On peut s'interroger sur les causes de la crise française actuelle, qui semble bien plus forte que dans les autres pays européens. Pour la comprendre, et en anticiper les conséquences, il faut en rechercher les racines historiques.
La colonisation
Au XIX° siècle, et notamment sous Napoléon III, la France s'est appropriée un vaste empire colonial, qui a été perdu à peu près un siècle plus tard. Il convient de s'interroger sur l'impact durable que cet épisode a pu avoir sur notre société.
Coloniser n'est pas anodin. C'est un vol, accompagné de l'asservissement des populations locales. Pour que le colon puisse concilier cela avec ses convictions éthiques et morales, la colonisation doit s'appuyer sur une puissante idéologie suprémaciste : nous avons le droit de coloniser, car apportons la civilisation à des “races” inférieures. Bien sûr, nous savons aujourd'hui que c'est faux, qu'il n'existe pas de “races” et que les sociétés indigènes n'étaient pas “inférieures” à la nôtre, mais jusqu'à quel point cet épisode colonial a-t-il façonné notre société, et quel rôle joue-t-il dans la crise actuelle ? La réponse à cette question se trouve dans l'héritage de l'empire colonial.
- Tout d'abord, la décolonisation a été très compliquée. Il a fallu des guerres coloniales en “Indochine” et en Algérie pour que la France s'en aille. En Afrique sahélienne, le colonialisme a continué sous d'autre formes et ce n'est que très récemment que l'État colonial a été mis à la porte. Les mauvaises pratiques et l'idéologie coloniale ont donc survécu à la décolonisation.
- Ensuite la France possède encore des petits bouts d'empire un peu partout : elle a gardé l'île de Mayotte, la “Nouvelle Calédonie”, la “Polynésie française” et bien d'autres territoires, dans lesquels le maintien de l'ordre colonial s'avère de plus en plus difficile et coûteux.
- En “métropole”, beaucoup de gens descendent des populations indigènes de l'ancien empire. Du fait de la persistance de l'idéologie coloniale, ces populations ont été stigmatisées et regroupées dans des ghettos urbains et sont à la recherche de leur identité.
L'incomplète émancipation des femmes
Au cours du vingtième siècle, le statut des femmes a changé. Elles ont gagné en autonomie financière grâce au travail salarié. Elles ont conquis le droit de vote. La contraception et l'accès à l'IVG leur ont donné la maîtrise de leur corps. Elles sont devenues socialement et professionnellement très actives.
Cependant, l'équilibre dans la répartition des tâches n'a pas suivi. Les femmes restent dépositaires de la “charge mentale” et contraintes à la double journée de travail. Grossesse et maternité sont mal prises en compte dans les milieux professionnels et se traduisent par des ruptures de carrières, génératrices d'inégalités. Ces manques dissuadent la maternité, devenue très compliquée, voir culpabilisante quand les femmes se retrouvent seules avec leurs enfants et sont accusées de tous les maux. La baisse du désir d'enfant remet en cause le renouvellement des générations et de la population active.
Le désastre environnemental
Il y a quelques années, je m'étais promené en vélo dans une région de montagne où il y a peu d'agriculture, principalement de l'élevage et des alpages. À chaque coup de pédale, je voyais des insectes s'envoler Quelques jours plus tard, de retour dans ma région, je n'en rencontrais pas un seul en faisant du vélo. Les agro-industriels réalisent un véritable écocide et on les laisse faire, au nom de la “défense de la ruralité”. Pourtant, qui peu croire que l'Humanité survivra sur une planète stérile ? Si la sixième grande extinction se poursuit, tout le monde y passera.
Parallèlement, le grand réchauffement provoque chaque année plus de canicules, d'ouragans, d'inondations, d'incendies géants. Là se situe la véritable insécurié, soit dit en passant. Si on continue sur cette voie, des centaines de millions de personnes seront chassées de leur terres, devenues inhabitables. On estime qu'il pourrait y avoir 1,2 milliard de réfugiés climatiques en 2050 (
source). Où iront-ils ? Choisissez la destination la plus vraisemblable :
- En Antarctique ?
- Sur la Lune ?
- Sur la planète Mars ?
- Dans les pays occidentaux ?
