• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > L’identité ultime (deuxième partie)

L’identité ultime (deuxième partie)

Dans la première partie je propose le constat que le lien entre un individu et le territoire d’où il vient est un lien naturel. Le fait d’être né dans un pays, d’en posséder une pièce d’identité, d’y avoir de nombreux souvenirs, d’en parler la langue, marquent profondément l’identité. C’est l’identité-racine, soit la reconnaissance de qui nous sommes et des fondements territoriaux, culturels et sociaux qui font de nous un individu qui vient de quelque part.

Car c’est bien cela l’identité-racine : c’est venir de quelque part, être « né quelque part », comme un arbre vient de ses racines et pousse sur une terre particulière. La langue française à identifié ces racines à la figure maternelle : la terre mère, la langue maternelle. Et le ventre de la mère est bien là d’où nous venons. L’identité est d’abord, chronologiquement, le pays qui nous accueille, comme le sexe féminin accueille la semence pour donner forme à un être.

Qu’y aurait-il de pire, du point de vue de l’identité, que de venir de nulle part ? N’avoir aucune référence préférentielle ni aucune appartenance ? Les enfants qui soutiennent l’équipe de leur pays lors du Mondial de foot affirment cette identité territoriale. Elle leur est nécessaire dans leur construction. On peut dire bien sûr que ce mécanisme d’identification à son équipe développe et entretient le nationalisme et les oppositions entre pays. Oui, en partie. Mais en même temps il est signifiant d'un pays avec lequel on a des liens particuliers. La Belgique et la Suisse sont de petits pays et l’on doute qu’un jour ils puissent gagner un Mondial. La petitesse a pour conséquence un manque de talents. Un Zidane, un Messi, il n’y en a pas un sur mille. Mais peut-être un sur 50 millions.

Conscient de cette différence le supporter de l’équipe de Suisse sait que les qualités spécifiques de son pays sont ailleurs. Quand on lui dit que le Brésil est une grande nation de foot, il peut répondre que la Suisse est une grande nation de démocratie et d’accueil. C’est en effet le pays d’Europe qui naturalise le plus d’étrangers, proportionnellement au nombre d’habitants, soit 0,6 pour 100 habitants. Ainsi il peut développer une conscience d’appartenance valorisante. Sans valorisation personnelle et collective (nationale) il ne saura pas comment accorder de valeurs aux autres, aux « différents ».
Edouard_Glissant.jpg
Se différencier des autres et se reconnaître des qualités liées à notre appartenance nationale et territoriale est donc un processus de construction de l’identité-racine personnelle et collective. Les enfants par exemple ont besoin de sentir cette appartenance collective, à la famille ou à une région ou un pays.

Le problème du racisme soulevé avec raison par Edwy Plenel dans l’émission de Ruquier n’est pas une conséquence automatique de l’identité-racine. La comparaison de deux nations et de leurs qualités respectives n’entraîne pas naturellement une dévalorisation de l’une par rapport à l’autre.

Ces identités existent, qu’on le veuille ou non. Quand Edouard Glissant, cité par M. Plenel, parle d’interpénétrabilité culturelle, il reconnaît par la notion même d’interpénétration qu’il existe des identité différentes qui se pénètrent et se fécondent mutuellement. Son parcours, qui passe par la négritude, l’antillanité puis la créolisation confirme la notion d’identité délimitée par un territoire géographique ou culturel. Pourtant il ne peut être qualifié de raciste.

La question du racisme est donc autre que le constat des différences. Sa définition suppose qu’un individu ou un peuple soit déclaré inférieur à un autre et qu’il en subisse des conséquences néfastes : mépris, spoliation, esclavage. L’identité-racine comporte cette part dangereuse de dériver vers le racisme.

