La déraison du plus ‘’fort’’

« Je viens pour chercher un accord. Si certains ne sont pas raisonnables, je ferai en sorte de les raisonner » Lorsque j’ai lu cette péroraison en forme de déclaration de guerre de notre Tartarin de Tulle peu avant son arrivée à Bruxelles, afin de boucler le budget européen je me suis demandé si cet homme avait toute sa raison même si, comme le dit la chanson, il a toujours raison.
Bien sur, après avoir défait Nicolas le mauvais, il a aussi vaincu la finance, son seul ennemi disait-il, avant qu’il ne s’en découvre d’autres sur le sol africain. Il a également terrassé la teutonne Angela en lui imposant aux forceps un pacte de croissance à la substance incertaine et volatile. Aux dernières nouvelles, on a retrouvé le pacte, mais on est sans nouvelles de la croissance.
Il a triomphé des djihadistes en trois semaines sans même avoir transpiré des aisselles sous ce cagnard sahélien. Il est entré à Tombouctou en héros sur les pas de René Caillé en toute simplicité, les hélicos en plus. Une visite historique dans une ville historique a même titré l’Essor, redondance un tantinet hystérique pour ce quotidien malien, resté trente ans durant la voix de ses maitres successifs.
Il a montré à ces pleutres qui n’avaient pas osé fouler les pistes latéritiques maliennes et notamment à ce Cameron au patronyme évocateur d’un fait d’armes légendaire de la légion étrangère face à l’armée mexicaine en avril 1863, qu’ils n’avaient qu’une seule option : la capitulation en rase campagne.
Enivré, par une tournée triomphale en terre sahélienne, qui lui a fait vivre le plus beau jour de sa vie politique un samedi à Bamako, alors que l’on sait, depuis Amadou et Mariam que la fête c’est plutôt le dimanche, dopé par les hourras, les djembés, les dununs et les tamas qui résonnaient partout, il en a momentanément, espérons le, perdu la raison. La résonance suscite parfois la déraison.
Il faudrait être un animal à sang froid pour ne pas sombrer dans la mégalomanie devant une foule en liesse qui croit reconnaître en lui le géniteur universel en le remerciant d’un « merci papa Hollande » que même DSK au faîte de sa gloire et de sa puissance, et malgré de louables efforts, n’a jamais entendu.
Il faut dire qu’il avait bien besoin de cette allégresse africaine car dans l’hexagone, pour notre Hugh Grant corrézien, c’est plutôt un mauvais remake à l’envers qui se joue sous nos yeux de cinéphiles ébahis : « un mariage pour tous et de multiples enterrements ».
Il doit faire son deuil de la renégociation du pacte budgétaire, de la réforme constitutionnelle, du droit de vote des étrangers, de la croissance à 0.8%, du déficit à 3%, de la taxe à 75%. En écrivant cette fastidieuse rubrique nécrologique, il nous est difficile de réprimer nos larmes.
Heureusement les oraisons funèbres de ces promesses ont été d’une sobriété exemplaire qui tranchait avec l’emphase qui avait accompagné leurs engagements hasardeux.
Mais il ne faut pas oublier qu’au moment où il menait sa glorieuse épopée africaine, il a simultanément mis en déroute les homophobes, une engeance particulièrement rétrograde qui refusait d’emprunter la piste du progrès tracée et balisée par les pisteuses Christine et Najet. Tout semblait réussir à notre stratège, il avait la baraka, c’etait ‘’moi je’’ maître du monde, roi de l’anaphore et de la blagounette papale.
Il est parfois bien aidé par les médias, la libération de Françoise Cassez soudainement sanctifiée, la démission du pape acceptée par Saint Pierre, l’arrivée d’une gravure de mode au PSG, l’assaut de FEMEN poitrinaires aux seins généreux et auto-béatifiés sur Notre Dame et ceux-ci se lancent tels des idiots futiles sur ces sujets dérisoires.
Mais voilà, au fur et à mesure de ses réussites fulgurantes, le fameux pacte de croissance qui avec l’imposition à 75% avait constitué une sorte de talisman lui ayant permis d’accéder au nirvana se racornit comme la célèbre peau de chagrin balzacienne.
Et, pour le dernier raout à Bruxelles, arrivé comme un matador bravache, il est revenu avec un budget rabougri sans la queue d’un fifrelin supplémentaire, ni les oreilles d’interlocuteurs peu attentifs qui n’ont pas voulu entendre raison.
La morale de cette histoire déraisonnable, c’est que l’on en arrive à douter que la déraison du prétendu plus fort soit nécessairement la meilleure.
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