Si vous ne voulez pas de migrants, la priorité des priorités doit être d'arrêter le réchauffement climatique.
Les priorités
L'analyse précédente permet de dégager trois priorités évidentes pour les années à venir :
- Achever la décolonisation : à l'extérieur, la France devrait reconnaître les droits des peuples de ses dernières colonies. À l'intérieur, elle devrait mettre le paquet sur l'intégration des français issus de la colonisation et défaire les ghettos urbains.
- Instaurer l'égalité homme-femme. Les salaires devraient être égaux. La maternité ne devrait pas entraver les carrières. Il faudrait totalement partager les tâches. La contraception et l'IVG devraient être gratuites et facilement accessibles.
- Climat et environnement. Pour assurer notre survie, nous devons réduire rapidement et fortement nos émissions de carbone. Nous devons mettre fin à l'écocide en pratiquant une nouvelle agriculture
En bonne logique, les français se préparent donc à mettre au pouvoir une formation politique qui fera... tout le contraire.
Vers la dislocation
Avec l'extrême droite au pouvoir, la décarbonation subira un coup d'arrêt. Il est même probable que les émissions augmenteront et que la France deviendra dépendante des pétromonarchies islamiques et de la dictature russe. Le réchauffement climatique accélérera, et les migrants climatiques afflueront, surtout si le sinistre Trump revient.
Les conceptions rétrogrades de l'extrême droite concernant les femmes aggraveront l'inégalité des sexes. En conséquence, la fécondité tombera en panne. La France rejoindra ainsi l'Italie, où Mme Méloni doit faire venir 452_000 travailleurs étrangers pour pallier le manque de main d'œuvre (
source).
La répression coloniale s'intensifiera au nom du “maintien de l'ordre”. Que cache l'annonce d'une “présomption de légitime défense” pour les policiers ? S'agit-il d'un permis de tuer ? Sinon, qu'est-ce donc ? Que dire du projet d'interdit professionnel pour les binationaux ? Que cela va faciliter l'intégration ?
Avec une telle politique, le risque d'embrasement des banlieues est réel. Mais cela n'a pas d'importance, il suffit d'envoyer la police mater les révoltes, n'est-ce pas ?
Réfléchissons un peu. Que se passera-t-il si les banlieue et l'outre-mer se soulèvent en même temps ? Les policiers ne pourront pas être partout à la fois...
Les territoires d'outre mer seront les premiers à partir. La nouvelle-calédonie deviendra Kanaky, les Comores récupéreront Mayotte, la Polynésie française se prononcera en un seul mot et je ne suis pas sûr que les Antilles aient longtemps envie de rester françaises. Des dizaines de milliers de nouveaux pieds-noirs rentreront en catastrophe, aggravant d'un coup la crise du logement.
La Corse prendra aussi son indépendance ; pourquoi voudriez-vous qu'ils restent dans une telle galère ?
Peu importe, me direz-vous, la vraie France demeurera pleine et entière. Est-ce si sûr ?
Pour comprendre la suite, il convient de revenir sur les ressorts du vote d'extrême-droite. Chauffés par les médiardaires, ses électeurs croient que leurs difficultés proviennent des plus pauvres. Arrêtons toute forme de solidarité, réprimons la “racaille”, repoussons les migrants à la mer, et tout ira mieux. Le pauvre est un profiteur. Le pauvre est assimilé au migrant.
Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? N'avez-vous pas remarqué que certaines régions de France sont plus riches que les autres ? Celles-ci n'auraient-elles pas intérêt à larguer le reste de la France ? Par exemple, on pourrait imaginer un nouveau pays, très prospère, qui suivrait le cours de la Seine. De même, la région Rhône-Alpes pourrait se détacher pour devenir une deuxième Suisse. Et la Bretagne, promise à devenir un îlot de fraîcheur dans une France surchauffée, n'aurait-elle pas intérêt à larguer les amarres ?
Au début du vingtième siècle, l'Autriche-Hongrie était un des plus grands pays d'Europe, que certains de ses habitants devaient croire éternel. Aujourd'hui, ce pays a disparu. Certains morceaux s'en sont bien tirés, d'autres non. Tel est le sort qui attend la France d'extrême-droite.