Comment peut-on éviter ce risque ? Comment éviter le racisme qui est un non-sens génétique, et qui exprime une peur de l’autre ou une volonté de le dominer ? D’abord en admettant que l’autre n’est pas soi et que la différenciation est parfaitement normale. Il n’y a aucune obligation à voir en l’autre un autre soi-même ou double. L’altérité est nécessaire à sa propre construction et à l’apprentissage du respect. Un enfant à qui l’on dirait qu’il est tout le monde et qu’il ne vient de rien de particulier développerait possiblement des troubles psychologiques.

tao-yin-yang.jpgDans une démarche spirituelle on peut considérer que tous les Hommes sont nos frères et nos soeurs. En politique on peut les appeler des camarades. Vue du ciel la terre n’a pas de frontières. Et du point de vue de la physique des particules il n’y a pas d’identité individuelle quelle qu’elle soit : il n’y a qu’un conglomérat temporaire. Mais pour en arriver à se voir uni avec l’univers et non-séparé du monde, si cela a du sens, c’est une évolution qui commence d’abord par l’acceptation de la séparation. Refuser la séparation et l’identité-racine est un déni. Ce ne peut en aucun cas être une solution au racisme. Au contraire : cela pourrait déclencher des réflexes racistes d’auto-préservation par revendication du respect de sa propre différence.

Pour éviter et combattre le racisme (qu'il soit anti-noirs, anti-blancs, anti-jaunes, etc) il faut donc d’abord miser sur l’éducation. L’identité-racine n’est qu’une étape dans la construction individuelle et collective. Il faut envisager à terme une identité-racine élargie. Historiquement c’est déjà le cas. Les clans ancestraux sont devenus des nations occupant de vastes territoires. L’étape logique ultime de l’identité-racine sera la planète-nation. C’est-à-dire une forme de mondialisation - ou mondialité, ce qui ne change pas vraiment la démarche. La Terre est un seul pays. Nous avons la même origine humanoïde. Les accidents environnementaux n’ont pas de frontière. Les frontières sont les marques des nations. Sans frontières, un des points d’appui du racisme sera rendu inopérant.

Cependant on peut rester ennemis à l’intérieur de la même communauté. L’identité-racine planétaire ne suffit pas. Une identité supra-personnelle et supra-racine doit être développée : par exemple le fait de valoriser les différences dans un esprit de complémentarité et non d’exclusion mutuelle. Il s’agit donc de quelque chose de plus que d’une interpénétrabilité. C’est une philosophie de vie qui est demandée. Une philosophie au-delà des religions. Une philosophie qui, à l’instar du taoïsme, permette la coexistence des contraires dans une perspective d’évolution et non de domination mutuelle. Les religions devront accepter d’être des affaires privées. La science peut contribuer à cette philosophie en rappelant l’ineptie du racisme. Un équilibre économique mondial fera partie de cette philosophie.
solidarite-1226432363-jpg.jpg
La fin du racisme et des risques de violence et de massacres de l’identité-racine ne passe pas par une criminalisation mais par une compréhension intérieure de l’unité de l’humanité. Cette unité doit se construire dans le respect des différences et dans la bonne volonté. La démarcation et la compétition doivent coexister avec la solidarité.

L’identité ultime sera le mélange paradoxal, complexe, de la différence et de l‘unité. De la territorialité et de la culturalité. Du local et du planétaire.

 

Première partie ici.

 


Moyenne des avis sur cet article :  2.07/5   (15 votes)




Réagissez à l'article

7 réactions à cet article    


  • Hermes Hermes 21 avril 2011 11:34

    Bonjour,

    intéressante réflexion. Je crois avoir compris que vous êtes soulagé de pouvoir vous identifier géographiquement en final, de pouvoir adhérer à un symbole collectif.
    Toutefois réduire l’identité à un attachement géographique n’est pas suffisant : le pays n’est pas le seul symbole collectif auquel les personnes s’identifient. Il y a la religion, le niveau social, l’éducation, la mentailté familiale (dans laquelle entrent de nombreuses composantes émotionelles), etc.
    Ne pensez-vous pas ?

    Cordialement.


    • hommelibre hommelibre 21 avril 2011 12:22

      @ Hermes :

      En effet j’assume ce besoin d’appartenance, qui est plutôt apaisant. Pour autant je n’en fais pas un absolu. J’aimerais bien être simplement citoyen du monde, mais il ne suffit pas de le dire pour que les frontières s’ouvrent.

