L’inéluctable incohérence humaine
Depuis que l’homo sapiens règne sur la Terre, ce ne sont que crimes, dominations, esclavages, exploitation de la nature, de la femme et de l’homme par l’homme. Au cours de ces derniers dix mille ans, pas un seul instant, l’humanité ne connut la paix.
Mais où est la paix dans la nature ? Toute vie ne s’y nourrit-elle pas de la mort ?
Les herbivores ne sont là que pour réguler la végétation, certains carnivores pour réguler leur prolifération et d’autres carnivores plus prédateurs pour les réguler également.
Ainsi la nature est essentiellement "Equilibre".
Cependant, ne dit-on pas que l’homo sapiens est doté de la capacité de vivre selon la raison, donc sans nuire à sa propre espèce, ni aux équilibres en jeu au sein de son environnement ?
Or notre propre histoire révèle que cela est totalement faux. Pourquoi ?
Depuis l’avènement du patriarcat, l’"homo sapiens" s’est cru le maître du monde. Il lui aura fallu attendre huit mille ans pour s’apercevoir qu’il était totalement dans l’erreur. L’accumulation de ses incohérences a enfermé cet animal dénaturé dans une telle impasse, que seule une catastrophe globale pourrait permettre à d’éventuels survivants de retrouver la sagesse et la sérénité.
Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir reçu les meilleurs conseils des sages de l’Antiquité nous invitant, avant toute chose, à nous méfier de nous-mêmes.
Socrate montre l’exemple de la simplicité.
Pour Épicure comme pour le Bouddha, le bonheur est dans l’absence de douleur et il s’agit donc de maîtriser ses désirs.
Pour les stoïciens il faut s’habituer à se suffire de peu.
Jésus de Nazareth annonce qu’il est plus difficile à un riche d’entrer au royaume des cieux, qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille. Sans parler de Lao-Tseu et de son disciple Tchouang-Tseu.
Tous ces sages furent peu écoutés des puissants, des rois et des empereurs. Comme si chez les humains, les instincts animaux dominaient encore le mental. Durant des millénaires les inventions des hommes ont avancé au rythme de ses pas, puis de ceux de son cheval. L’homme ne pouvait faire du mal qu’à lui-même. Tout change à partir de l’exploitation des énergies fossiles, le charbon d’abord, puis le pétrole. Chaque personne, dans les pays industriels, aurait besoin de 600 esclaves à son service, pour remplacer l’énergie qu’elle consomme en moyenne chaque jour !
Par rapport aux autres êtres vivants, nous disposons d’une puissance démesurée, et qui ne cesse de s’accroître. Jusqu’à détenir avec la force nucléaire, de quoi détruire la planète, comme tout un chacun le sait depuis des décennies et s’en accommode.
La cyber-génétique devrait permettre à certains humains de se transformer en transhumains ou post-humains. C’est-à-dire, en ces dieux et demi-dieux, tout-puissants et prétendument immortels que nous content les mythologies, en nous révélant pourtant les incohérences et l’immoralité de leurs actions.
Cette perspective est aussi inéluctable qu’effrayante.
Sortir de l’humain grâce à la "science sans conscience", coûtera très cher et ne sera pas à la portée du vulgum pecus.
Ces nouveaux dieux se recruteront selon des critères bien peu démocratiques. Les découvertes futures des savants ne seront réservées qu’à la caste qui se partage déjà le pouvoir aujourd’hui, celle des plus fortunés. Ils pourront régner sur une masse de dix ou vingt milliards de sous-hommes. Mais plus sûrement, ils élimineront tous les inutiles, les vieux, les malades, les révoltés…
Restera-t-il un bout de Terre non polluée et sécurisée où le sage puisse espérer une vie paisible ? Rien n’est moins sûr.
Il n’y a aucune contradiction à décrire une situation de plus en plus catastrophique, de montrer que ce processus est inéluctable, et de l’accepter.
Nous n’avons pas le choix, puisque nous sommes nés.
Tous les phénomènes, quels qu’ils soient, sont naturels, il est donc impossible de s’y opposer.
Et si nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses sur les causes de cette étrange singularité, « l’exception humaine », nous ne pouvons rien y faire. En fait, que savons-nous de la finalité de l’humanité ?
Lorsque l’on met de côté la morale, que l’on nous a inculquée dès le plus jeune âge, la nature qui se dévoile sous nos yeux est perfection.
Et si les tremblements de terre, les éruptions volcaniques et les tsunamis nous paraissent, a priori, représenter des catastrophes, nous savons qu’ils font partie du processus de vie de Gaïa, notre Mère la Terre.
En conséquence, pourquoi les convulsions insensées de l’Histoire des humains ne feraient-elles pas partie du même processus ?
Que pouvons-nous savoir du destin de notre système solaire, dont l’étoile, dans deux milliards d’années aura commencé sa lente transformation en une géante rouge ?
Souvenons-nous que les mammifères sont apparus sur terre après une extinction massive d’êtres vivants il y a 245 millions d’années. Et ils se sont développés surtout après la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années, permettant l’apparition des premiers primates, puis celle de l’espèce humaine.
Quoiqu’il arrive, fin de cycle, catastrophe, disparition des liens sociaux, humanité atteinte de folie ; de toute façon, tout cela participe encore de l’Équilibre de l’univers.
Même les vices et les turpitudes de l’homme, le plus prédateur des animaux, s’appropriant les découvertes scientifiques pour sacrifier au Veau d’or, ne sont que péripéties visibles, cachant la Voie indéfinissable, le mouvement perpétuel de la grande épopée cosmique.
L’humanité, malgré l’incohérence de ses actes, a peut-être sa raison d’être, au sein du Tout. Mais comme nous ne pouvons même pas l’imaginer, que nous importe ; attachons-nous déjà à vivre sans nuire. Une gageure au sein d’une humanité chaque jour frappée d’un peu plus de folie.
Certains pensent que l’"homo sapiens" a une mission : générer d’autres formes de créatures, que la nature, stricto sensu, ne pouvait fabriquer elle-même.
Il est urgent de démontrer l’ineptie de cette croyance d’origine biblique. Et que l’être humain n’est pas un homo sapiens mais un homo oppressor.
La seule chose que peuvent faire ceux qui ont encore un minimum de respect pour cette Terre qui les a vus naître, ainsi qu’un peu de compassion pour la condition humaine, c’est de prendre conscience de l’immense responsabilité que cache le simple désir de se reproduire.
Philippe Annaba, auteur de « Homo sapiens, un animal dénaturé ».
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