La crise grecque, une révélation qui n’aura pas lieu
Lettre à un jeune Européen.
Juillet 2015, après le référendum.
[Le 5 juillet 2015 le peuple grec appelé en référendum refusait le plan financier visant à régler la dette publique que d’autres lui avaient mise sur le dos. Une semaine plus tard les parlements d’Europe et d’Athènes mettaient en place le plan que le peuple venait de refuser].
La crise grecque est terrible elle est en train de sacrifier toute une génération, la plus jeune forcément. Si au bout de la cure d’austérité la reprise mondiale ne vient pas - c’est un risque au moins à moitié certain - alors on se demande ce qu’auront obtenu les Grecs. Ou plutôt l’on sait qu’ils seront devenus un peuple sous tutelle.
Bien sûr on peut imaginer qu’une partie de l’industrie automobile allemande délocalise une partie de sa production en Grèce, quoi de mieux qu’un pays financièrement exsangue où le système social et le marché du travail y seront totalement dérégulés, façon néo libérale, alors que les salaires y sont déjà extrêmement bas. Si l’on y rajoute des ports en mains chinoises, les aéroports en mains [on ne sait pas encore] on imagine désormais tous les joint-ventures possibles, une vision intéressante pour qui sait y faire. A moins que ce ne soit le contraire, que le Pirée devienne le port de débarquement de nouvelles voitures aux noms exotiques qui bientôt défileront en masse. Merkel, Merkel, et le gentil Nicolas et leur copain de classe des Pays-Bas, voient-ils autre chose que le soleil qui poudroie ?
On pourrait ici arrêter la plaisanterie, des jeunes souffrent et se décomposent à petit feu dans les rues d’Athènes et ailleurs. Ce qui se passe devrait alerter les consciences politiques, la crise grecque est un symptôme extrêmement grave, qu’on ne traite pas à la manière de Diafoirus, avec des phrases directement sorties des grandes écoles, seignare, purgare, le ROE [return on equity, rendement sur les actions] n’est pas supérieur aux facultés spirituelles de l’homme, le malade n’est pas imaginaire, il est juste en train d’être tué. Drelin, drelin, drelin, Angela, drelin Moscovici, drelin Schäuble, drelin Dijsselbloem, car il y a ici erreur politique, et elle est monumentale.
Parce que voyez-vous il y a la démocratie, ou plutôt son absence, son absence dans le grand corps malade de l’Europe. Et s’il n’y a pas de démocratie il n’y a pas d’âme non plus, et ça c’est politiquement mortel.
C’est la chienlit au pouvoir, déjà le théâtre de la fin.
Le jeune grec en train d’y passer :
Madame Angela je suis en train de mourir à petit feu.
Mère angela :
Cela il fallait y penser avant.
Le jeune grec :
Mais je n’étais même pas né quand nos politiciens corrompus vous achetaient pour des milliards de sous-marins dont nous n’avons pas besoin.
Mère angela :
Vendu, c’est vendu, ne pas payer c’est voler.
Le jeune grec :
Mais nous le peuple, on n’a jamais rien décidé, nous n’avons jamais voté les budgets militaires qui nous ont tant endettés, tout cela est contraire à la démocratie.
Mère angela :
Adressez-vous à vos parents.
Le jeune grec :
Mais la démocratie c’est important pour vous, avec votre figure si sympathique, vous ne pouvez pas gouverner l’Europe et ne pas penser à ça ?
Mère angela :
Et bien si justement. Si tu avais un peu de jugeote, tu saurais que pour arriver au poste où je suis ça coûte très cher, des sommes faramineuses, et ce n’est pas la démocratie qui les paie. Seul mon sourire est gratuit… pour le reste, moi j’ai défendu les banques et les industries de mon pays, une autre question ?
Le jeune grec :
Mais au final si on regarde de quelle poche l’argent sort et dans laquelle il entre, c’est bien dans les vôtres et dans celles de vos amis qu’il entre...
…
Ne regardez plus jamais un galet au bord de la mer Angela.
Mère angela :
Et pourquoi je te prie ?
Le jeune grec :
Vous auriez la désagréable impression d’y voir votre coeur. Mais rassurez-vous, nous nous rappellerons que vous êtes la plus forte, un certain nombre d’entre nous continueront à dormir dans la rue, comme des chiens. A chacun sa vision de l’existence. Mais nous, nous nous en souviendrons.
