La gauche et le mur d’argent
On rappellera que ce terme de mur d'argent avait été employé en 1924 par Édouard Herriot (Cartel des Gauches) puis après 1936 par les militants du Front populaire pour caractériser l'opposition ouverte du patronat et des banques à toute réforme économique et sociale en France. Cette opposition avait si bien réussi qu'elle avait indirectement conduit à l'avènement du gouvernement de Vichy. Le même sort menacerait-il un gouvernement de gauche en France si, dans les semaines qui viennent, il était appelé au pouvoir ?
Jean-Paul Baquiast 11/04/2012
Nous ne pouvons évidemment pas aujourd'hui répondre à la question posée en titre de cet article. Il existe certainement un mur d'argent décidé à paralyser une politique de gauche, mais sous quelle forme ? Comment par ailleurs un gouvernement de gauche l'affrontera-t-il ? Les prochains jours ou mois le diront. Cependant, pour tenter d'éclairer ce problème, nous pouvons proposer ici quelques jalons, qui sont en fait autant de questions actuellement sans réponses précises.
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Il n'y aurait mur d'argent que si le futur gouvernement s'attaquait effectivement aux fondements du système financier et capitaliste international, sous les formes qu'il revêt tant en France qu'en Europe. Quelques vagues mesures de réforme d'inspiration sociale n'inquiéteraient pas le mur d'argent. Au contraire. Elles permettrait à celui-ci de démontrer l'inanité d'une volonté de social-démocratie présentée comme puérile. Or il existe beaucoup de chances pour que le futur gouvernement français s'en tienne à quelques gestes symboliques, des « gesticulations » lui permettant de ne pas se fâcher avec une majorité qui sera sans doute centriste.
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Si cependant étaient prises des mesures (que nous n'aborderons pas ici) attaquant plus ou moins directement le pouvoir des oligarchies actuellement dominantes, la riposte de celles-ci serait-elle immédiate ou différée ? Autre façon de poser la question, le mur d'argent trouverait-il ses formes d'expression en France même, en Europe ou au plan mondial ? On pourrait très bien envisager que, d'une façon spontanée ou plus vraisemblablement concertée, dès l'élection d'un président de gauche ou la formation d'un premier gouvernement socialiste, se déclenche une offensive combinée des agences de notation, de certains représentants du patronat ou des banques, relayées au niveau de la Banque centrale européenne ou de la Commission européenne. L'opinion en France s'affolerait, l'épargne se cacherait, la dette augmenterait de façon catastrophique.
Le gouvernement serait alors conduit à se radicaliser en s'isolant. Mais plus vraisemblablement il redeviendrait toute honte bue docile comme un agneau, afin de rassurer le mur d'argent. -
On pourrait à l'inverse envisager, comme ce fut le cas en 1936-1938 en France, que des résistances multiformes mais initialement discrètes soient mises en oeuvre par les oligarchies s'estimant menacées, afin de désarmer en douceur les forces socialistes, sans les pousser d'emblée à prendre des mesures plus énergiques. Cette formule serait moins voyante, mais tout aussi efficace.
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Existe-t-il d'ores et déjà un ou plusieurs plans préparés par les représentants du mur d'argent pour briser un éventuel gouvernement de gauche en France ? Ces choses là ne se disent pas ouvertement. Il y a tout lieu de penser cependant que différents plans ont été étudiés afin d'être mis en oeuvre, en France et en Europe. Quand des intérêts puissants sont menacés, ils oublient d'être bêtes. Il est vraisemblable aussi que nos amis américains ont déjà fait connaitre les différentes aides qu'ils pourraient apporter à la lutte contre une gauche qui, si elle se gauchisait un tant soit peu, serait vite assimilée par eux au castrisme ou au communisme.
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Existe-t-il en contrepartie, sinon des plans, du moins des stratégies qui permettraient à la gauche française, à supposer qu'elle ne veuille pas s'en tenir à des réformes cosmétiques, d'élargir sa base et ses appuis, tant en France qu'en Europe ? Si de telles stratégies avaient été préparées, mieux vaudrait en parler afin de rassurer l'électorat, plutôt que les tenir sous le coude. Pour notre compte, nous sommes incapables de répondre à cette question. Notre article ne sera donc pas très éclairant. Nous espérons cependant qu'il aidera à faire réfléchir.
PS. On notera que, par hasard, l'Eurex va autoriser la spéculation à terme sur les dettes souveraines à partir du 16 avril. Ceci avec la bénédiction de Nicolas Sarkozy et de l'Autorité des marcés financiers. Seul pour le moment JL Mélenchon a réagi. Les marchés à terme sont particulièrement déstabilisants. Il est question de les interdire dans les bourses de matières premières.
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