• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > La filiale de production d’M6 condamnée pour travail dissimulé

La filiale de production d’M6 condamnée pour travail dissimulé

Alors que la Chaîne M6 vient de recevoir François Hollande en grande pompe dans l’émission CAPITAL, devant des millions de français angoissés par la crise et le chômage, il y a moins de six mois Studio 89 productions, la principale filiale de production de la chaîne M6 a été condamnée pour travail dissimulé dans l'indifférence générale, défaut de paiement des heures supplémentaires et recours illégal aux contrats à durée déterminée d’usages.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 30 janvier 2013 solidement motivé et dont les attendus sont développés sur une quinzaine de pages édifiantes.

Sont sanctionnés le recours à des qualifications contractuelles fallacieuses afin de bénéficier du statut avantageux des contrats a durée déterminé d’usages régis par les accords Michels, ainsi que l’absence de paiement systématique et intentionnelle des heures supplémentaires.

Etonnement, l’arrêt n’a pas fait l’objet du moindre commentaire de la part des médias dominants. 

D’autant plus surprenant quand on sait que le programme objet du litige s’appelle Pékin Express, programme de télé réalité phare d’M6 et pendant du Koh lanta de TF1, et que le justiciable en question n’est autre que Philippe Bartherotte, l’auteur du sulfureux « La tentation d’une île, derrière les caméras de la télé réalité », un ouvrage qui avait défrayé la chronique au moment de sa parution en janvier 2009.

Seul témoignage existant à ce jour d’un ex employé de la télé réalité, l’ouvrage avait mis en lumière les tricheries des producteurs de jeux comme Pékin Express, la mise en danger des équipes de production pendant les tournages, et décrit les protocoles psychologiques de manipulation mentale appliqués sur les candidats de l’île de la Tentation. Mais aussi les violations systématiques de la législation du travail par Studio 89 productions, la principale filiale de production d’M6.http://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/la-tentation-d-une-ile-les-dessous-52107

A la clé, des millions d’euros de bénéfices générés par des programmes low cost (ils coûtent beaucoup moins cher à produire que les téléfilms, séries, ou achats de droits de matches de football), dont la ménagère de moins de 50 ans raffole – et donc les annonceurs, qui profitent à une industrie sans scrupule exploitant aussi bien la crédulité des candidats que celle du téléspectateur, ainsi que d’une main d’œuvre précarisée par des contrats à durée déterminée d’usage auxquels les sociétés de production ont recours en utilisant des statuts fictifs.

 

L’auteur avait osé briser la loi du silence imposée par des clauses de confidentialité et dévoilé en détails les recettes frauduleuses de ces producteurs « qui « nous » rendent dépendants et s’enrichissent en « nous » méprisant ».
En réponse, la petite chaîne qui monte avait brandi la menace d’un procès en diffamation et affirmé qu’une procédure judiciaire « suivait son cours ». Mais de procédure il n’y en eut point, si ce n’est celle que l’auteur de La tentation d’une île, engagea lui devant le Conseil de Prud’hommes de Paris pour réclamer des centaines d’heures supplémentaires impayées à son ex employeur.http://www.lepoint.fr/actualites-medias/2008-04-18/pekin-express-m6-n-a-depose-aucune-plainte/1253/0/239307

Après avoir échoué à faire condamner M6 devant le Conseil de Prud’hommes de Paris réuni en formation de départage, Philippe Bartherotte ne baisse pas les bras et fait appel.

 

Il se sépare alors de Maître Assous, son avocat, spécialiste de la défense des intérêts des candidats, et bien connu des producteurs de télé réalité.

Motif : il reproche à ce dernier d’avoir maintenu des demandes contraires à ses intérêts devant le Conseil des Prud’hommes de Paris. Plus précisément, de n’avoir établi aucun décompte précis de ses heures supplémentaires et de s’être borné à demander 1 200 000 euros en prétextant d’une relation de travail de 24 heures sur 24 pendant la totalité des tournages.