Aristote : mais que viens-tu d’écrire là Adimante [adimante c’est moi celui qui vient d’écrire ce dialogue].
Adimante : oh rien je suis désespéré, cette crise grecque me désespère…
Aristote : toi qui écris des essais si sérieux et respectables, qui a lu et étudié tant de lois et tant de chiffres…
Adimante : oh j’en ai parfois assez, j’ai l’impression que c’est aussi utile que de pisser dans un violon... j’ai passé des années à étudier, à tout déchiffrer, j’ai déflaté des séries à n’en plus finir, recomposé des statistiques la même chose, construit tant de syllogismes, synthétisé autant de raisonnements, lu des textes que personne ne lit ; et personne n’écoute… personne ne voit…
J’ai écrit à tous les médias français, j’ai contacté Syriza, d’autres, des ministres et personne ne répond. Ils veulent juste ne pas voir, regarder leur serait insupportable. Bien sûr je peux comprendre, regarder la réalité en face n’est pas facile quand tu découvres que toi aussi tu es responsable, j’imagine un jeune français ou un jeune européen du Nord qui découvre que la dette des Grecs a servi à donner de l’emploi peut-être à son père, à son oncle sur un chantier naval ou dans une banque. Mais la question n’est même pas là. La question c’est un peu comme si le chirurgien te dit qu’une partie de ta chair a la gangrène et qu’il faut l’enlever sinon tout est foutu, c’est la dureté du chirurgien mais c’est aussi le courage. L’éthique c’est parfois pareil à la chirurgie, il faut oser quelque chose que l’on ne ferait pas volontiers, se regarder dans la glace mais pour aller ensuite plus loin. Les Européens ne le font pas et ne le feront probablement jamais, leur civilisation est foutue…
Une seule chose pourrait les sauver, c’est qu’ils aient une révélation. Qu’ils se rendent compte que quelque chose doit se passer, que quelque chose n’est pas juste, que la crise grecque doit être l’occasion d’un changement, sinon ils seront perdus.
Aristote : et quel est ce changement ?
La démocratie directe Aristote. La seule vraie démocratie, celle où le peuple n’est pas un pantin dont on tire les ficelles, celle où lui seul peut être maître de son destin, décider de ses dépenses et de ses impôts, et ne pas laisser d’autres décider à sa place, et lui mettre des dettes sur le dos, mais je crois que c’est peine perdue…
Tu sais ce que j’écris Aristote, tu as lu ces lignes où je te montre les vertus supérieures de la démocratie directe. Combien de vies de jeunes français auraient été sauvées au cours de l’Histoire, combien auraient évité l’horreur et la mort, la déportation dans les bagnes, si au cours de leurs révolutions ils avaient connu la démocratie directe [1], mais combien de sang a coulé je te l’ai montré de même pour les jeunes allemands. Combien de vies sacrifiées, anéanties, combien de souffrances ? Ont-ils les uns et les autres oublié tous leurs morts ? Et aujourd’hui en Grèce et sur ce continent qui fut l’un des plus riches et des plus glorieux des grand-mères pleurent en silence parce qu’elles ne peuvent pas payer leurs médicaments, leurs médicaments Aristote, quelle honte, mais quelle honte. Toute la génération d’un peuple sacrifiée et sais-tu pourquoi ?
Parce qu’il n’y a pas de démocratie là où ils vivent, parce qu’il n’y a pas de démocratie en Europe. Vois-tu Aristote des dépenses militaires astronomiques ont généré la dette des grecs mais le peuple grec ne l’a jamais décidé lui-même, des politiciens grecs corrompus se sont arrangés avec des industriels et des financiers du Nord, sous le regard bienveillant de leurs parlements. Et aujourd’hui ce peuple est à genoux et devra payer durant des générations, quelle honte, quelle honte.
S’ils avaient connu la vraie démocratie, alors des voix dans le peuple auraient pu s'élever et demander des comptes à ces politicien-ne-s, ce qu'ils étaient en train de faire, ils auraient pu soulever directement cette question devant le peuple, ces dépenses, les amener sur la place publique pour que les politiciens en rendent compte et s’expliquent, c’est cela la démocratie directe, un droit de contrôle direct sur l’activité des gouvernements et des parlements.
