La famille « explosée »
Autrefois :
Il fut un temps, avant la révolution industrielle, où la grande majorité des familles vivait dans des conditions bien différentes des nôtres.
Pas d’électricité, pas d’éclairage public, la bougie puis la lampe à huile. Pour paraphraser Lino Ventura « on se couchait avec le soleil et on se levait avec les poules ». Pas d’eau courante, on buvait l’eau du puits. Pas de machine à laver, on allait au lavoir discuter avec les voisines. Pas de système d’évacuation des eaux usées, le W.C. était dans la cour, au bord de la fosse à purin. Pas de ramassage des poubelles, pas de sacs en plastique « inusables », pas de routes goudronnées. On conservait la nourriture dans des caves et des greniers, le beurre dans des barattes, on vivait avant tout de sa propre production et de celle des voisins, pas de bananes, pas de kiwis, pas de produits « exotiques », essentiellement des produits locaux et de saison. Bien entendu existaient les marchands-voyageurs, mais ils approvisionnaient les ports et grandes villes en aromates. On cuisinait et on se chauffait au bois. Pas de radio, des journaux dans les grandes villes, l’information circulait de bouche à oreille et au gré des diligences. On se mariait avec un voisin ou une voisine, dans un rayon de 25 km. Les familles étaient en général unies autour des anciens, on mourait dans son lit et on était enterré au cimetière du village, dans des tombes disposant de concessions à perpétuité. La majeure partie de la population était illettrée, les actes d’état civil étaient gérés par les curés.
Le progrès, la révolution industrielle :
Que ne nous ont-il pas apporté … l’électricité, l’eau au robinet, le téléphone, la radio, la télé, le fax, internet, le réfrigérateur, la gazinière, le chauffage central, le charbon, le lave-linge, les stations de pompage, le pétrole, la voiture, les stations d’épuration, l’énergie nucléaire, le train, l’autobus, les produits en plastique et en corollaire le délicat recyclage de nos déchets, … et des montagnes de poubelles !
il nous a aussi apporté l’école, le droit de vote, celui de se syndiquer, la sécurité sociale, la retraite bref d’une part des lieux d’expression autre qu’au sein de sa propre famille et d’autre part des avantages bien loin des conditions de vie précaires de la période précédente.
Ses conséquences et ses travers :
Il n’est pas question de cracher sur ces progrès mais ils ont été assortis de divers changements qui sont loin d’être négligeables. L’industrialisation du pays a amené la mobilité des travailleurs, dès lors les familles ont commencé à se disperser, finie la famille vivant comme un bloc, fini l’équilibre familial, désormais « le vieux » est envoyé en maison de retraite, il y décède et est enterré sur le lieu de son décès, ou dans un endroit proche, dans des concessions limitées désormais à 30 années. Le cimetière familial est en cours de devenir un vieux souvenir ! La famille est désormais limitée aux parents et aux enfants (jusqu’à la fin de leurs études), ensuite chacun va vivre sa vie « dans son coin », là où il a trouvé un travail. Chaque nouvelle famille va chercher à posséder sa propre maison, et la ferme familiale va finalement être vendue à un promoteur, pour être rasée et y construire un ensemble pavillonnaire. C’est la fin de l’histoire familiale.
Comme « rien ne se perd » l’Etat a aussi trouvé un moyen de se financer sur ces nouveaux propriétaires, ces « déplacés », ces locataires, en faisant payer « à prix d’or » des services qu’il a créés puis privatisés (eau, poubelles, électricité, péages …) et des charges spécifiques (taxe d’habitation, taxe foncière, taxe de stationnement…) .
Les banques et les sociétés d’assurance, devenues obligatoires, se sont mobilisées pour aider tout citoyen à préparer son avenir, à ne manquer de rien, moyennant des crédits sur 20 à 30 ans.
Je ne vais pas faire la liste des autres dépenses obligatoires ou quasiment indispensables, les frais bancaires, la mutuelle, bref tout mis bout à bout le français est un peu comme un citron, bien pressé et qui va sortir de moins en moins de jus, et c’est là le problème !!!
Comment l’Etat (et ceux qui le dirigent) se sont adaptés à cette nouvelle structure familiale :
Il y a 200 ans le « vieux » décédait dans son lit, aucun coût social ; maintenant il est dans une « EHPAD », et ces institutions du service public sont en cours de privatisation accélérée, la méthode est connue, on diminue les effectifs des EHPAD d’état, les pensionnaires et les familles sont mécontents, puis on envoie vers le privé, plus cher mais « tellement mieux » … et qui trouve t-on pour gérer ces « EHPAD privés » : des gros du bâtiment, qui font de la publicité sur les adresses mail des gens et leur proposent même d’investir avec eux. Ils font d’ailleurs pareil avec les résidences pour étudiants. Pour les « vieux » nous avons même la loi sur les héritages qui a changé, désormais il est possible de faire une donation à un tiers, quoi de plus sympa pour une personne dépendante que de donner une partie de son héritage à la société gestionnaire de la maison de retraite dans laquelle il vit et dont il n’a pas les moyens de payer les frais, pour cause de pension trop faible, voire de suppression de la pension de réversion ; (pour la donation à un tiers : source Gestion de patrimoine, Edition Dunod, page 111).
Il convient aussi de savoir que si le coût du placement en maison de retraite est supérieur à la pension que reçoit le retraité, la différence sera en priorité récupérée à son décès lors de l’exécution de l’héritage (voir ce lien https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/nos-vieux-prendre-90-c-est-normal-129735 )
… et si le « vieux » met trop de temps pour décéder, il est probable qu’une loi tombera pour opérer une saisie « conservatoire » sur ses biens propres (notamment sa maison inoccupée) … les uns diront « c’est pour le bien commun et pour créer des appartements locatifs » et les autres « la propriété c’est le vol »…
Quand aux retraites, soi disant déficitaires, n’oublions pas ceci :
Il y a dix ans, le 14 avril 2008 exactement, le Canard Enchaîné révélait que la vénérable Caisse des Dépôts et Consignations (CdC), avait mal évalué le crack boursier et perdu 3 milliards d'euros en trois mois, au détriment du Fonds de Réserve des Retraites, le FRR, que Jospin avait créé en 2002, en le dotant de 30 milliards d'euros.
Ce FRR devait atteindre 300 milliards d'euros en 2020, pour garantir le financement des retraites. Les différents gouvernements Sarkozy et Hollande, mais surtout le gouvernement Fillon avec les ministres du Travail Xavier Bertrand et du Budget Eric Woerth (cf leurs propres déclarations), ont "pioché" dans le fonds pour combler des déficits divers et variés.
Selon son site internet, au 31/12/2016, derniers chiffres que j’ai pu trouver, le FRR dispose d'un "Portefeuille" de 36 milliards d'euros, total des actifs de "couverture" et ceux de "performance". Donc, en 16 ans d'existence (2002-2018), le Fonds devant garantir nos pensions de retraite n'a augmenté que de 6 milliards d'euros et en 2020, dans deux ans, il devrait disposer de 300 milliards d'euros !
C’est pas gagné !!!
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