La chute de Saïgon, il y a 40 ans
- Un jour ou l’autre, il faudra qu’il y ait la guerre, on le sait bien. On n’aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire, on dit : « c’est le destin ». Tant pis pour le Sud, c’était pourtant bien, on aurait pu vivre, plus d’un million d’années et toujours en été. (Nino Ferrer Paroles, Le Sud) Photo wikimedia.org
La chute de Saïgon, ou « libération de Saïgon » pour les communistes, est la prise de cette ville alors capitale de la République du Viêt Nam (Sud-Viêt Nam) par l'armée populaire vietnamienne le 30 avril 1975. C'est la fin de la guerre du Viêt Nam et l'amorce de la réunification officielle du Viêt Nam sous le régime communiste.
Début avril 1975, la région de Saïgon est encerclée. Après deux semaines de combat acharné à Xuân Lộc, dernier verrou de Saïgon, où la 18e division de l'ARVN tente d'enrayer la progression communiste, le président Nguyễn Văn Thiệu démissionne le 21 avril et est remplacé par le vice-président Trần Văn Hương, lui-même remplacé le 28 avril par Dương Văn Minh, surnommé « le Président de 3 jours ». Les troupes nord-vietnamiennes sont alors aux portes de Saïgon.
Le 30 avril, elles entrent et rebaptisent la ville en Hô-Chi-Minh-Ville, en l'honneur de celui qui s'était fait appeler Hô Chi Minh (1890 - 1969), dont le pseudonyme signifie « Celui qui éclaire » et qui avait été le fondateur du Parti communiste vietnamien et de la République démocratique du Viêt Nam après s'être formé en France, tout comme Zhou Enlai, le numéro 2 chinois à l'époque de Mao, ou Pol Pot le Khmer rouge. On, ne vantera jamais assez l'influence de la culture Française.
Depuis le balcon de l'appartement du 3ème étage de Cholon, banlieue où se regroupe une forte communauté d'origine chinoise, « elle » jette un œil mais elle se fait rappeler à l'ordre par son père. Les balles perdues ne le sont pas pour tout le monde. Et en bas dans la rue, des voitures passent en klaxonnant avec des hommes à bord, le fusil à la main, le doigt sur la gâchette, en criant et en tirant à tout va, comme si leur équipe sportive venait de gagner une finale.
Si l'on se penchait pour les dévisager, on parierait qu'ils viennent au secours de la victoire et qu'ils ne portaient pas le VietCong dans leur cœur ni le VietMinh dans leurs petits papiers. Comme les pétards du nouvel an chassent les mauvais esprits, leurs détonations sont destinées à faire fuir tout soupçon d'attachement au régime qui s'est effondré.
Pas d'arme lourde dans ces rues. Ce n'est qu'au centre de la capitale qu'on est assuré de rencontrer des tanks stationnés au centre des artères, comme des arcs de triomphe qui proclament la victoire du Nord sur le Sud.
« Elle » ne pourra plus regarder "missions impossibles" à la télévision en version originale sans sous-titre avec ses nombreux frères et soeurs. Ses parents ne désiraient pas une nombreuses progéniture mais la contraception était interdite. Le devoir de devenir chair à canon pour les garçons primait le droit des femmes à disposer librement de leur corps.
Demain les enfants n'iront pas à l'école mais la grand-mère ira au marché. Elle trouvera encore des stands garnis de fruits, de légumes et de viandes, et, bien en évidence, des corps de sudistes supposés opposés à l'ordre nouveau.
A cette époque d'opposition viscérale entre communistes et capitalistes, on ne vit pas comme en Italie avec le jovial Don Camillo qui se joue du rouge Peponne. C'est la fin d'un monde taxé de concussion, de corruption et de déperdition pour la réalisation d'un idéal avec pour objectif le bonheur terrestre sans opium du peuple.
Les bonzes ne seront pas trop maltraités. A l'opposé des religieux de Thaïlande, ils ne mendient pas. Ils travaillent pour subsister. Mais les fidèles qui remplissaient les pagodes se méfient des yeux qui voient et des bouches qui rapportent. Ils vont se raréfier, sans empêcher l'encens de continuer à fumer.
