La Corrida, réponse à Monsieur le Ministre de la Culture et à Madame la Présidente de l’Alliance Anticorrida
à Monsieur le Ministre de la Culture, Monsieur Frédéric Mitterrand,
Monsieur le Ministre,
suite à votre position officielle sur l’inscription de la corrida au Patrimoine Culturel Immatériel de la France, que j’avais trouvé assez courageuse malgré que ce soit un sujet détonnant et que je sois un peu partagé sur la question. Mais j’ai lu attentivement les différentes réactions de diverses associations qui ont pris position contre cette reconnaissance, très souvent dans la démesure et la violence. Étant pour la liberté d’expression mais dans le respect de la liberté de chacun, je me permets de porter à votre connaissance le texte de la réponse que j’ai postée sur (madepeche.com, diegodeplana.blogs.midilibre.com, AgoraVox.fr ) à Madame Claire Starozinski, Présidente de l’Alliance Anticorrida et qui vaut pour toutes les associations à but identique. En vous remerciant de l’intérêt que vous voudrez bien porter à mon propos, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en mes très cordiales et respectueuses salutations.
Tauromachie : Le 22 avril 2011, le Ministère de la Culture a inscrit « La Corrida » au Patrimoine Culturel Immatériel de la France… qu’avez-vous fait ? Monsieur Frédéric Mitterrand !!! J’ai également écouté votre intervention sur RTL j’espère que vous n’allez pas faire marche arrière parce que c’est impopulaire, l’impopularité est un signe de bonne santé et très souvent le résultat d’une vision avant-gardiste.
à Madame Claire Starozinski.
Chère Madame Starozinski (Présidente de l’Alliance Anticorrida),
j’ai pris connaissance de votre démarche et action en faveur du retrait de l’inscription de la corrida du Patrimoine Immatériel de la France, que vous jugez scandaleuse et je me permets de vous proposer mon avis par une question et une réflexion, l’opportunisme et la lâcheté ne sont-elles pas deux formes de barbarie moderne ? Je me présente, Diego de Plana guitariste flamenco, artiste peintre photographe, et j‘ai 68 ans.Tout d’abord, je respecte votre courage et votre point de vue sur un sujet aussi sensible et ne remets pas en cause vos opinions sur la corrida, mais je voudrais simplement vous exposer ma vision de cette culture, la tauromachie, par un petit éclairage sur les travers de l’être humain et surtout, sur ses motivations profondes. Je ne doute pas de votre sincérité, ni de celle de la militante que vous êtes, mais je veux attirer votre attention sur tous ceux, qui derrière vous, s’engouffrent dans ce sujet, souvent sans beaucoup de discernement et de sang-froid dans leurs propos, car on peut répondre de soi, mais des autres ! Ah la mode… toujours la mode, ma grand-mère disait, il faut être à la mode ou quitter le pays, elle devait être un peu visionnaire. Heureusement que vous n’avez pas vécu sous l’occupation, sinon comment auriez-vous supporté la lâcheté ambiante, les dénonciations des bons français et les exécutions qui allaient avec ! Et pourtant, de part votre histoire personnelle, j’ai lu que vous êtes rentrée en France en 1962, donc en tant que pied-noire vous avez certainement pu "apprécier" de quoi sont capables les êtres dits humains. Aussi, lorsqu’on veut absolument s’émouvoir ou que l’on a des états d’âme sur le monde qui nous entoure, il faut bien réfléchir avant de choisir son sujet, oui Chère Madame, car l’ennui et le désœuvrement de certains face à leur non-implication dans rien d’utile, n’est pas un alibi suffisant et ne justifie pas tout. En effet, si j’amène le sujet qui apparemment vous "préoccupe" par ce biais, ce n’est pas au hasard, mais pour mettre en évidence, aujourd’hui, l’amoncellement de préoccupations diverses et variées de tout un chacun pour le malheur du monde, beaucoup se découvrent d’un coup une grande réserve de compassion. C’est très tendance de se lever un matin et de se dire, face à son ennui quotidien ou à son existence jugée bien routinière et bien terne, tiens, qu’est-ce que je pourrais faire pour "exister" ou pour avoir l’air de m’occuper de quelque chose, plutôt social, c’est plus mode, et comme la "compassion" est devenu une nourriture quotidienne très valorisante pour son bien-être moral et aussi pour son ego, et bien, en voilà un sujet "qu’il est porteur", la corrida (comprenez ma suspicion, bien que je mette à votre crédit votre engagement depuis 1994, date de création de L‘Alliance…) ! En effet, vous ne pouviez pas trouver mieux et de plus tous les créneaux porteurs sont pris et occupent à plein temps, depuis pas mal d’années déjà, l‘individu moyen, qui du haut de son bien-être et du confort qu‘il a durement "acquis" à force de révolutions au bar du coin, se refait une virginité morale en militant pour des causes comme la corrida. Ce personnage n’est absolument pas disposé à laisser la misère du monde aux autres, que cela soit bien clair, il va s’accaparer de tous les sujets, que ce soit pour l’Afrique, l’Inde, la Chine, ou d’autres pays, partout où il pourra trouver matière à s‘impliquer virtuellement, bref, il n’a pas envie d’ignorer la misère ni la souffrance des autres, il en a trop besoin pour s’épancher sur lui-même et s’abreuver avec délectation d’un œcuménisme compassionnel, afin de se trouver "bon" et chrétien à la fois (sans jeu de mots).
