La dette : au service de sa majesté les banques
La majorité des pays vivent largement au dessus de leurs moyens, pour cela ils doivent emprunter, donc s’endetter. Mais étrangement, si certains pays pâtissent de cet endettement (Grèce, Espagne, Portugal, …) d’autres semblent continuer leur petit bonhomme de chemin, à l’instar du Japon.
Nous allons premièrement voir pourquoi et comment s’endetter. Nous étudierons ensuite la question de la souveraineté des pays face aux banques, puis nous mettrons en évidence le cas très particulier du Japon
Brève histoire de la dette
Nombreux sont les Etats qui vivent au dessus de leur moyens. Premier pays qui nous vient à l’esprit : les Etats-Unis d’Amérique. Dans les années 1980, le gouvernement américain s’est retrouvé confronté à une question fondamentale : comment va t’on faire pour financer nos déficits, alors que notre épargnenationale est quasi nulle.
Petit rappel : Le taux d’épargne des ménages américains chute continuellement. Il est passé de 8 % en 1980 à … 0 % en 2006.
Mais à quoi sert l’épargne ?
Il existe plusieurs moyens d’utiliser l’argent :
- en consommant : les sociétés occidentales incitent les ménages à consommer afin de mettre en place un flux d’argent permanent, celui-ci sera donc toujours en circulation.
- en thésaurisant : cela consiste à faire « dormir l’argent ». C’est le cas si vous gardez de l’argent chez vous. C’est en quelque sorte le mot qu’on ne prononce pas en présence d’un banquier, car en gardant cet argent chez vous, il n’est pas utile.
- en épargnant : vous épargnez quand vous placez votre argent à la banque. Cet argent ne dort pas car il permettra à d’autres personnes de l’emprunter. Le prêt de cet argent vous permettra de gagner des intérêts.
Un pays fonctionne comme un ménage. Quand il a besoin d’argent, il emprunte.
Problème : Que se passe-t-il quand un pays comme les USA, qui incite à la consommation à outrance, ne peut pas emprunter à ses propres citoyens ?
Le pays va alors tout simplement demander de l’argent en dehors de ses frontières. C’est ainsi que les Etats-Unis se sont endettés auprès de l’Allemagne, du Japon et plus tard de la Chine, qui est aujourd’hui le plus gros détenteur de la dette américaine (voir la répartition de la dette). On entre alors dans une phase dite de déréglementation financière : c’est la suppression de toute réglementation et l’ouverture des marchés financiers à un plus grand nombre d’acteurs.
Evidemment, bon nombre de pays vont succomber au charme de cette déréglementation qui permet de trouver des capitaux partout dans le monde avec une rapidité déconcertante. Les pays font donc appel à l’épargne internationale, ce qui fait, par exemple, que tout français peut désormais acheter des obligations américaines, comme des américains peuvent acheter des titres français.
Mais les Etats vont très vite s’apercevoir que confier leur dette aux marchés n’a pas que des avantages.
Que se passe-t-il quand vous empruntez à votre banquier ? Vous devrez évidemment le rembourser un jour ou l’autre. Le problème est que si vous empruntez, c’est précisément parce que vous n’avez pas d’argent. Cette situation fait que vous entrez dans une relation de soumission avec votre banquier. C’est exactement ce qui se passe avec les Etats : ces derniers sont totalement soumis aux marchés, donc aux banques et aux fonds d’investisements qui leur ont prêté des milliards.
Mais cela pose un petit problème : Un Etat se doit d’être souverain, c’est à dire que c’est à lui d’instaurer la loi sur son territoire. Dans le cas suivant, l’Etat n’est pas souverain car il obéit lui même à des institutions privées (banques, hedge funds, …) tenues par des gens comme vous et moi, qui font pression sur leurs clients (les pays endettés) pour obtenir leurs remboursements.
Mais prenons plutôt un exemple : Le plan d’aide de 750 milliards d’euros de 2010.
Lorsque la crise qui a secoué la Grèce (et l’ensemble des pays d’Europe) s’est déclenchée en 2010, le problème du sur-endettement s’est alors posé. La Grèce est une pays endetté d’environ 300 milliards € (soit plus de 130 % de son PIB). Cet endettement a été possible en grande partie à cause de la mauvaise utilisation de l’argent emprunté par les politiques (corruption et autres). Mais peu importe le pourquoi : la Grèce était en mauvaise posture et ne pouvait pas rembourser ses créanciers. L’inquiétude a alors régné sur les pays d’Europe, qui ont décidé de « sauver » la Grèce avec une aide historique de 750 milliards d’euros.
Mais la réalité est tout autre. En effet, on peut aujourd’hui dire que la seule chose que ce plan a sauvée, ce sont les banques elles-mêmes.
Je m’explique : La dette grecque est détenue à plus de 70 % par des banques françaises et allemandes. Lorsque la crise est apparue et que la Grèce se disait au bord du gouffre, donc incapable de rembourser ses emprunts, certains politiques ont lancé l’idée d’une restructuration de la dette. Restructurer une dette revient à la rationaliser : exemple, on estime que la Grèce ne pourra rembourser qu’une moitié de la dette donc on supprime l’autre moitié. Imaginez donc la réaction des banquiers quand on a fait planer l’idée d’une restructuration, cela peut leur faire perdre des sommes considérables. Alors, souvent proches du pouvoir politique, ces derniers ont fait pression pour ne pas supprimer la dette. Ils ont alors lancé l’idée très judicieuse (c’est ironique) de créer un plan d’aide. Attention, il ne faut pas croire que l’Union Européenne se la joue « Restaurant du Coeur« , cet argent ne sera pas donné mais bien prêté. Si vous suivez bien le schéma, la logique actuelle serait définissable ainsi : il faut guérir la dette … par la dette.
Derrière ce plan se cache en réalité une bombe à retardement qui explosera inexorablement un jour ou l’autre.
Parlons maintenant du Japon.
Je voulais parler de ce pays car il fonctionne très différemment des pays occidentaux. Le Japon est le pays le plus endetté de l’OCDE et certainemement un des pays les plus endetté au monde : plus de 200 % de son PIB (seul le Zimbabwe fait pire). Paradoxalement, ce pays est absent de la chronique des dettes souveraines. On peut alors se demander pourquoi ce pays, un des plus riches au monde, est à ce point ignoré par les investisseurs internationaux. Tout simplement parce que les banques internationales ne peuvent pas souscrire à la dette japonaise. Cette dernière est en effet détenu à 95 % par les japonais eux-mêmes. Ceci s’explique par le fait que les japonais ont un taux d’épargne raisonnable, ils peuvent donc prêter de l’argent à leur Etat. Ainsi, le Japon possède sa propre dette, et même dans des cas extrêmes, il ne peut se voir imposer aucune politique absurde visant à réduire les dépenses publiques afin de satisfaire le porte monnaie de quelques banquiers.
L’article sur mon blog : Culture-Monde
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