La Dentellière, ou comment comprendre l’abandon des classes populaires par une certaine gauche
La Dentellière, c’est tout d’abord un roman de Pascal Lainé, prix Goncourt 1974.
Ce roman a été adapté au cinéma par Claude Goretta en 1977.
Cette œuvre met en scène l’histoire d’amour apparemment incompatible entre François, étudiant à l’université, et Pomme une jeune coiffeuse , fille d’une femme ayant migré du Nord de la France à Paris.
Le jeune homme passe à côté de cet amour à cause de ce fossé culturel qui les sépare. Prisonnier de son milieu social et de la réussite qui passe obligatoirement par une profession ou l’intéllect prend le pas sur le manuel, il n’a pas su capter les talents cachés de la jeune fille.
Le film est délicat et émouvant, certains diront trop lent, une critique qui n’est pas fondée car pour bien comprendre le personnage et l’évolution de l’histoire d’amour de Pomme, cette lenteur est nécessaire.
C’est par petites touches, par les regards, les attitudes et les silences que le réalisateur met en place le personnage interprétée par Isabelle Huppert, qui nous offre ici l’une de ses plus remarquables compositions dans ce rôle de jeune fille très effacée.
On sait à la fin de ce film que l’on n’oubliera pas le personnage Pomme, fille timide qui a perdu cet amour absolu.
La fin de cet amour verra Pomme se renfermer sur elle, dans un silence sans fin qui la conduira en hôpital psychiatrique.
On peut lire à la fin du film sur l’écran :
"Un peintre en aurait fait autrefois le tableau d’un sujet de genre : elle aurait été lingère, porteuse d’eau…ou dentellière…"
Ce film se situe dans les années 70, et ce n’est pas un hasard.
Il met en scène deux mondes totalement différents qui ont cru pouvoir se rapprocher après 1968, mais comme on peut le voir dans ce film, ils sont toujours très éloignés l’un de l’autre.
Le personnage de Pomme nous montre une France prolétaire. C’est cette France qui était encore très proche des idéaux du Front Populaire de 1936.
François, et ses amis que nous voyons dans le film, sont issus de cette jeune bourgeoisie qui a fait sa révolution en 1968. C’est aujourd’hui cette même bourgeoisie qui parle au nom de la gauche par la voix du Parti Socialiste , un parti qui a laissé tomber la classe ouvrière au profit du sociétal.
On pense également à BHL, celui qui représente à lui seul cette nouvelle gauche totalement absente des préoccupations sociales, à qui un journaliste faisait remarquer un jour "qu’il ne s’intéressait à la misère qu’à partir de Roissy", sous -entendu que le bellâtre à la chemise blanche se moquait éperdument du chômage et de la pauvreté sur le sol français.
On se réunit dans les beaux salons pour théoriser sur la misère de ses concitoyens, on fait une petite manif pour soutenir quelques salariés licenciés, mais on fait bien attention le soir de rentrer dans ses beaux quartiers, et surtout de ne pas trop fricoter avec "la France d’en bas".
Cette évolution vers une gauche bourgeoise est également très visible au cinéma.
Dans les années 30, le cinéma populaire n’hésitait pas à avoir pour héros des chômeurs (La belle équipe), des conducteurs de train (La bête humaine) , des ouvriers d’usines, (Le jour se lève).
Dans le cinéma des années 70, le manuel n’est plus à la mode, il laisse de plus en plus la place aux chefs d’entreprises, aux médecins, aux artistes, aux notaires, et aux hommes politiques bien sur, mais l’ouvrier est de plus en plus rare, ou alors il se contente d’un second rôle.
Même chose pour la chanson, au début des années 60 Jean Ferrat nous parlait encore de" sa môme ", celle qui "travaille en usine à Créteil".
De nos jours les chanteurs de gauche, comme Bénabar, nous parle de leur résidence secondaire.
Tout est dit non ?
Du temps de Jaurès et du Front populaire, le peuple réussissait encore à faire pression sur le grand patronat, mais dès qu’il a laissé la gauche aux mains , ou plutôt aux cerveaux, d’intellos bourgeois qui se moquaient bien de ses préoccupations premières il n’a subi que trahison sur trahison.
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