La couleur des Gilets Jaunes
Le mode d‘action et de mobilisation des Gilets Jaunes intrigue et donc inquiète tous ceux qui ne savent marcher et penser que dans les clous. Comment un mouvement qui est le fait de personne(s), qui ne vient de nulle part, qui ne suit pas un penseur patenté, qui ne lit pas l’avenir dans l’horoscope des médias officiels, qui n’a pas des troupes de communicants à son service, qui n’est pas traversé par les clivages habituels... comment a-t-il pu naître, se développer, mettre la France sens dessus dessous, se maintenir… ? (1)
D’où les affirmations officielles pour le diviser, le dénigrer et même le cogner fortement pour le déconsidérer, l’affaiblir aux yeux de la population. Malgré tout, celle-ci reste encore plus sensible à ses revendications qu’aux efforts du gouvernement et de ses supports habituels pour le déconsidérer. Malgré le silence de beaucoup qui se voulaient l’avant garde populaire et sont effrayés de ce qui naît à côté d’eux, en dehors d’eux.
Devant ce mystère, devant cet objet social non identifié, diverses études sont publiées pour savoir s’ils sont de gauche, de droite, d’extrême... Avec des résultats contradictoires.
Les uns vont fouiller dans les pages de facebook, surtout des têtes de gondole, relèvent des propos inconvenants, les autres font des enquêtes auprès de manifestants et trouvent des gens normaux dans des situations difficiles.
La police arrête des centaines de personnes, en blesse grièvement des dizaines : elle n’a pas encore publié la liste des casseurs récidivistes professionnels, ni des extrêmes… mais peut-être ceux-ci courent-ils plus vite ?
Il en est même qui les invitent à des émissions (2). Quand ils peuvent parler plus de 45 secondes, leurs déclarations sont d’une banalité réconfortante : contre la taxe sur les carburants qui a déclenché le mouvement, pour l’amélioration des conditions de vie, des travailleurs, des retraités, contre la suppression de l’ISF… Toutes déclarations qui sont plus lassantes qu’un boxeur, professionnel ou policier, qu’une poubelle brûlée et qui ne méritent pas une Une quotidienne et encore moins un sujet à la télévision.
Il est aussi possible de participer ou d’assister simplement à une de leurs manifestations et de relever la teneur répétée des affiches, panneaux, banderoles, slogans… pour connaître leurs revendications… banales, peu intéressantes…
Mais tout le monde veille au grain : toute la presse, bien pensante de droite ou de « gauche » attend le dérapage, d’un manifestant, pas d’un policier – il y en a déjà plusieurs. Un petit effort, un cri homophobe, antiféministe, raciste surtout, ferait plaisir à tout le monde, montrerait bien qu’ils sont aux ordres de l’extrême droite… Rien ne vient. Le soupçon, rien que le soupçon…
Cela pourrait venir car vous acceptez tout le monde aux Gilets Jaunes ? Des gens de droite et de gauche ? Mais où sont les jeunes des quartiers ? Où étiez-vous quand la police les maltraitait ?
Les revendications des Gilets Jaunes n’émanent pas des partis, ni des syndicats, ni des associations, ni des ouvriers, ni des jeunes, ni des quartiers, comme on dit quand on veut parler des quartiers populaires.
Elles viennent d’une couche de la population qui, souvent, n’est pas organisée, qui souvent s’abstient aux élections, qui manifeste pour la première fois et on voudrait qu’elle assume tout, réponde à tout…
Elle a subi de plein fouet les mesures gouvernementales. La taxe sur les carburants a été le facteur déclenchant. On a voulu faire des Gilets Jaunes une nouvelle jacquerie, un nouveau poujadisme. Ils ne demandent pas un simple diminution des impôts. Cela aurait satisfait le gouvernement et toute la droite qui veut moins d’impôts et moins de services publics, les questions du GrandDébatNational en témoignent. Ils ont explosé avec la taxe sur les carburants, considérée comme une taxe injustice, une nouvelle TVA, ils n’ont pas parlé seulement d’impôt mais de justice fiscale. De justice sociale. De démocratie.
Et s’ils sont méfiants envers toutes les organisations qui pourraient tondre la laine sur leur dos, y compris ceux qui pourraient le faire à partir du mouvement lui-même, peut-être à l’occasion des élections européennes, ils ne rejettent personne.
La jonction avec la grève et la manifestation de ce mardi pourrait être un nouveau développement du mouvement et un nouveau pas dans l’histoire des révoltes populaires.
1 – Récemment le président de la République a parlé de l’influence des Russes. Peut-être a-t-il été informé par un ancien ami, fin connaisseur en relations d’affaires ?
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