Ainsi son adversaire a t-il beau jeu de souligner « l’absence de décompte précis des heures supplémentaires » décrédibilisant ainsi l’ensemble des demandes de Bartherotte.

Comment Bartherotte pourrait-il travailler 24 heures sur 24 pendant 47 jours, alors qu’il décrit dans son ouvrage des moments ou il est en boite de nuit en train de s’amuser avec des filles ?

L’avocat de Studio 89 productions ne manque pas de s’engouffrer dans la brèche et pulvérise ainsi le bien fondé de l’ensemble des demandes de Bartherotte.

Mais celui-ci ne se démonte pas et écrit un second livre, récit de son contentieux dans lequel il relate la procédure qu’il a engagé contre son ex employeur ainsi que les dessous des procès intentés par Jérémie Assous aux producteurs de télé réalité. « L’avocat du diable » paraît en janvier 2012 et apporte son lot de révélations. Mais la presse spécialisé ne lui donnera pas le moindre écho.

On apprend notamment dans cet ouvrage que Maître Assous n’a jamais engagé la moindre procédure contre Endemol, producteur de Secret Story et principal producteur de télé réalité en France, et qu’il est très proche de Virginie Calmels la présidente d’alors, supérieure directe de Philippe Stolz, ex producteur de Studio 89 productions et… supérieur hiérarchique de Bartherotte sur Pékin Express !

Philippe Bartherotte reprends sa procédure en main et reformule ses demandes devant la Cour d’Appel de Paris épluchant minutieusement les centaines de documents de production communiqués à son conseil. Dans ces documents émanant de Studio 89 productions et estampillés « confidentiels », figurent les horaires faramineux qui ont du être exécutés par les équipes de production d’M6 chargées de suivre les candidats  : bibles de productions, consignes éditoriales, feuilles de route, plannings de tournage.

Des 1 200 000 euros réclamés initialement par Maître Assous, on tombe à 600 000 euros. Les nouvelles demandes sont remises à la Cour d’appel de Paris et Bartherotte plaide lui même devant la chambre sociale.

Résultat : dans un arrêt rendu le 30 janvier 2013 les magistrats de la Cour d’appel de Paris reconnaissent « l’extrême précision » des décomptes produits par Philippe Bartherotte et font droit à ses demandes à hauteur de 502 000 euros !Seul le licenciement pour absence de cause réelle et sérieuse n’est pas retenu par la Cour d’Appel au motif que Philippe Bartherotte reste muet sur les raisons de sa démission.http://www.conseil-de-prudhommes.com/article/condamne-travail-dissimule_76.htm

Sont attestées : des journées entre seize et dix huit heures de travail bien au delà des 7 heures contractuelles ! Rythme infernal qui se poursuit la plupart du temps par une mission de surveillance de nuit, l’intéressé étant contraint de camper devant le domicile des candidats pour en assurer la sécurité et intervenir en cas de nécessité. Bartherotte parvient à faire reconnaître cette seconde mission comme du travail effectif par la Cour d’appel de Paris, en évoquant la Jurisprudence de la Cour de Cassation, laquelle considère que le temps de permanence sur le lieu de travail doit également être considéré comme du travail effectif tant que le salarié ne peut vaquer librement à ses occupations et reste soumis aux injonctions de son employeur.

Ironie du sort, il parvient ainsi à faire reconnaître l’existence d’une prestation de travail 24 heures sur 24 pour ces périodes précisément identifiées, pendant que son ex Conseil, Maître Assous, spécialiste du droit social, échoue quasiment au même moment à faire reconnaître l’existence d’une telle prestation au bénéfice des candidats de Pékin Express devant la Cour d’appel de Versailles.

Ainsi Philippe Bartherotte, fait-il trébucher le « Goliath » du divertissement et est-il entendu par les magistrats de la Cour d’appel de Paris, dont il ressort de l’arrêt qu’ils ont étudié les pièces du dossier avec une extrême minutie.

La principale filiale de production d’M6 elle, a non seulement vue ses pratiques peu loyales mise à jour par son ex employé en 2009, mais devra payer en plus des centaines de milliers d’euros en 2013 pour ses violations répétés et systématiques de la législation du travail, ainsi que les charges sociales y afférentes.