Donc chère Madame, vous avez vu juste, qu’elle "honte" pour la France (oui il faut voir grand et y mettre toujours un peu de patriotisme, cela ne nuit pas à la cause, et c’est même porteur), donc, quelle "honte" pour le pays de Voltaire, de Rousseau et de ce bon La Fontaine, qui lui a tant aimé les animaux, au point de nous montrer nos travers par leur intermédiaire (pourvu que l’on attaque pas Jean de La Fontaine à titre posthume, pour l’exploitation d’images d’animaux à leur insu (le droit à l‘image). Si je cite ce bon La Fontaine, c’est parce-que je me demande si dans notre perversité d’intellectuels modernistes, nous n’allons pas jusqu’à défendre les animaux pour mieux justifier et mieux nous rassurer de notre incompréhension et de notre échec envers les humains. Oui, je comprends que ce propos puisse vous dérouter un peu ou même vous choquer, mais en y réfléchissant bien et en faisant un réel examen de conscience, dans notre besoin permanent de s’épancher et de culpabiliser de tout et sur tout, ne sommes-nous pas en train de vouloir échapper à nos pulsions les plus primitives et à un constat sans appel, qui lui nous dérange lorsqu’il apparaît brutalement en nous, c‘est à dire un raz le bol de nos congénères dans la vie de tous les jours, car leur comportement est souvent plus barbare que la corrida. Mais puisqu’on évoque la barbarie en parlant de corrida, voici il me semble, quelques occasions loupées de s‘élever contre la barbarie… Je n’ai pas vu de levée de boucliers contre les américains pour l’assassinat de Sadam Hussein par pendaison ou pour celui de son cousin Ali Hassan al-Majid (même sort), ni pour l’assassinat de Ben Laden (quelle gloire), pourtant il me semble que ce sont des être humains malgré ce qu‘ils étaient, et même très fréquentables à une époque… et la Côte d’Ivoire ? Ou alors je n’ai pas bien compris comment on sélectionne les êtres humains, ceux qu’il faut tuer de ceux qu’il faut garder ! Ah quel dommage que la corrida ne soit pas une tradition américaine, je me demande qui on aurait pendu, du taureau ou du toréador ? Ou bien les deux. Il faut souvent tourner les évènements en dérision pour faire apparaître le ridicule des situations. Comme quoi, il faut faire très attention à nos réactions et à nos pulsions. La plupart du temps la violence de nos jugements et parfois de nos actes, n’est qu’une façon de se rassurer face à notre lâcheté, et comme on ne peut plus rien dire de rien ni de personne, on capitalise une réserve de frustrations, ce qui nous rend de plus en plus violent et agressif.
