L’urgence climatique : suite
Je vous rappelle que nous parlons ici du dernier livre de Stefano Mancuso, botaniste et fondateur de la neurobiologie végétale.
Vous vous rappelez qu'il y explique la supériorité des plantes par rapport aux mammifères dans la mesure, et en résumé, parce qu'elles n'ont pas besoin de se déplacer pour se nourrir et qu'elles bénéficient de la duplication de certains organes fondamentaux sur tout leur corps.
Stefano Mancuso souligne que l'unique avantage de notre organisation verticale et hiérarchisée tient en la vitesse. Mais, elle concerne bien plus les animaux que les humains. Effectivement, l'humain, qui a transposé son organisation anatomique pyramidale dans toutes ses constructions, en l'occurrence administrative, scolaire, associative, ... est vite tombé dans un défaut majeur, à savoir la bureaucratie. Et combien pèse-t-elle ! Et combien nous en plaignions-nous !
Les décisions prises au niveau le plus haut se transmettent avec une lenteur déconcertante. Parmi ces freins figurent les interprétations erronées, le temps, ... et le fameux principe de Peter. Ce principe a été développé par Lawrence Peter, en 1969. Il affirme que les humains, dans une hiérarchie, rejoignent à un moment donné leur propre niveau d'incompétence ... et ce n'est pas une plaisanterie. Mancuso nous aide à comprendre. Il propose d'imaginer une société, constituée de personnes promues en fonction de leurs mérites, sans tenir compte des probables intrigues, des inévitables jalousies, des éventuels coups bas. Quasiment la perfection, quoi. Le principe de Peter démonte tout cela. En effet, l'employé promu rejoindra tôt ou tard son niveau d'incompétence, et l'auteur pour continuer sa démonstration se tourne vers José Ortega y Gasset, qui avait déjà soutenu que "tous les employés publics devraient être rétrogradés au niveau directement inférieur puisqu'ils ont été promus jusqu'à devenir incompétents". C'est pourquoi notre bureaucratie est devenue si boîteuse. Mais, précise l'auteur, le fameux principe de Peter n'est pas la seule cause de ce dysfonctionnement dans l'organisation hiérarchique. Il faut aussi tenir compte de ce que la bureaucratie a tendance à se comporter comme un gaz et à occuper l'entièreté du volume disponible. Cela vient de ce que les membres d'une bureaucratie cherchent systématiquement à augmenter le nombre de leurs subordonnés et à éviter de se trouver en confrontation avec des rivalités. Quand on a trop de travail, détaille Mancuso, on a trois possibilités : on démissione en laissant un poste vacant, on partage avec un collègue au risque de la rivalité ou on engage deux subordonnés pour se soulager et avoir une supériorité. Mais ... mais, les subordonnés, à un certain moment, tendrons à reproduire le même schéma. Et on se retrouvera avec 7 personnes pour le même volume de travail. C'est la loi de Parkinson, parue dans "The economist" en 1955 et qui peut se traduire par une formule mathématique, dont le résultat de la croissance annuelle se situerait entre 5,17 et 6,56% ... et il suffit d'observer certains appareils bureaucratiques pour en vérifier la véracité ! Max Weber disait d'ailleurs que toute bureaucratie cesse de servir la société qui l'a créée pour croître tel un corps étranger.
Et Stefano Mancuso de conclure en affirmant que les dommages de la bureaucratie sont suffisants pour mettre en évidence la sagesse de la Nation des plantes.
Myroise
Stefano Mancuso, La Nazione delle piante, Laterza, 2019
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