« Une somme dérisoire comparée aux millions d’euros que la filiale de production d’M6 a économisé aussi bien en 2005, 2006 et 2007 en ne payant pas les heures supplémentaires de ses salarié ni les contributions sociales y afférentes » tempère Bartherotte qui explique qu’une mauvais condamnation de temps en temps demeure extrêmement rentable pour une société qui ne paie pas les heures supplémentaires et les contributions sociales de centaine de salariés sur ce type de programme.

D’autant que, une troisième manche a été engagée par M6, la chaîne ayant décidé de se pourvoir en cassation. « Plus les contentieux s’éternisent plus ils y gagnent. Cela a un effet dissuasif sur les salariés qui seraient tentés d’engager des procédures. » remarque encore l’intéressé. 

Deux pointures du droit social échangeront donc leurs arguments devant la Cour de cassation. Emmanuel Piwnica (qui a entre autre défendu Nicolas Sarkozy) mandaté par M6, et Hélène Masse Dessen (qui défend de nombreux syndicats ouvriers) mandaté par Bartherotte. Bartherotte, qui sort tout juste du dispositif du RSA, exclu de son milieu professionnel à la suite de ses révélations, et aujourd’hui reconverti dans un autre secteur d’activité et salarié au SMIC, veillera. Il souligne qu’il a déjà reversé 30 000 euros de charges à l’Etat sur les condamnations perçues, et donc remboursé plus que largement les sommes qui lui ont été allouées au titre du RSA, et se dit fier de payer des impôts "sur de l'argent qui a été frauduleusement soustrait à l’imposition par son ex employeur ». Une procédure d’abord personnelle mais qui s’inscrit dans une démarche citoyenne. En cas de cassation il y aura un renvoi devant la Cour d’Appel de Paris, ou une autre Cour d’appel, et il faudra revenir à la charge, si nécessaire. « Il faut avoir « confiance en la Justice » dit le jeune homme qui s’avoue fier d’avoir réussit à « faire valoir ses droits » contre le « Goliath du divertissement » mais refuse depuis deux ans toutes les interviews qui lui sont proposées à chaque fois qu’un nouveau scandale touche le petit monde de la télé réalité comme dernièrement au sujet de « l’affaire Babin » ou il a décliné une vingtaine de propositions de la part de nombreux médias.

« Je ne voulais pas m’exprimer sur un événement auquel je n’ai pas assisté ( NDLR : la mort de Gérard Babin), d’autant que TF1 et ALP (NDLR : Adventure Line Productions, la société de production qui produit Koh Lanta) ont toujours été beaucoup plus correct que Studio 89 productions concernant le respect de la législation du travail. Lorsque je travaillais pour TF1 nous avions des horaires qui correspondaient à peu près à ce qui était écrit dans nos contrats. Des équipes se relayaient pour suivre les candidats 24 heures sur 24 alors que la société de production d’M6 emploie des équipes qui travaillent pendant 24 heures sans jamais se relayer pour faire son Pékin Express, tout en payant des journées de 7 heures ! Voilà comment ils réalisent des économies très importantes qui leur permettent de produire beaucoup moins cher que la concurrence. » Est-ce un hasard si Nonce Paoli s’est plaint récemment du fait que M6 bradait son espace publicitaire ?

Lorsqu’on lui demande de conclure Bartherotte réfléchit : « je me suis demandé si je devais garder cet arrêt pour moi, et me taire, mes adversaires s’étant pourvus en Cassation. Mais une décision de justice est rendue « au nom du peuple français ». Un arrêt de Cour d’appel à vocation a être public. En plus de rendre la Justice et d’ordonner l’application du droit, les magistrats de la Cour d’Appel de Paris m’ont définitivement confirmé que ça valait le coup de se battre. Ce n’est pas simplement un arrêt dans lequel des condamnations en ma faveur ont été prononcées, cet arrêt a confirmé le sens que j’ai donné à ma vie ces dernières années. Il ne faut jamais dire « tout est pourri ». Il faut se battre. C’est parce que nous disons « tout est pourri » que tout le devient. Si nous nous battons contre les injustices, même chacun de notre côté, le monde deviendra meilleur. Pas besoin d’un chef pour cela, ni impérativement d’être dix millions à scander dans la même arène, les mêmes slogans. Il ne faut pas écouter les cyniques autour de vous qui vous disent « tu n’y arrivera jamais » ou « a quoi bon… tu te bats contre plus fort que toi ». Nous devons croire à la Justice si nous voulons qu’elle soit rendue. »

