La Corse montre la voie à l’Europe
Avec la suppression des deux départements et de la Région remplacés par une collectivité unique dès 2018, la Corse montre la voie de ce que pourrait être une collectivité moderne et adaptée à ses citoyens. Une direction que l'on aurait dû considérer lors de la construction de l'Europe. Il n'est peut-être pas trop tard.
Après le charcutage des Régions où l'on a associé, sans leur demander leurs avis, le destin des Français, la Corse poursuit son chemin vers un format de collectivité adapté à son histoire, son économie et sa sociologie que l'on aurait préféré au découpage régional réalisé à la hache sur un coin de bureau présidentiel. C'est ce qu'est venu confirmer le Premier ministre au cours de sa visite le 4 juillet. Il est vrai que la situation administrative de l'ïle est particulière : 320 000 habitants répartis sur deux départements ainsi qu'une collectivité territoriale à statut particulier, un peu comme la Sardaigne ou les Baléares. À compter du 1er janvier 2018, la "collectivité de Corse" (et non plus "collectivité territoriale de Corse") deviendra une collectivité à statut particulier en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse du Sud et de Haute-Corse. Voilà qui fera maigrir sérieusement le fameux mille-feuilles administratif que la création des 13 nouvelles régions était censé régler.
Un terroir, une histoire
Si la Corse a pu progresser vers une administration plus autonome de son territoire c'est d'abord parce que, justement, l'île est plus qu'un territoire. C'est un terroir, avec ses contrastes et ses particularités locales, c'est un « pays », pas au sens que l'entendent les nationalistes, avec ce que cela implique de puissance agressive de l'Etat, de frontières et de repli sur soi, mais au sens latin, qui a donné le joli mot de paysan ou qui fait dire « Je reviens au pays ». S'il y a bien un bout du territoire national où une telle expérience d'auto-gestion peut réussir c'est bien en Corse dont les habitants partagent une histoire, une langue, une culture, et même une légende. Ce terreau est la condition sine qua non de la réussite d'une politique territoriale, à l'opposé de ces mariages arrangés dont les 13 régions sont le reflet. Nos technocrates ont imaginé qu'en associant la saucisse de Strasbourg et le Champagne de Reims on cuisinerait un plat savoureux. C'est faire abstraction de l'identité régionale, moteur d'énergie et d'adhésion à un projet de territoire incontournable mais visiblement ignoré de nos « élites ». Les territoires ne sont pas des assemblages hétéroclites de structures économiques, d'exploitations agricoles, d'universités, de musées et de CHU que l'on bricole pour essayer d'habiller Paul avec les nippes de Pierre au nom d'une soi-disant égalité. Les territoires ce sont d'abord des humains à qui l'on ne fera pas croire qu'un décision bonne pour Perpignan l'est aussi pour Rodez parce qu'un découpage technocratique et politique les a, un jour de grand vent, réunis sous la bannière stupide de l'Occitanie. Bannière dont voudraient sortir les Nîmois qui se sentent plus près, dans tous les sens du terme, des Arlésiens et des Avignonais que des Toulousains.
Revenir aux fondamentaux
Cet exemple corse, à qui je souhaite toute la réussite dans son émancipation, m'a ramené au problème européen. De même que l'on force à faire cohabiter dans des régions sans réalités profondes des gens qui parlent, malgré tout, la même langue et partagent, plus ou moins, la même Histoire, on a essayé de faire vivre ensemble 28 pays épars et à peu près autant d'idiomes. Qu'est ce que des Maltais et des Slovaques ont en commun ? Qu'est-ce que les Bulgares partagent avec les Portugais ? A part la religion et le foot (et encore !), pas grand chose. Et ce pas grand chose, l'UE a décidé que ce serait une monnaie – pourquoi pas, c'est pratique – donc une banque, et finalement un tas de réglementations pour faire de cet espace un immense centre commercial sans âmes et plein de néons. Mais ce ne sont pas des T-shirts, des bagnoles et des pommes de terre qui font l'union des peuples. Comme pour la Corse, plus proche de la Sardaigne que de Lille, revenons à la réalité des terroirs européens. Nous avons avec l'Allemagne – mais pas l'Autriche ni la Hongrie – une histoire commune mouvementée. Idem avec la Belgique, l'Espagne, le Royaume Uni, l'Italie. Portugais et Polonais nous ont aidé à reconstruire le pays, mais que les Danois, les Slovaques ou les Grecs ne m'en veulent pas, nous partageons avec eux très peu d'ADN.
Je crois que c'est vers cette Europe qu'il faut revenir. Reconstituer des blocs par affinités historiques et culturelles d'abord, par valeurs partagées. L'économie commune viendra ensuite, et plus facilement que si elle nous est imposée. Il faudra aussi se tourner vers ce Maghreb avec qui nous partageons des pans entiers, anciens, et pas forcément les plus glorieux, de notre passé et de notre culture. Le couscous et les moules-frites font partie de nos plats préférés, ça doit bien vouloir dire quelque chose non ?
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