C’est un instrument essentiel de paix et de tempérance entre les uns et les autres, c’est un instrument d’équilibre Aristote, jamais nous ne serons tous d’accord les uns avec les autres mais cette démocratie-là empêche les excès, les excès des uns et des autres, elle empêche les abus, elle permet de les contrôler, c’est un instrument de survie.
Ce qui se passe en Grèce est la leçon qu’ils devaient en tirer. Mais l’Europe encore une fois est en train de marcher dessus, ils préfèrent la destruction. Si les Européens ne réalisent pas que quelque chose doit ici et maintenant changer dans leur manière de faire, qu’une nouvelle mentalité doit maintenant remplacer l’ancienne alors ce continent partira à la dérive Aristote, il partira et toi même tu sais pourquoi.
N’est-ce pas toi qui un jour comparait l’âme humaine à un attelage de deux chevaux et nous expliquait que pour le faire avancer le secret se trouve dans son équilibre, que l’attelage n’avance que si tu es capable de faire avancer tes deux chevaux ensemble, que la progression n’est possible que si tu allies le cheval de gauche et le cheval de droite pour les faire aller ensemble dans la même direction.
Et ça c’est la magie de la démocratie directe qui en est seule capable, mais en Europe ils marchent dessus, pendant qu’en Asie d’autres de manière différentes à la tête de l’Etat, avec d’autres manières de penser disent : nous sommes la tête et vous êtes les jambes, sans vous nous ne pouvons rien. Pendant que dans certains endroits d’Asie lorsque l’on est en haut et que l’on se trompe on s’excuse, en Europe la vanité se dissimule sous les regards hypocrites qui méprisent le peuple. Le règne est aristocratique il laissera bientôt place à la haine. Les Européens sont en train de disparaître Aristote bientôt ne leur restera plus qu’une compréhension froide des chiffres et cette sale et fausse démocratie à laquelle personne ne croit. En Europe ils n’imaginent plus rien, ils pensent qu’ils sont la tête mais ils détruisent leurs jambes, seuls les hommes stupides sont capables de ça.
Crois-tu vraiment qu’un tel comportement est à même d’obtenir les meilleurs résultats ? Que cette attitude permet d’aller loin. C’est ne pas percevoir toute l’étendue de la réalité. Bonheur politique disais-tu, lorsque leur âme aura disparu leur corps aussi disparaîtra, sans âme le corps est une illusion qui ne subsiste que contrainte et forcée, ou par la force du hasard, c’est au mieux une fonction végétative. Le peuple d’Europe se transforme en être végétatif, ou malade, puisqu’il est en train de détruire tout respect qu’il a pour lui-même.
La crise grecque devait donner lieu à un changement, à autre chose, à un renouveau et une révélation qui n’aura sans doute pas lieu. J’écris pour parler de l’âme de la démocratie, de son but, mais combien vraiment s’y intéressent ? Les Européens savent tout sur tout, ils savent tout sur la politique. Ils lisent les journaux et écoutent la radio, lire des essais de plus de vingt lignes à quoi bon, ils savent déjà tout. Ils écoutent de petits empereurs qui balaient tout d’un revers de la main, pendant que les bateleurs et ceux qui obéissent aux menteurs s’enrichissent.
Savent-ils que les exportations militaires de l’Allemagne vers la Grèce ont augmenté de 230 % lorsque cette dernière est entrée dans l’UE, que ce petit pays pauvre de l’Europe est devenu en importance son deuxième client militaire, que l’Allemagne premier pays industriel d’Europe a écoulé en Turquie et en Grèce près du quart de toute sa production militaire depuis 1950, qu’à la chute du Mur de Berlin lorsque les autres clients de l’Allemagne ont réduit leurs dépenses militaires que ce sont les Grecs et les petits pays du Sud qui ont pris le relais... [2]. Oh comme ils étaient contents alors à Berlin, Francfort, Paris, Amsterdam. Sais-tu Aristote qu’en 2007 la France livrait à la Grèce la troisième plus grosse commande militaire de toute l’histoire moderne de l’industrie française [3], sais-tu que la Grèce est le premier client militaire des Pays-Bas, que les dépenses militaires du Portugal après son entrée dans l’UE sont devenues 30 % plus élevées que celles qu’il avait du temps de sa dictature et de ses colonies, le savais-tu ? Savais-tu que durant les vingt-cinq dernières années les pays les plus pauvres de l’UE ont restreint leurs dépenses d’éducation pour augmenter leurs dépenses militaires ? Comme c’est intelligent. Nous vivons dans un monde formidable.