      Dans les autres symboles, je suis sans religion. Je dirais même orphelin spirituellement et politiquement. Je suis d’une famille éclatée où l’esprit commun n’est plus prégnant. Mes pairs en éducation ou en niveau social ? Très indépendant d’esprit, je ne m’y réfère que peu.

      A part l’aspect territorial, je me trouve des appartenances à des familles d’esprit ou d’intérêt : la poésie, l’astronomie, la pensée complexe dans la ligne d’Edgar Morin, par exemple. Ou aussi dans des combats sur des causes de société.

      Mais il est vrai que l’aspect territorial est celui qui produit le plus le sentiment d’être « à la maison ». Je trouvais intéressant d’aborder le thème de l’appartenance à un territoire et à une nation sous l’angle d’un besoin dans la construction intérieure, plutôt que dans le débat polémique qui s’est développé ces dernières années.

      Bien à vous.


      • noop noop 21 avril 2011 17:13

        « Pourtant il (Glissant) ne peut être qualifié de raciste. »
        Et pourquoi donc ?
        A-t-il une particularité qui le protège ?
        Il est détenteur d’une carte spéciale comme aux « Mille Bornes »... ?
        Il peut-être qualifié d’identitaire, et pour nos médias de France, « identitaire » rime avec « racisme », même si celui-ci ne hiérarchise pas et énonce juste un attachement, une préférence, plus affective qu’objective.

        On en revient toujours au même point. L’enracinement se fait sur une terre délimité, dans une culture. Il suppose une légitimité et permet à un peuple (et non une à population) de vivre en cohérence, même si pas toujours en cohésion.




        • hommelibre hommelibre 21 avril 2011 17:27

          @ Noop : Glissant pas raciste parce qu’il ne défend pas la supériorité d’une race ou ethnie ou population sur une autre. Identitaire, oui. Mais c’est vrai : oser revendiquer une identité est souvent assimilé à raciste. Cela dépend du ton et du contexte aussi.

          Mais comme vous le dites, l’enracinement se fait sur une terre délimitée. Et la légitimité induite est celle de l’usage. C’est ainsi partout.


        • Hermes Hermes 21 avril 2011 17:23

          Bonsoir et merci de votre réponse

          Je comprend parfaitement celà. La liberté se construit nécessairement sur une base à partir de laquelle on peut s’émanciper. L’absence de base peut aussi être une forme particulière mais plus rare, qui nécessite de se créer son propre chemin et ses propres références. D’une certaine façon c’est un peu aussi ce que vous faites. A un certain point, ensuite, une fois les références intégrées, il est nécessaire de les laisser de côté pour ce qu’elles sont, des cannes pour notre cécité temporaire, n’est-ce pas ?

          Bonne chance et à bientôt sur ces fils sans doute.


          • beo111 beo111 21 avril 2011 17:41

            A lire la bibligraphie de Kardec à ce sujet.

            L’idée est que les âmes se réincarnent souvent dans les mêmes peuples pour pouvoir plus facilement évoluer dans un environement instinctivement connu. C’est vrai que ça peut paraitre chiant de réapprendre toujours les bases de la même culture lors de l’enfance, mais la répétition est la mère de l’instruction !


            • vinvin 22 avril 2011 01:20

              (@l’ auteur).



              Votre article est certe interressent, ( bien que je sois d’ accord avec certains de vos points de vu, et en désaccord avec d’ autres,...) le sujet est passionnant.

              Mais (d’ après certains sondages,...) nous aurons peut-être MARINE le PEN au second tour, en 2012 ( si cela se produit ce sera un peu grâce a moi,) et si elle est au second tour des élections et qu’ elles soit élue présidente de la république, ( ce qui sera un peu grâce a moi également,...) je pense que notre MARINE NATIONALE, sera plus apte que vous a débattre du sujet de votre article.


              Cordialement.



              VINVIN. 

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès