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L’ONISEP et son partenaire Adecco unis pour promouvoir les bienfaits du Libéralisme au collège

Face à une nouvelle crise violente du système capitaliste, la notion de « service public » est plus que jamais au cœur des préoccupations sociales actuelles. Dans ce contexte, il convient d’autant plus de dénoncer les orientations politiques et les dérives qui livrent aux appétits inassouvis des firmes multinationales et de leurs actionnaires des services que l’Etat assurait auparavant, avec impartialité, dans l’intérêt de tous.

Le kiosque de l’ONISEP dans le collège
Enseignant-documentaliste dans un collège, je trouve dans le courrier, en ce matin de Février 2009, quelques brochures de L’Office National d’Information Sur les Enseignements et les Professions (ONISEP). Le Centre de Documentation et d’Information du collège (CDI) comporte un kiosque (selon l’ONISEP, un « ensemble modulaire pour mettre à disposition des ressources documentaires, un lieu de consultation qui répond aux différentes attentes des élèves et leur donne envie de s’informer sur les métiers et les formations »). Le colis reçu ce jour comporte différentes brochures « traditionnelles » (gardien de la paix, les métiers du transport aérien, de l’agro-alimentaire). Une dernière brochure attire mon attention, car elle ne correspond pas à la documentation éditée par l’ONISEP. Cette brochure s’intitule « L’intérim, un acteur original de l’emploi ».

ADECCO entend consolider sa présence dans le monde entier.
Adecco est le numéro un mondial des prestations en ressources humaines. Cette société basée en Suisse est un organisme de formation professionnelle et de placement. Fin 2007, le groupe dispose d’un réseau de 7 041 agences dans le monde. Elle affiche une excellente santé économique (le bénéfice a augmenté de 35% en 2006). Adecco constate, en ce début de 21ème siècle, qu’en « Europe occidentale, nous connaissons une période de flexibilité sans précédent dans le monde de l’emploi (...) Dans de nombreux pays, l’objectif est de développer la coopération entre les employeurs et les gouvernants, dans l’objectif de favoriser la compétitivité, la flexibilité et la mobilité des entreprises et des travailleurs ». Dans le contexte de l’économie mondiale actuelle, le groupe entend développer une vaste compréhension des marchés dans lesquels il agit. Les perspectives sont excellentes puisque « les tendances favorables du secteur du recrutement à l’échelle mondiale offrent des opportunités de croissance prometteuse dans nos marchés. Par ailleurs, Adecco « poursuit son processus de transformation culturelle en rassemblant ses multiples marques sous un nom unique et en consolidant sa présence dans le monde entier. Sous une marque unique, Adecco sera encore plus visible et sera plus à même d’attirer les meilleurs talents et d’optimiser les coûts marketings ».

L’ONISEP, un service public au service de la communauté éducative
L’Office national d’information sur les enseignements et les professions, créé par décret en 1970, est un établissement public, sous tutelle du ministre chargé de l’Éducation nationale. L’ONISEP (établissement public) assure une mission permanente d’information : collecter, traiter et mettre à disposition de publics variés un ensemble d’informations relatives aux enseignements et aux professions. Les destinataires de ces informations sont les jeunes mais aussi des usagers agissant comme relais : parents, chefs d’établissements, professeurs, conseillers d’orientation psychologues, documentalistes ...

L’ONISEP et Adecco : une union sacrée pour promouvoir l’économie libérale ?
La brochure « L’intérim, un acteur original de l’emploi » qui a été adressée au CDI de notre collège pour être mise à disposition des élèves comporte la mention suivante : « cette édition a reçu le soutien d’Adecco ».
Certes, l’Onisep a vocation d’informer ses jeunes lecteurs sur les évolutions du marché du travail. On pourrait comprendre la démarche, mais il semble ici que cette publication soit très orientée, puisqu’elle développe les aspects « positifs » de l’intérim, en sous-estimant les problèmes rencontrés par les salariés de ce secteur.
Essayons de définir les stratégies de communication d’Adecco, ses « messages », ses « valeurs », puisque désormais l’Education nationale (par le biais de l’ONISEP) autorise cette multinationale à s’adresser, à peine masquée, à des élèves de sixième.

Une brochure pour comprendre comment l’intérim dynamise le marché de l’emploi
« Serait-il possible d’envisager un marché du travail sans l’intérim ? En France, sans doute pas quand on sait qu’aujourd’hui la formule occupe 3,6% de l’emploi salarié, ce qui équivaut à 637 900 emplois à temps plein. L’intérim est donc un des principaux employeurs en France » (page 24).

Une brochure pour affirmer que l’intérim est un acteur de la lutte contre les discriminations
« La discrimination est l’un des maux dont souffre le marché du travail français. Age, couleur de la peau, handicap, sexe sont autant de facteurs qui créent une inégalité face à l’emploi (...) les entreprises de travail temporaire s’engagent dans une politique volontariste. En février 2005, patronats et syndicats de la profession ont ainsi signé un accord visant à prévenir les discriminations et à promouvoir la diversité. (...) ces engagements de lutte contre la discrimination sont désormais affichés aux murs de la plupart des établissements ». (page 32).