Et le rêve Aristote, le rêve.
Lorsque la tête détruit les jambes, lorsque celui qui gouverne détruit la jeune pousse qui s’éveille et la met au pas, sous le joug [cela semble chez certains dans les gènes], alors ils détruisent des rêves, des millions de jeunes européens sans emplois que maintenant ils humilient dans leurs droits politiques, les consomment comme de la chair à euro, des citoyens sur papier dont on peut faire tout ce qu’on veut, les faire payer pour des générations si cela nous chante. Ça n’est pas vraiment le rêve ni le bonheur politique.
Ils nous montrent un monde sans principes qui dévore ses propres enfants, ou plutôt les premiers enfants de leur voisin qui passent à portée. Ils sont odieux et ne s’en rendent même pas compte. Le visage mou de leur reine contraste avec les mâchoires en tenailles de la multitude de petits junkers [en allemand, petits hobereaux] qui l’a mise au pouvoir. L’Europe en est quadrillée, mais ce tableau est éculé au moins depuis les Carolingiens. Une simple sensibilité humaine, ni malade, ni corrompue, suffirait pour s’en apercevoir. Le message cependant est clair, leur Hymne à la joie nous écœure et ne cache plus rien, désormais le monde sait que ces Européens n’ont plus aucun scrupule, que plus rien ne les gêne et ne les retient.
Du point de vue politique c’est une catastrophe, hier ils divisaient et mettaient en concurrence les uns et les autres, c’est leur principe, désormais lorsque tu seras endetté on saisira aussi tes droits politiques. Ou plutôt, on te les laissera mais on fera comme s’ils n’existent pas. C’est beaucoup plus facile. On votera, ils se congratuleront à Bruxelles en souriant et en précisant aux gentils journalistes qu’ils respectent la démocratie, puis aux yeux de tous et sans aucune pudeur ils s’assiéront sur ton vote sans que personne ne réagisse plus que ça. Certaines prophéties littéraires et cinématographiques semblent étrangement se réaliser, et même pire, ici le vote de toute la jeunesse grecque est aux yeux de tous bafoué sans que personne ne les interrompe, sans qu’aucun juge n’élève la voix. Qui aurait vraiment cru cela possible ? Pas toi Aristote n’est-ce pas, à ton époque qui aurait osé une telle profanation, un tel manque de respect envers sa société aurait été jeté directement dans une fosse ou cloué vivant sur une croix. Aujourd’hui c’est la loi du silence, de l’aveuglement, la démocratie est profanée, et tout le monde se regarde d’un air satisfait.
Autant te le dire Aristote, je n’aime pas leur monde, je n’aime pas leur Europe, je n’aime pas leur façon de faire, je n’aime pas leurs figures, je n’aime pas leur absence de morale, je ne les aime pas.
Dis-moi Aristote pourrais-tu accuser ton meilleur client militaire d’être quelqu’un qui ne sait pas tenir ses comptes, le mettre à genoux, et lui mettre ensuite un couteau sur la gorge, alors que tes propres industries l’ont corrompu ? Pourrais-tu l’accuser et l’obliger maintenant à vendre tous ses meilleurs actifs, ceux qui lui rapportent un peu d’argent, ses ports, ses compagnies électriques, alors qu’il t’a soutenu, qu’il a durant des années soutenu ton industrie militaire pour qu’elle ne s’effondre pas ?
Si tu étais juge, pourrais-tu rester sur ton siège et attendre ton salaire à la fin du mois sans rien dire ?
J’ai envie de vomir Aristote. Ils me donnent la nausée. Je ne suis ni de droite ni de gauche, mais ils me donnent la nausée. Et je pense que je ne suis pas le seul. Je comprends que l’on ait besoin de travailler, de gagner de l’argent, de ne pas créer de chaos inutiles, mais autant de bassesse… Ils n’ont plus aucun sens moral.
