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Accueil du site > Tribune Libre > « La beauté sauvera le monde » de Barbara Castin

« La beauté sauvera le monde » de Barbara Castin

Barbara Castin interprète une création littéraire très personnelle. Le point de départ en est une réplique de Dostoïevski[i]. Elle a donné lieu à de nombreux commentaires soulignant, les uns, le caractère russe du propos, les autres, son caractère poétique ou religieux. Elle a été aussi une idée de titre pour plusieurs livres.

Barbara Castin part de la poésie que lui inspire Dostoïevski et introduit d’autres auteurs (Giono, Péguy...). Elle résume son propos en écrivant :

« L’histoire poignante d’une femme qui voulait préserver la vie pour pouvoir la donner.

Meth porte sur son dos des livres et dans ses bras, un enfant.

Pour l’endormir, elle lui raconte la Terre « d’avant ».

Elle puise dans ses livres et avec eux, ses souvenirs reviennent.

Cette Terre « d’avant », elle la connaissait bien. Elle a tout fait pour la préserver... »

 

Mais elle fait plus que cela. La partie centrale, qu’elle a écrite, c’est carrément « le bruit et la fureur ». Elle passe de Dostoïevski à Shakespeare, d’un dialogue de L’Idiot (paru en feuilleton de 1868 à 1969), à cette « histoire contée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui ne veut rien dire »[ii]. Mais ici, il ne s’agit plus de petits meurtres en famille, mais de la destruction programmée des conditions de vie sur notre Terre.

Elle s’inscrit plus dans la lignée de Rachel Carson : « Vouloir « corriger la nature » » est une arrogante prétention, née des insuffisances d’une biologie et d’une philosophie qui en sont encore à l’âge de Neandertal, où l’on pouvait croire la nature destinée à satisfaire le bon plaisir de l’homme. Les concepts et les agissements de l’entomologie appliquée reflètent cet âge de pierre de la science. Le malheur est qu’une aussi primitive pensée dispose actuellement des moyens d’action les plus puissants, et qu’en orientant ses armes contre les insectes, elle les pointe aussi contre le monde. » (Printemps silencieux, 1962-1963).

Elle s’inscrit même dans les pas de François Vincent Raspail écrivant : « Ici je dénonce les faits, sans désigner les personnes. Je cherche à conjurer le danger, en le signalant même à ceux de qui il émane ; Dieu me garde de vouloir tout d’abord nuire à quelqu’un, eu cherchant à être utile à tout le monde ; ce sont les coupables seuls qui se nuiront à eux-mêmes, si, après cet avertissement, ils transformaient leur imprudence en parti pris et en propos délibéré. »

C’était dans son Appel urgent au concours des hommes éclairés de toutes les professions contre les empoisonnements industriels ou autres qui compromettent de plus en plus la santé et l’avenir des générations (1863).

Un peu oublié aujourd’hui, écologiste avant l’heure, le candidat de la gauche radicale en 1848, n’avait réuni que 36 920 voix, soit 0,51 % des votants,. On mesure les progrès accomplis, même si les dangers sont encore plus grands.

 

Barbara Castin ne prend pas les précautions oratoires de Raspail et met en scène une scientifique lanceuse d’alerte face à des contradicteurs sans aucun scrupule (députés lobbyiste, experts autoproclamés des chaînes et des stations d’intox,...). Shakespearienne, elle mêle la comédie au tragique ; fait de « l’agit-prop » contemporaine ; et pratique, peut-être sans le savoir, du « détournement situationniste ».

Ce faisant, elle nous fait découvrir une facette comique que nous ne lui connaissions pas. Et elle s’y montre virtuose. La mise en scène de Pierre Boucard, par sa simplicité au service de l’œuvre, est bouleversante.

 

Les mauvais jours finiront... si le temps le permet.

 

Jusqu’au 19 Mars 2024 , les Lundis et Mardis à 21h00

Théâtre de l’Essaïon, 6 Rue Pierre au Lard, 75004 Paris

 

https://www.essaion-theatre.com/spectacle/1046_la-beaute-sauvera-le-monde.html

 

[i] « Est-il vrai, prince, que vous ayez dit un jour que la « beauté » sauverait le monde ? Messieurs, s’écria-t-il en prenant toute la société à témoin, le prince prétend que la beauté sauvera le monde ! Et moi je prétends que, s’il a des idées aussi folâtres, c’est qu’il est amoureux. Messieurs, le prince est amoureux ; tout à l’heure, aussitôt qu’il est entré, j’en ai acquis la conviction. Ne rougissez pas, prince ! vous me feriez pitié. Quelle beauté sauvera le monde ? C’est Kolia qui m’a répété le propos. Vous êtes un fervent chrétien ? Kolia dit que vous- même, vous vous donnez ce nom de chrétien. »

[ii] « Life’s but a walking shadow, a poor player

That struts and frets his hour upon the stage,

And then is heard no more ; it is a tale

Told by an idiot, full of sound and fury,

Signifying nothing. »
Curieusement, dans les traductions françaises de Macbeth et du roman de Faulkner, « fureur » s’est imposé au lieu de « furie ».


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4 réactions à cet article    


  • Seth 14 février 2024 12:42


    « fureur » s’est imposé au lieu de « furie ».

    Sans vouloir donner de leçon, fury signifie plutôt fureur. Furie se traduirait par « rage » (du moins aujourd’hui... smiley

    Mais il y a ainsi des mots dont les sens tout en étant proches ne sont pas absolument équivalent (hors des faux amis). Et il a passé un peu de temps depuis Shakespeare. Idem pour « fret », pas évident à traduire dans le sens d’aujourd’hui et le « his hour » sans préposition.

    Enfin, ça n’a pas d’importance, c’est histoire de dire smiley


    • Samy Levrai Samy Levrai 14 février 2024 13:10

      Une femme donnerait la vie... c’est un concept ancien qui ne semble plus avoir cours, comme les vaccins qui n’immunisent plus et tant d’autres concepts changeant avec la mode.

      Aujourd’hui dans la modernitude ambiante et les changements juridiques une telle assertion sur la science médicale peut valoir la prison, attention à tes fesses, Jules.


      • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 14 février 2024 13:43

        ’’ « Vouloir « corriger la nature » » est une arrogante prétention, née des insuffisances d’une biologie et d’une philosophie qui en sont encore à l’âge de Neandertal, où l’on pouvait croire la nature destinée à satisfaire le bon plaisir de l’homme. Les concepts et les agissements de l’entomologie appliquée reflètent cet âge de pierre de la science. Le malheur est qu’une aussi primitive pensée dispose actuellement des moyens d’action les plus puissants, et qu’en orientant ses armes contre les insectes, elle les pointe aussi contre le monde. » (Printemps silencieux, 1962-1963). ’’

        >

        Je suppose qu’à l’époque, l’auteur de ces lignes citées ici faisait allusion au DDT entre autres poisons.

         

        Ça ne s’est pas arrangé depuis, bien au contraire :

        voir ce qui se dit autour de a disparition des abeilles.

        Ou des énergies dites renouvelables.

        Désastre Écologique : Nos Dirigeants Ont Dépensé 6000 Milliards Pour Rien

         

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