de litres de sang versé par gramme de ce métal extrait.
Plus que jamais nous devons faire des choix. Refuser l’individualisme, retrouver le goût du contact non virtuel, réfréner parfois nos envies, différer un achat, regarder d’où vient ce que l’on consomme, comment c’est produit. Arrêtons de nous mettre des œillères : notre steak haché, il vient d’où ? D’une vache exclusivement nourrie à l’étable, de tourteaux de soja importé, ou bien élevée à l’herbe, sur une prairie naturelle riche en plantes fourragères ? Avant de critiquer le fast-food et la grande distribution, comment consommons-nous ?
Ce n’est pas parce que le débat sur le climat est toujours d’actualité que nous ne devons pas nous interroger sur nos modes de vie. Une transition est plus que jamais nécessaire. Le changement de paradigme est à faire. Maintenant.
Avant que le transatlantique ne coule.
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