IIs trompent tout un peuple dont une grande partie n’a probablement jamais su ce qui se passait dans son parlement, ensuite ils lui mettent sur le dos une dette qu’il n’a pas lui-même contractée, une dette si astronomique qu'ils doivent l’imputer à ses enfants et à ses petits-enfants et au-delà, et lorsque ce peuple vote pour dire non ils sourient et se serrent les mains en lui supprimant ses droits politiques. C’est ignoble, il n’y a pas d’autres mots.
Ce qui arrive à la Grèce ne devait plus jamais arriver. Tant de discours tant de promesses. Que ces gens d’Europe ne nous parlent plus de dignité, de principe, d’Etat de droit. Dans leurs bouches ces mots n’ont plus aucune valeur, ce sont des écorchures, des paroles de singes.
Oh Aristote, regarde seulement.
Regarde aujourd’hui... leur sordide victoire à peine engrangée ce qu’ils osent rajouter. Les Grecs viennent d’être humiliés, leur vote écrasé, leurs actifs les plus précieux seront vendus [4], ils ont été trompés, et le président socialiste de ce grand pays qu’est la France, regarde ce qu’il dit :
“La zone euro a su cette semaine réaffirmer sa cohésion avec la Grèce. La qualité de la relation franco-allemande y a été pour beaucoup. L’esprit européen a prévalu”.
François Hollande, le 19 juillet 2015 [5].
Est-il stupide ou croient-ils que nous le sommes tous devenus ? A peine ont-ils descendus le cheval qu’ils se précipitent pour achever le cavalier. Qui seulement pourrait proférer une telle insanité ? Tout un peuple vient d’être trompé, mis à genoux, son référendum violé, dénié, écrasé, et le président socialiste de la France déclare, sans la moindre pudeur, que c’est l’esprit européen, que la qualité de la relation franco-allemande y a été pour beaucoup… [on le croit ici sur parole]
Quelle indécence. Quel manque de respect. Quelle désinvolture. A qui obéit-il ? C’est incroyable. Qui aurait cru voir ça ? Les socialistes français attaquent la démocratie sociale, mettent à sac la Grèce, soutiennent la vente de l’eau publique, oui de l’eau, au privé, condamnent plusieurs générations de Grèce à la tutelle et leur président nous parle la bouche en coeur d’une belle réussite. J’ai envie de vomir. Ils jettent à terre leur ami et leur allié et s’en félicitent comme si c’était une action admirable entre toute. Quelle bande de vendus.
Dans quel monde vivent-ils ? Qui est donc cet homme ? Croient-ils que la démocratie est un jeu ? Sait-il qu’il parle de la vie et de la liberté de millions de femmes, d’hommes et d’enfants sur ce continent ? Tout un peuple jeté à terre avec lâcheté et il se félicite. La terrible indécence. Cela me fait peur. Une telle absence de pudeur m’indique que plus rien n’est impossible, qu’ils croient à nouveau [ou encore] que tout leur est permis.
Oh Aristote, ce monde-là ne changera pas avec des hommes comme ça. C’est une impossibilité. Et quand les hommes ne changent pas alors ce sont les institutions qu’il faut changer. Si ces hommes et ces femmes ne voient pas qu’ils sont sans âme, qu’ils sont odieux et inacceptables, qu’ils n’ont aucune grandeur, que c’est au-dessous de tout sur le plan humain et foule au pied les plus innocents, qu’ils détruisent la société, alors c’est que les institutions doivent changer. Lorsque les hommes ne se rendent plus compte alors il faut y mettre un frein.
Dans la vie lorsque une chose dysfonctionne elle pose bien souvent un problème éthique, tu le sais mieux que moi, c’est-à-dire la question de la fin et des moyens, ce que l’on fait, comment on le fait et pour aller où, dans quel but.
Certains écouteront, nous ne sommes pas les seuls, ils parleront et écriront sur les réseaux sociaux, mais rien ne changera, ici c’est le mal qui avance. Sans doute une partie descendront dans la rue, brûleront des bâtiments publics ou d’autres choses, d’autres encore d’autres fois, ils planteront des tentes au milieu des villes, mais ceux d’en haut, les nouveaux rois, attendront, ils attendront seulement qu’en bas ils s’épuisent, comme ils ont attendus que la Grèce s’épuise, comme ils attendent que la Suisse le fasse.