Une brochure pour inciter les jeunes à se lancer sur le marché du travail grâce à l’intérim.
« Pour les moins de 25 ans, l’intérim permet de mettre un pied dans le monde du travail en fournissant les premières expériences qui viendront donner du contenu au CV d’un débutant. (...) Au fil des missions, les juniors ont accès à toutes sortes d’environnement de travail : un bon moyen de cerner ses propres aspirations et de définir son propre projet personnel avec davantage de précision. L’intérim peut donc permettre d’assurer une bonne transition entre la sortie des études et l’entrée dans la vie active ». (page 38).

Une brochure pour expliquer que le secteur du travail temporaire protège les travailleurs.
Page 55, une photo prise lors d’une manifestation d’enseignants. Au centre de la photo, des enseignants du SNES ont déployé une banderole qui indique : « Non à la flexibilité, à la précarité. Des emplois stables pour tous ».
Page 54, on peut lire la surprenante légende de la photo : « La flexibilité réclamée par les entreprises n’a pas bonne presse auprès des organisations syndicales, qui s’inquiètent d’une des conséquences possibles : la précarité. Le secteur du travail temporaire, grâce aux nombreuses contreparties sociales qu’il offre à ses salariés, constitue l’une des réponses à ses inquiétudes ».

Une brochure pour claironner que 91 % des personnes interrogées ont une bonne opinion de l’intérim.
La société a beaucoup changé ; de nombreuses barrières sont tombées. Elèves de sixième, vous allez rentrer dans un monde où « les carrières à vie dans une même entreprise font désormais figure d’exception. La mobilité est devenue la règle. La trajectoire des salariés est devenue moins linéaire, s’accommode de virages, de détours ou d’arrêts. Il faut désormais associer différentes formes d’emplois plus ou moins durables : mission de travail temporaire, contrats à durée déterminée (CDD) et contrats à durée indéterminée (CDI). (page 37).

Une brochure pour présenter cet étrange paradoxe : le travail temporaire mène au... travail !
[Témoignage de Jacqueline Jury, responsable des ressources humaines à la RATP] : « Dans notre entreprise, le Contrat à durée déterminée est la règle, mais certaines situations impliquent que nous ayons recours au travail temporaire. Il s’agit de missions qui peuvent durer entre deux et trois mois. Parfois nous proposons des missions plus courtes (...) Si l’intérim n’est jamais utilisé comme un moyen pour présélectionner de nouveaux collaborateurs, il peut néanmoins constituer un tremplin. Si un intérimaire qui nous a fait une bonne impression décide de postuler, il va de soi que nous allons appuyer sa candidature ».

Une brochure pour qu’enfin s’assume la flexibilité !
« La voie du salariat pour se réaliser, c’est dépassé. Dans l’intérim, ils sont autour de 10 % à le penser. Soit environ 50 000 personnes pour qui passer de mission en mission est un réel choix de vie (...) Certains professionnels, réfractaires à la routine, n’accepteraient pour rien au monde un CDI. (...) Beaucoup d’intérimaires, mères de famille, choisissent de ne pas accepter de mission durant le vacances scolaires de leurs enfants. Autre cas de figure, celui des cadres expérimentés qui, lassés de la pression permanente de leur hiérarchie, ont envie d’autre chose. Cette population, encore limitée, est appelée à augmenter ». (page 40).

Une brochure pour susciter l’espoir dans toutes les cours de récréation
« Les entreprises de travail temporaire réfléchissent en permanence à élargir leur offre de services visant à faciliter la vie de leurs intérimaires. Ainsi il est possible de bénéficier, sous conditions de ressources, de financement pour inscrire ses enfants en colonie de vacances, en séjour linguistique ou en stage sportif » (page 68).

Hélas, les intérimaires quittent trop tôt ce monde idyllique...
« Les intérimaires sont majoritairement jeunes, ouvriers et actifs dans l’industrie, le bâtiment et les travaux publics. Le plus souvent, on leur confie les activités les plus exposées : le nombre de décès chez les travailleurs temporaires compte parmi les plus élevés. » (Page 68).

L’intérim mérite que l’on s’y intéresse de près (page 71)
« Le modèle social français semble avoir vécu. Les évolutions de la démographie, notamment l’allongement de la durée de la vie, et les difficultés persistantes de financement de certains régimes sociaux vont se traduire par des réformes importantes (...) Le secteur du travail temporaire entend apporter des réponses à une question essentielle : comment travaillerons-nous dans le futur ? » (page 71).

Le monde libéral, avant son spectaculaire enlisement dans la grande crise qu’il a lui-même généré.
« Evolutions technologiques incessantes, émergence de nouvelles puissances économiques, concurrence accrue, accroissement de la spéculation boursière... Pour suivre le rythme de la mondialisation, les entreprises doivent être de plus en plus performantes, en s’adaptant aux changements dans un minimum de temps. Pour répondre à cette question de flexibilité, un acteur du marché de l’emploi s’est considérablement développé : l’intérim » (quatrième page de couverture).

