La carte scolaire vue par des chefs d’établissement
Après avoir été reçus par le ministre de l’Education le 23 mai dernier, les chefs d’établissement, par le biais du SNPDEN leur syndicat majoritaire, viennent de lui adresser des propositions. Leur credo : renoncer à la carte scolaire oblige à définir d’autres modes de régulation... Explications avec Jean-Claude Lafay, secrétaire national au SNPDEN, à la veille de leur réunion avec Nicolas Sarkozy, prévue le 11 juin.
Pourquoi faut-il de la mixité
sociale à l’école ?
Il y a une raison politique et une
raison pédagogique : parce qu’elle est le creuset de la
société, l’école doit mélanger les
différentes catégories de populations. Ca c’est la
raison politique. Maintenant, en terme de pédagogie, on sait
depuis longtemps qu’une classe avec de la mixité sociale
progresse mieux qu’une classe où la mixité est absente.
Comment s’est passée votre
rencontre avec le ministre de l’Education ?
Il pensait que nous étions
opposés à toute discussion : il a été
surpris de voir que ce n’était pas le cas et il nous a demandé
de lui faire des propositions : ce que nous avons fait le 24 mai,
lendemain de notre rencontre.
Quelles sont vos propositions ?
Tant que la carte scolaire reste en
partie utilisée, c’est-à-dire au moins jusqu’en 2010,
d’après le ministre, il faut d’abord plus de transparence dans
l’information : aujourd’hui ce sont les familles des milieux
favorisés qui savent le mieux quels sont les meilleurs
établissements et qui maitrisent les « combines »
pour obtenir une place. Plus de transparence, cela signifie que les
zones de desserte soient définies sous forme de carte lisible
et claire, et que les critères d’admission soient connus.
Vous êtes proviseur à
Paris. Quelle est la situation dans cette ville ?
A Paris, la carte est déjà
assouplie : le premier choix pour le lycée est libre. A ma
connaissance, les inégalités entre lycées
augmentent. Chaque établissement est libre de ses critères
d’admission et certains seulement prennent en compte l’objectif de
mixité sociale. En l’absence de régulation, les
établissements ont tendance à choisir d’abord en
fonction du niveau des candidats.
Vous appelez à plus de transparence. Quelles sont vos autres propositions ?
Nous pensons que le critère de proximité doit rester un critère important : il est très dommageable pour un élève de se voir refusé dans le collège, voire le lycée de son quartier. Nous proposons aussi que les moyens attribués aux établissements soient calculés pour permettre cet accueil de proximité et pour favoriser la mixité sociale. Il faut aussi que le choix des options [langues rares, etc] se fasse après l’affectation dans un établissement. Aujourd’hui, le choix de l’établissement et des options se fait en même temps et bien souvent les familles les plus favorisées choisissent une option pour être prises dans un établissement réputé.
Que pensez-vous des expériences
menées à Science Po et à l’Essec ?
Tout ce qui permet à un élève
d’un milieu défavorisé de faire une scolarité de
qualité est bienvenu. Mais sur le principe, nous préférons
largement l’expérience menée par l’Essec [« une
prépa, une grande école, pourquoi pas moi ? »
est une forme de tutorat et d’accompagnement culturel entre des
étudiants de grandes écoles et des lycéens
volontaires de zones défavorisées] à la
formule choisie par Science Po, fondée sur la dérogation
[un concours parallèle est organisé pour les
candidats issus des ZEP]
Et la proposition de Patrick Weill,
consistant à accueillir dans les classes préparatoires
les 7 ou 8 % des meilleurs de tous les lycées confondus ?
Elle serait efficace pour la mixité
sociale et c’est pourquoi elle mérite d’être étudiée.
Tout le monde est pour la mixité
sociale mais dans la pratique les parents qui ont le choix préfèrent
des établissements « bien cotés »
où la mixité est faible. Comment résoudre le
conflit entre libre choix et mixité sociale ?
Il y a un effort d’éducation à
faire de la part du pouvoir politique. Dans un système
totalement libre, les parents vont tous vouloir les établissements
les mieux cotés. De toute évidence les parents les mieux informés, qui sont de milieux
plutôt favorisés, tireront les bénéfices
de la concurrence entre les établissements, mais aussi entre
les familles.
Il n’est pas évident que beaucoup de familles en tirent un
vrai bénéfice, alors que la collectivité, elle,
a la certitude d’y perdre. L’intérêt collectif doit
primer, et il n’est pas nécessairement opposé à
l’intérêt de chacun : c’est cette information
et cette éducation que les pouvoirs publics ont le devoir de
mettre en avant.
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