On ne change pas le monde en plantant une tente au milieu d’une ville, on change le monde en changeant ses institutions politiques, sans démocratie directe en Europe rien ne changera. Si au moins quelques jeunes européens pouvaient l’entendre et commencer à s’y intéresser plus que tout. C’est la condition pour qu’un nouveau monde puisse naître en Europe, il faut mettre en place de nouvelles constitutions et de nouveaux droits politiques pour les hommes et les femmes de ce continent.
Qu’ils se lèvent et réclament enfin leurs droits, les constitutions qui les gouvernent sont à eux et non à ceux qui les gouvernent, et si ces constitutions sont à eux alors ils doivent avoir le droit de les changer. Ils ont droit à la démocratie directe.
Voilà 2500 ans celui qui était reconnu citoyen d’Athènes avait plus de droits politiques que les peuples d’Europe n’en ont aujourd’hui, de Berlin à Paris, en passant par Porto, Rome, Helsinki, Prague, Dublin, Paris, Madrid, Stockholm, Londres, Varsovie et les autres. Si les peuple d’Europe veulent empêcher que d’autres s’enrichissent et leur mettent des dettes sur le dos, il n’y a que la démocratie directe, rien d’autre ne peut l’empêcher. La dette grecque montre que c’est la seule solution pour faire revenir la morale sur ce continent.
Ceux qui dirigent l’Europe disent démocratie, de grâce enlevez leur maintenant ce mot de la bouche, c’est un viol, une injure, ils n’ont pas le droit de le prononcer. Ce que montrent ces gouvernants ce n’est pas la démocratie, ce qu’ils montrent c’est qu’ils ne sont pas à leur place. Le mot liberté est répété jusqu’à l'étourdissement dans tous leurs discours, exigez maintenant que ce mot vous revienne. Vous indigner ne suffira pas. Exigez maintenant la démocratie directe, le contrôle des gouvernements et des parlements. Ou alors oubliez le mot liberté.
Michel Piccand.
P.S. Ceux qui s'intéressent à la relation entre dette grecque et absence de démocratie trouveront ici un petit quiz intéressant : http://lc.cx/ZdpF
© 2015. Ce texte peut librement circuler, être partagé, recopié et republié sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quel support, journal, blog, à condition de ne pas être modifié et de contenir toutes ses sources. En cas de republication merci d’en informer [email protected]
Notes
[1] Le mythe de la démocratie guerrière. Éditions Adimante. Michel Piccand © 2015 disponible sur Amazon.
[2] La dette grecque ou La honte de l’Europe. Éditions Adimante. Michel Piccand © 2014 disponible sur Amazon.
[3] En 2015, le HRADF fond chargé de vendre les actifs de l’Etat grec mettait en vente 12 ports dont celui du Pirée et de Thessalonique, le Pirée étant le plus grand port de containers de tout l’Est de la Méditerranée, dont une partie de l’exploitation déjà cédée pour 35 ans au premier transporteur maritime chinois Cosco. Se trouvaient en vente les 37 aéroports régionaux dont ceux très lucratifs se trouvant sur les îles, la concession d’exploitation de l'aéroport international d’Athènes, la livraison d’eau potable et le traitement des eaux usées dans toute l’Attique et la Macédoine, la participation d’un tiers de l’Etat grec dans Hellenic Petroleum qui couvre ⅔ des capacités de raffinement du pays et distribue les produits pétroliers dans tous les Balkans et en Bulgarie, les sociétés de services et d’entretiens des chemins de fer, la poste grecque, l’importation et la distribution de 90 % du gaz en Grèce, la principale compagnie de production et de distribution de l’électricité, la plus grande autoroute qui traverse la Grèce d’Est en Ouest et relie l’Europe à la Turquie, toutes les loteries, les lotos sportifs et les paris hippiques, nombre de marinas et de ports secondaires, des complexes touristiques et des plages dans les îles, des infrastructures des jeux olympiques, des terrains logistiques au bord des nœuds autoroutiers, des immeubles et des propriétés foncières, des sources thermales. Cette liste décrit ce qui était en vente au mois de juillet 2015, d’autres actifs de l’Etat grec pouvant être transférés ultérieurement dans ce fond. Assez curieusement le plan de dessaisissement de ces actifs imposé par les Européens laissait à la Grèce la possibilité d’utiliser une partie du revenu dégagé par ces ventes pour la réinvestir... Le plan de privatisation visant à rembourser la dette de la Grèce [Déclaration de l’Eurogroupe du 12 juillet 2015 / SN 4070/15 p.4] prévoyant que la vente des actifs grecs devraient servir d’une part à rembourser le prochain prêt que les Européens allaient octroyer aux Grecs via le MES [mécanisme européen de stabilité, dispositif européen de gestion des crises financières de la zone euro], d’autre part, à dégager au moins 50 milliards d’euros dont une moitié servirait à rembourser et recapitaliser les banques, un quart à réduire la dette du pays et un quart pour des investissements.