Les commerçants sont les symboles du capitalisme. Ils recevront des visites le jour et la nuit, à l'improviste. Leurs domiciles et leurs boutiques seront fouillés. Les photographes auront du mal à persuader des soldats habitués au dénuement qu'on n'ouvre pas les rames de papier photo.
Certains avaient pris leur précaution et s'étaient expatriés depuis des mois. Des pères avaient dépensé une fortune pour que chacun de leur fils parte de peur qu'il soit incorporé dans l'armée du Sud.
Parmi les familles qui restaient, quelques unes partiront en avion, en n'emportant que les bagages de cabines. D'autres partiront en catimini dans des rafiots entre Charybde, les pirates, et Scylla, les tempêtes. Des survivants seront parqués dans une île et apprendront en pleurant qu'ils ne peuvent allés aux États-Unis, pays pour eux de liberté, mais qu'ils en sont réduits à un petit pays, comme la France. Pour la première fois j'entendrai l'expression "boat people".
De beaux parleurs, directeurs de « newsmagazines » français, répèteront à l'envie que le communisme continue de s'étendre et, que depuis 1917, on n'a jamais vu un pays quitter ce régime. Ni l'Europe de l'est, ni la Corée du nord, ni Cuba. Des 3 pays coupés en 2 à la suite de la guerre mondiale, il reste en 1975 l'Allemagne et la Corée.
Les États-Unis ont perdu la face. Les hippies pacifiques ont gagné. Les anciens combattants sont chamboulés. La théorie des dominos qui imposait cette guerre impopulaire s'est avéré : un pays est tombé, les autres ont suivi. En même temps que le Viêt Nam, le Cambodge et le Laos deviennent eux aussi des pays communistes.
Au total, les États-Unis ont largué 7,08 millions de tonnes de bombes durant ce conflit, deux fois plus (3,4 millions de tonnes) que l'ensemble des alliés sur tous les fronts de la Seconde Guerre mondiale.
Des millions de Vietnamiens sont morts des conséquences de la guerre, beaucoup littéralement déchiquetés par les bombardements.
Comment compter les victimes de guerre du Viêt Nam ? Des gens meurent par des mines. D'autres subissent les effets de l'agent orange, ce défoliant très utilisé par les Américains. Les problèmes sociaux colossaux causés par la dévastation du pays ont eu un impact négatif sur les survivants.
La pollution du sol n'est pas un vain mot : malformations à la naissance, hypertrophie, rachitisme, cancer des poumons et de la prostate, maladies de la peau, du cerveau et des systèmes nerveux, respiratoire et circulatoire, cécité, diverses anomalies à la naissance, surtout dans les campagnes.
Les pertes les plus basses étaient estimées autour de 1,5 million de Vietnamiens tués. Le Viêt Nam a annoncé le 3 avril 1995 qu'un total d'un million de combattants et deux millions de civils (y compris le Sud) avaient été tués durant la guerre.
Les pertes du Sud Viêt Nam sont estimées à 255.000 militaires et 430.000 civils tués, dont 80.000 en 1974, soit plus que toute autre année de guerre, alors que les forces américaines avaient été évacuées.
Le bilan pour les forces armées américaines est estimé à 58.177 soldats tués et 153.303 blessés pour un total de 8.744.000 militaires ayant participé à un moment ou à un autre à ce conflit.
Sur les 46.852 soldats australiens qui ont participé à la guerre du Viêt Nam, 492 ont été tués et 2.398 ont été blessés.
Officiellement, 16 militaires soviétiques sont morts durant ce conflit au Viêt Nam et 5 au Laos.
Le nombre de morts de 1965 à la fin du conflit se situerait au-dessus de trois millions.
Dans les années 1980, des estimations américaines situent le nombre de victimes causées par la répression et à l'exode après 1975 au-dessus du demi-million, dont 65.000 à 100.000 exécutions par le régime communiste, 150.000 à 175.000 prisonniers disparus, le reste étant des boat-people.
Que la guerre est belle pour ceux qui la décident mais ne la font pas !
1975, une page de l'histoire venait de s'écrire.
1989, le rideau de fer se levait et le mur de Berlin s'effondrait. Une autre page s'écrivait.
30 avril 1975. C'était il y a 40 ans.
Qui s'en souvient ?
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