Jean Opalinski.


Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (13 votes)




Réagissez à l'article

3 réactions à cet article    


  • Mr Dupont 19 juin 2013 13:11

    M6 est coutumière du fait de tromper les candidats à ses jeux

    Dernièrement une personnalité politique de 1 er plan , à qui M6 avait promit plus de 5 millions de téléspectateurs à l’audimat n’en a eut que 2,8 millions

    Cette personnalité politique de 1 er plan aura-t-elle le courage de Mr Bartherotte en assignant M6 en justice ?

    L’avenir nous le dira , mais j’en doute fortement


    • lucmentin 19 juin 2013 14:23

      Cher Dupont,

      Un politique de premier plan, si tu ne le sais pas, n’est autre que le dernier qui agira.

      Veni, vidi, et stop.


      • BA 19 juin 2013 14:27
        Mercredi 19 juin 2013 :

        M6, Hollande et le témoin aux revenus changeants : la suite...

        La réforme du quotient familial, c’était déjà compliqué (même si c’était très bien expliqué ici). A la sauce M6, ça devient franchement difficile à suivre. 

        Lundi, le député PS Christian Eckert avait dénoncé la mauvaise foi de la chaîne M6 lors d’un reportage diffusé pour l’émission spéciale avec François Hollande. On y voyait Chloé, une mère de trois enfants, gagnant 5900 euros par mois avec son mari, affirmer qu’elle perdrait, du fait de la réforme, 1000 euros par an. 

        Impossible, avait dit Eckert, pour qui une famille de trois enfants n’est impactée par la réforme qu’à partir de 6820 euros par mois. M6 avait répondu au député en maintenant ses calculs, lesquels étaient « évidemment vérifiés ».

        Le problème, c’est que le sérieux de la démonstration est fragilisé par... un reportage diffusé sur M6 deux semaines plus tôt. Le 3 juin, le jour de l’annonce de la réforme, le JT de M6 avait déjà fait un reportage sur l’impact de la réforme du quotient familial. Ô surprise, on y retrouvait déjà Chloé. En fait, c’est exactement la même séquence tournée pour le JT qui a été réutilisée pour Capital.

        La seule différence, c’est que le niveau de revenus de Chloé et son mari varie sensiblement entre les deux. Le 3 juin dans le JT, la voix off affirme que le couple gagne environ 6800 euros... Quinze jours plus tard, Thomas Sotto lance le sujet en affirmant qu’elle gagne 5900 euros. Chloé a donc perdu près de 1000 euros en deux semaines... 

        En revanche, l’impact de la réforme sur ses finances reste le même : à savoir 1000 euros par an.

        Interrogée sur cette déroutante fluctuation des revenus, la rédaction de Capital nous a affirmé que le témoin n’avait pas souhaité que ses revenus réels apparaissent lors de la deuxième diffusion.... 

        Mais dans tous les cas, l’exemple est mal choisi : tel que décrite dans les deux reportages, la situation du couple de Chloé la met de toute manière à l’abri de la réforme du quotient familial... qu’il gagne 5900 ou 6800 euros par mois. 

        Comme nous l’avions calculé, pour retrouver un impact de 1000 euros sur la feuille d’imposition du couple, il aurait fallu que Chloé et son mari gagnent 7415 euros mensuels.

        Dans le prochain reportage peut-être ?


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

Jean Opalinski


Voir ses articles






Les thématiques de l'article


Palmarès