Il y a ici deux lectures possibles ; celle qui consiste à voir les gentils Européens laisser un peu de fonds aux Grecs pour leurs investissements nécessaires et l’autre vision un peu moins naïve qui cerne précisément les pratiques néo-libérales qui visent à priver l’Etat de ses actifs rentables pour les céder au secteur privé [privatisation] mais qui dans le même temps lui laisse financer les infrastructures nécessaires qui ne génèrent aucun gain. Il y a ici une contradiction économique majeure de la vision néolibérale. Comment peut-on en effet reprocher à l’État son endettement alors qu’on le prive de tous ses actifs rentables et qu’on se repose sur lui pour assumer les tâches nécessaires qui ne rapportent rien ? Les mesures de privatisations présentées ici étaient soutenues et proposées en consensus avec les grands partis socialistes européens et notamment le parti socialiste français et l'administration Hollande. On peut donc être de gauche et n’avoir aucun scrupule à forcer un État à se séparer de ses actifs les plus rentables.
[4] Les critères de Maastricht qui en théorie interdisent à un Etat-membre d’avoir une dette publique supérieure à 60 % de son PIB et que [la moitié des États ne respectent pas, dont les grands pays directeurs de l’UE, Allemagne, France, Royaume-Uni] sont en vigueur depuis 1993. Alors que la Grèce n’y a jamais satisfait, que depuis 2000 son endettement était en moyenne de 110 % de son PIB, elle passe commande à la France de la troisième plus grosse commande militaire jamais reçue par ce pays. En tant qu’Etat-membre le gouvernement français ne pouvait donc ignorer que son industrie livrait d’énormes commandes d’armements à un autre Etat-membre déjà surendetté et qui ne respectait pas les exigences d’endettement qu’ils ont ensemble conclus. Dans un tel cas de figure, le gouvernement français porte donc une large responsabilité politique pour la crise qui s’en est suivit en Grèce. Fermer les yeux sur l’endettement de la Grèce n’est certes juridiquement pas condamnable, mais du point de vue moral et politique la responsabilité est entière, d’autant lorsque l’on est un pays fondateur et directeur de l’UE. Le reproche fait ici à la France peut être reporté sur tous les autres Etats-membres dont l’Allemagne qui peut être jugée sur le même niveau, de même ceux dont les instituts bancaires ont financé ces achats d’armes, le Royaume-Uni, le Benelux, les Pays-Bas. Par leurs actes les uns et les autres ont favorisés l’endettement de la Grèce, en terme pénal on serait à la limite de la complicité. En tant qu’Etats-membres ils sont ici complices du non-respect des critères de Maastricht par la Grèce puisqu’ils l’ont aidée à les violer encore un peu plus. On ne peut pas être membre d’un même traité et ne rien dire, voir favoriser l’autre partie, lorsqu’elle le viole. Du point de vue politique et moral cela ne peut être justifié lorsque l’on prétend vivre dans la même communauté d’intérêt. La responsabilité politique de ces pays pour la dette grecque est donc entière, elle l’est d’autant plus qu’il était évident qu’un pays avec une structure économique comme celle de la Grèce ne pourrait jamais assumer de tels montants de dépenses militaires.
[5] François Hollande, “François Hollande milite pour un gouvernement de la zone euro” L’Express AFP le 19 juillet 2015.
- Statue d’Éspitèmè (la connaissance) sans tête à la bibliothèque Celsus d’Éphèse. Photo José Luiz Bernardes Ribeiro
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