La baie de Lannion menacée : merci, monsieur Macron !
Parmi les initiatives qu’a prises Emmanuel Macron dans le cadre de son ministère figure l’exploitation des sables coquilliers au nord de la baie de Lannion. Avec à la clé de graves risques de dégradation d’un biotope marin fragile aux abords de deux espaces classés Natura 2000, directement menacés par l’extraction des sables sur les fonds marins. Outre ces espaces classés, c’est l’activité de pêche du secteur qui risque d’être impactée...
Le 14 septembre 2015, sur proposition d’Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, Manuel Valls signait un décret « accordant la concession de sables calcaires coquilliers, dite ʺconcession de la Pointe d’Armorʺ, à la Compagnie armoricaine de navigation », une filiale du puissant groupe Roullier, spécialisé dans l’agro-alimentaire et la chimie.
Les préfets des Côtes d’Armor et du Finistère ayant ensuite cosigné le 1er décembre 2015 un arrêté autorisant cette extraction de sable coquillier, l’exploitation par la CAN aurait dû commencer dès aujourd’hui, lundi 1er septembre 2016. C’était compter sans les recours qui ont été engagés, et notamment une saisine du Tribunal administratif de Rennes dont les juges rendront leur décision en début de semaine prochaine.
De quoi parle-t-on ? Comme son nom l’indique, le sable coquillier est principalement constitué de coquillages pilés par l’action de la mer. Les bancs qu’il a édifiés au fil du temps sont à juste titre considérés comme des biotopes à part entière, particulièrement riches d’une microfaune ayant besoin de calcium pour vivre et se développer. Outre cette particularité, les bancs de sable coquillier produisent des oligo-éléments qui favorisent la présence de plancton, et par conséquent d’une vie marine riche en faune et en flore.
Or, c’est très clairement un banc de ce type qui risque d’être gravement mis en danger par la future extraction des sables coquilliers si la justice valide la concession accordée à la CAN. À cette accusation venue des associations de défense de l’environnement, les défenseurs du projet objectent que le banc de la « Pointe d’Armor » ne serait que partiellement touché, l’extraction actée dans le décret portant sur un domaine sous-marin de 4 km² exploité chaque année sur une superficie de 1,5 km².
En volume, cette exploitation devrait, toujours selon les termes du décret, être de 50 000 m3 la 1ère année, puis de 100 000 m3 la 2e année, et 150 000 m3 les trois années suivantes. Après quoi, le quota maximal de production serait porté à 250 000 m3 par an. Interdite de mai à août pour limiter notamment l’impact sur l’activité touristique et la navigation de plaisance, l’exploitation pourrait en revanche être opérationnelle à tout moment hors de cette période, de jour comme de nuit !
Quand Macron joue du pipeau
Quel intérêt d’extraire du sable coquillier ? L’objectif, outre de permettre à la CAN de réaliser de juteux profits – on parle d’une redevance de 0,63 € par m3, dérisoire en regard des prix de commercialisation – est de limiter l’usage des engrais dans les exploitations agricoles en favorisant leur remplacement par cet amendement naturel. Certes ! Mais ce n’est évidemment pas dans cette voie que doit aller prioritairement l’agriculture française pour sortir de la destruction des sols née de l’exploitation intensive des terres cultivables : les solutions sont à rechercher dans l’agriculture durable, basée sur l’abandon des labours profonds et la rotation des cultures, voire dans l’approche encore expérimentale de la permaculture.
S’il peut y avoir des aspects positifs dans l’usage d’amendements issus de l’exploitation du sable coquillier, force est de constater que des impacts négatifs sont a contrario prévisibles. Impact négatif tout d’abord sur les activités de pêche dans les zones situées à proximité des lieux d’extraction, forcément soumises à des modifications des ressources halieutiques du fait des atteintes significatives portées au biotope des bancs coquilliers de la Pointe d’Armor. Impact négatif ensuite sur les activités touristiques et plaisancières du fait des troubles créés si près des côtes dans les eaux de la baie par les techniques d’extraction, troubles particulièrement pénalisants de surcroît pour les clubs de plongée. Impact négatif enfin sur les côtes du fait de la diminution des obstacles naturels aux courants marins, avec un risque d’érosion accélérée des zones les plus exposées et les plus fragiles.
Ces arguments, et d’autres encore avaient été mis en avant lors de la visite d’Emmanuel Macron à Lannion en juin 2015. Un ministre apparemment à l’écoute : il avait à l’époque promis la mise en œuvre de deux études indépendantes, portant l’une sur l’impact environnemental, l’autre sur l’impact socioéconomique pour la région et les 13 communes concernées. Le ministre était même allé plus loin en déclarant vouloir imposer à la CAN une « feuille de route » interdisant toute exploitation à moins de 40 km des côtes.
Du pipeau ! Les études en question ont été réalisées par... la CAN elle-même, sans que M. Macron y trouve quoi que ce soit à redire. Ce qui démontre une fois de plus qu’en politique l’« indépendance » est un concept à géométrie variable. Et pour faire bonne mesure, la CAN a, en outre, balayé sans vergogne l’obligation d’exploiter loin des côtes du Trégor pour fixer unilatéralement des limites se situant à 7,5 km de la côte costarmoricaine et à moins de 10 km de la côte finistérienne. Avec pour conséquence d’augmenter de facto les impacts négatifs sur les activités humaines et sur l’érosion des zones côtières les plus fragiles.
Pour en savoir plus, et tenter de peser avant qu’il ne soit trop tard sur la décision de justice à venir, j’invite tous ceux qui sont sensibilisés à cette question à se rendre sur le site peupledesdunesentregor. La carte destinée à Emmanuel Macron n’est plus d’actualité pour ce qui concerne sa personne, mais elle le reste pour son successeur, Christophe Sirugue, nommé aujourd’hui même, jeudi 1er septembre, au Secrétariat d’État à l’Industrie.
Halte à la destruction des biotopes marins à des fins industrielles !
35 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON