La cigarette électronique : la nouvelle lutte d’homo festivus
Il est bon parfois, pour démontrer le ridicule d'une situation par l'absurde, d'attendre un exemple probant, qui remplacera bien des discours auprès de l'auditoire. Dans le cas du journalisme (ou plutôt de ce qu'il en reste), la cigarette électronique est un exemple tellement criant de vérité qu'il se passe presque de tout commentaire. Et le monde politique, toujours sensible à assurer son vernis médiatique, affiche clairement son camp à l'échelle européenne.
Nous apprenions hier que le Pays de Galles souhaite interdire la cigarette électronique dans les lieux publics. Cette volonté de législation que nous avons déjà entendue maintes fois en provenance d'autres gouvernements, me parait être une très belle illustration de ce que Philippe Muray appelait "l'envie de pénal".
Pour ceux qui ne connaissent pas cet auteur, il est urgent de le (re)découvrir ! Muray s'emploie à analyser le monde moderne dans un sens ethnologique, en décortiquant comment homo sapiens est devenue "homo festivus". Il analyse chez ce dernier un besoin permanent de protection, un besoin permanent de lutte, qui s'exprime par ce qu'il appelle l'envie de pénal, qui est un clin d'œil malicieux à ce que Freud appelait l'envie de pénis. Il exprimait ainsi son désarroi, dans Exorcismes spirituels, paru en 1992 :
"De cette légifération galopante, de cette peste justicière qui investit à toute allure l’époque, comment se fait-il que personne ne s’effare ?
Comment se fait-il que nul ne s’inquiète de ce désir de loi qui monte sans cesse ? Ah ! la Loi ! La marche implacable de nos sociétés au pas de Loi !
Nul vivant de cette fin du siècle n’est plus censé l’ignorer. Rien de ce qui est législatif ne doit nous être étranger.
Il y a un vide juridique ! "
Il faut bien comprendre qu'arrivé à un certain stade, l'homme moderne, ou festif comme le qualifie Muray, réclame sans cesse plus de loi, et oublie un peu vite l'exercice de sa liberté, de sa responsabilité. Quel rapport avec la cigarette électronique ? Vous l'aurez compris, les désirs d'interdiction, l'enfumage permanent exercé par la presse contre ce nouvel objet, qui pourtant est justement sain pour la santé, apparait comme la démonstration la plus criante des craintes de Muray. En effet, pour rappeler les faits, rien, absoluement aucune étude à l'heure actuelle n'a pu démontrer ce dont rêvent les lobbys du tabac et les lobbys pharmaceutiques : que la cigarette électronique ait un effet néfaste sur la santé. Rien. Nada. Niet. Alors par tous les moyens possibles, Homo Festivus essaye de lutter, contre un produit qui est pourtant la résultante de la stigmatisation permanente des fumeurs.
Revenons maintenant à notre affaire et à notre lieu, le Pays de Galles. Nous pouvons lire dans cet article les paroles du ministre Mark Drakeford, qui s'exclame : "Nous avons passé trente ans à instaurer l'idée que fumer n'est pas quelque chose qu'on peut considérer comme +glamour+ ou désirable. Nous craignons que l'e-cigarette puisse renverser cette tendance". Cette phrase, bien qu'emblématique de notre problème, est remplie de toute l'atrocité d'Homo Festivus. Nous sommes bien en face d'autre chose qu'un problème de santé publique. Nous sommes ici en face d'une volonté affirmée d'éducation au sens politique.
Ce sale gosse d'adulte moderne, qui refuse de comprendre que la tabac, c'est le mal...mérite bien un petit peu d’éducation civique pour lui faire comprendre qu'il cause bien du malheur. Il a beau faire des efforts, passer au vapotage, quand même, il est important de lui rappeler que c'est un paria. Le fait que fumer soit un plaisir qui ne mette en jeu que la santé de l'individu fautif même semble passer bien au-dessus de la tête ce grand ministre gallois. Il serait bon quand même de lui indiquer que s'il veut vraiment lutter contre la fascination culturelle pour le tabac, il devrait commencer par interdire dans son pays tous les films dans lesquels les héros sont des fumeurs invétérés.
Et comme nous avons tous un grand besoin d'éducation, pour ne pas nous retrouver perdu face à notre propre liberté, peut être que ceci sera la prochaine étape...
Heureusement, dans sa grande bonté, le journaliste, parangon ultime de l'Homo Festivus, n'hésite pas à mentir tranquillement par omission, puisque c'est pour notre bien. Il y à quelques jours, de très nombreux journaux, à commencer par le New York Times, ont publié des titres tels que "1400 intoxications à cause de cigarette électronique en 1 an" ou bien encore "Du poison vendu en fiole, 1400 victimes". Peu de gens étaient dupes, mais on sentait la fierté du journaliste, une fois son sens de la déontologie joyeusement foulé aux pieds, qui assurait notre éducation. Evidemment tous ces titres tapageurs étaient ridicules, et en lieu et place d'intoxication due à l'usage de la e-cigarette, il n'y avait que le décompte de foyer irresponsable qui laissaient des fioles ouvertes accessibles aux enfants, comme d'autres leur permettent de jouer avec la javel.
Mais le mal était fait.
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