(Intérim) Pendant ce temps-là, il faut bien sortir de la crise ! (légère anticipation).
2010 - Il va de soi que l’enseignant documentaliste doit lui aussi s’adapter au « progrès » et anticiper les « nécessaires réformes » qui rendront toute sa liberté à la société française. Me voici donc, dans mon CDI, coiffé de la traditionnelle casquette Adecco, siglée du logo et du sympathique slogan de l’entreprise : « Better work, better life ».
L’Onisep, pour cause de rigueur budgétaire, a maintenant disparu. Sur le mur, j’ai affiché les portraits souriants de M. Klaus J. Jacobs et de M. Dieter Christian Scheiff, respectivement Président et Directeur Général d’Adecco, qui, en vertu du généreux partenariat qu’ils ont signé avec le Ministère, fourniront désormais les documents relatifs à l’orientation professionnelle que je mettrai à disposition des élèves. L’entreprise et ses valeurs au cœur du système éducatif, incontestablement un immense bond en avant ! Enfin l’espoir d’une société meilleure revient ! A la Bourse, les actions Adecco battent de nouveaux records à la hausse...


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4 réactions à cet article    


  • Ceri Ceri 17 février 2009 13:30

    C’est la propagande commerciale habituelle qui avance à pas de géant dans l’école. 
    Une telle brochure pourrait être l’objet d’un travail très intéressant en cours de français sur la langue de bois, la manipulation et le détournement du vocabulaire, un phénomène classique pour les entreprises comme pour nos dirigeants.
    Ou en philo, aussi, il y aurait matière à débat ! 

    Peut-etre que les profs concernés pourraient montrer l’hypocrisie de ladite brochure, en long et en large... 


    • Laurent Monserrat 18 février 2009 01:01

      Merci pour cette information qui n’a malheureusement plus rien de surprenant. Vous constaterez de même que dans les manuels d’histoire/géo la question des délocalisations a le plus souvent disparu au profit des localisations industrielles. Ce sont les bienfaits idéologiques des rachats des principaux éditeurs par les grands groupes financiers. De même, dans les maternités des hôpitaux, vous recevez avec votre carnet d’informations un certain nombre de publicités qui n’ont pas lieu d’être au sein des services publics.

      La baisse volontaire des budgets a permis au secteur privé de s’insinuer progressivement dans tout le système public. 

      Bien à vous,

      Laurent


      • abdelkader17 18 février 2009 12:55

        On recrute désormais les contingents d’esclaves de la mondialisation néolibérale, à la sortie de l’école.
        L’horizon affiché desormais pour tous n’est que la precarité, masqué sous un doux vocable propagandiste, grâce à l’utisation abusive d’euphémismes(fléxibilité pour docilité, retour sur investissement à la place de bénéfice, restucturation pour licenciement etc..)
        Le libéralisme avance masqué, les fondations libérales privés investissent dans le public pour consolider leur victoire dans la bataille des idées.
        Ne nous y trompons pas, malgrès la débacle subie à cause de la finaciarisation croissante de l’économie et la délinquance générée, les thuriféraires du capitalisme n’ont pas renoncer à leur rapacité criminelle.
        D’ailleurs qu’est ce que le néolibéralisme, si ce n’est le dernier avatar en date du système capitaliste.


        • jak2pad 19 février 2009 16:26

          article intéressant ( bravo !) et bonne réflexion sur un sujet préoccupant, et qui dérive dans des zones toubles, surtout sur le plan du droit du travail.

          Mais en même temps il faut bien reconnaître que c’est parfois l’une des rares opportunités offertes à des gens un peu ( pas beaucoup, mais un peu....) atypiques : je m’explique :

          dans notre pays, la méfiance généralisée envers certaines catégories de la population, plus le fétichisme du diplôme, plus la lourdeur et la complexité des procédures de licenciement ( dont le corollaire évident est la lourdeur st la lenteur des procédures d’embauche...) tout cela met hors-jeu des tas de gens qui dans d’autres pays ont des chances beaucoup meilleures de décrocher un job :

          avez-vous déjà vu le look et l’habillement des chauffeurs de bus à Londres ? notre puritaine RATP ( puisque vous en parlez) n’admettrait certainement pas bandanas, tatouages et piercing. Alors qu’ils conduisent très bien ! et sont nettement mieux payés que chez nous.

          une fois de plus, nous sommes confrontés à l’image d’un pays vieillot, rigide et stéréotypé.

          Alors, que les boîtes d’intérim en profitent pour avancer leur pions,..... ce n’est pas de leur faute uniquement

          et quand même, pour rire un peu, quand on voit avec quelle adrénaline certaines jeunes aspirantes comédiennes font la chasse au statut ô combien désiré d’ "intermitent du spectacle", on se dit que l’intérim, dans certains de ses aspects, a encore de beaux jours devant lui !

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