Avant d‘aller plus loin dans le propos et face à la décision de Monsieur Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture, regardons de plus près les réactions officielles immédiates, très belle et courageuse réponse de Monsieur le conseiller chargé du spectacle vivant, Monsieur Pierre Lungheretti : "il ne s’agit que d’un simple recensement" ! C’est ce qui s’appelle avoir des convictions profondes et le courage de ses idées… lorsqu’il y a du vent, les "girouettes" vont dans son sens. Réponse officielle, il s’agit d’un "recensement ethnique d’une pratique factuelle", là aussi, très bel échappatoire du porte parole du Ministère de la Culture (peut-être qu‘une simple photo de la corrida aurait suffi pour recenser le fait ! Et cela aurait eu le mérite de ne pas créer un tel déferlement de haine entre les Français). Mais, je vous en prie chère Madame Starozinski, ne vous laissez pas décourager et restez vigilante, car ces temps-ci, vous risquez de trouver beaucoup d’instabilité dans les prises de positions des occupants des ministères. Une question me taraude l’esprit, avez-vous déjà fréquenté les taureaux ? Bien sûr vous pensez connaître les humains, mais les taureaux, eux, les connaissez-vous ? savez-vous ce qu’ils pensent de votre opinion et est-ce qu’ils pensent les taureaux ? Avez-vous entendu parler du Minotaure, anciennement Astérion, cet être fabuleux de la mythologie grecque, mi-homme et mi-taureau qui fut tué par Thésée (tuez un mythe et il revient au galop). Dans votre aveuglement un peu égocentrique, est-ce que vous vous êtes demandée, une seule seconde, si quelqu’un a besoin de votre avis pour savoir si oui ou non la corrida doit être inscrite au Patrimoine Culturel Immatériel de la France ?
Voyez-vous, Chère Madame, lorsque l’on veut s’ériger en censeur ou en moraliste du monde, et cela même au nom de "bons sentiments", il faut toujours bien réfléchir avant de s’avancer, car c‘est très souvent un terrain miné. Et quitte à vous décevoir, la corrida n’a pas attendu votre arrivée pour avoir ses détracteurs et ses "aficionados" , comme beaucoup de pratiques ou de traditions qui nous ont été transmises par nos anciens ou qui nous viennent du fond des âges, il y a les pour et il y a les contres, c‘est ça la démocratie. Aujourd’hui, à force de vouloir aseptiser tout ce qui nous dérange au nom d’un œcuménisme planétaire et d’une exacerbation de tout, nous finirons vous et moi (et les autres), dans une société mortelle, chargée d’ennui et décadente, où l’oisiveté engendrera le vice et à la violence et en l‘absence de tous principes moraux et de repères culturels (comme la corrida), cette société violente et repliée sur elle-même, viendra remplacer grâce à votre intervention, les traditions disparues. Oui, j’ai bien parlé de traditions, quelles qu’elles soient, culturelles ou non, même les plus dures, même les plus extravagantes, même et surtout celles qui dérangent, elles ont une fonction sociale bien plus forte que votre croisade, pourtant très tendance. Pour cette tradition, je vous propose donc, au lieu de la juger sans trop savoir et de la condamner sans trop comprendre le sens profond, de chercher à en connaître le sens réel et la raison de son existence, faire acte d’humilité et peut-être d’un peu de tolérance, mieux connaître ses "congénères" pour mieux les apprécier, ce qui permettrait à ceux qui aiment la Tauromachie, d’avoir le droit de s’y intéresser sans se sentir "coupable" et jugé d‘office par un tribunal de bien-pensants, eux (pensez à l‘Inquisition). Comme je l’ai évoqué au début, il n’y a qu’un pas et il est petit, entre la tolérance et l’intolérance, la démocratie et la dictature, entre le juste et l’injuste, accepter que l’autre puisse penser autrement, et donc reconnaître à ceux qui aiment la corrida la liberté et la légitimité de leur choix. Personnellement, je n’aime pas tout dans la corrida et je ne suis pas en désaccord sur certaines de vos propositions et des avancées que vous demandez, et je pense avoir vu assez de corrida pour avoir une opinion objective de cet art traditionnel, puisque j’étais à une époque, photographe-reporter à l’AFPI et que j’ai couvert bon nombre de places taurines dans le Sud-ouest de la France. Mais rien n’est totalement bon ou totalement mauvais dans ce monde et puis tout est perfectible, rien n’est figé, il y a tellement de manières différentes pour éventuellement obtenir ou modifier les choses. Pour résumer ma pensée, je vous livre cette déclaration de Saint-Just qui était pris à parti par un autre révolutionnaire, lors de la convention de 1793, et qui a eu cette réponse extraordinaire : "Monsieur, je suis contre ce que vous dites, mais je suis prêt a donner ma vie, pour que vous puissiez le dire". Je finis mon propos sur cette maxime personnelle, qui peut s’appliquer à tous et à tout : "plonge ton regard au fond des choses, car la vérité est derrière l’apparence". La liberté n’a de sens, que si elle est applicable à tous. Merci de m’avoir lu, bien cordialement à vous.
Diego de Plana
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