La Géo-stratégie d’une opposition affligeante ou retour sur les frappes du 14 avril 2018 en Syrie
Il y a 2 mois, le 14 avril 2018, la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis envoyaient une salve de missiles sur des sites de production d’armes chimiques (présumés) en Syrie, après des attaques chimiques (présumées) de l’armée syrienne lors de la bataille de la Ghouta orientale.
Avec le recul, on peut dresser le bilan militaire et diplomatique de ce « fait d’arme » :
Pas grand-chose, sauf, peut-être, une légion d’honneur qui a été renvoyée.
L’occasion de revenir, juste pour rire, sur la comédie surjouée d’une opposition à Macron qui cherche désespérément à dire quelque chose.
Bêtisier.
Ces frappes vont mener à une escalade et à un conflit direct avec la Russie !
Tout au moins au début.
Puisqu’il finissait quand même par nous « apprendre » ce qui sautait aux yeux, à savoir que « la partie adverse » russe, donc syrienne, avait été prévenue de ces frappes très ponctuelles, annoncées depuis une semaine et l’attaque chimique (présumée) de Douma, le 7 avril.
Le même scénario avait déjà été joué lieu l’année dernière, avec les frappes américaines « unilatérales » du 6 avril...2017 sur une base militaire syrienne, toujours après une attaque chimique supposée….dont on a ensuite appris qu’elles avaient été convenues d’avance avec la Russie.
Et à peine un mois après, en mai 2018, Israël lançait une opération de bombardement d’une toute autre envergure contre des cibles – toujours présumées – iraniennes en Syrie. Sans plus de réaction de Moscou.
Ainsi va la vie de la Syrie gouvernementale sous protectorat russe, livrée aux interventions de tous ses voisins. Après tout, la Russie a bien toléré que le nationalisme grand turc se saisisse d’Afrin, pour que le processus d’Astana se poursuive avec les 3 Empereurs.
Pas de quoi donc en faire toute une histoire.
Les soi-disant attaques chimiques sur la Ghouta sont des « fakes » comme la fiole de Colin Powell en 2003 !
Peut-être. Mais dans ce cas, il faudrait filer la comparaison jusqu’au bout. Et là il y a une divergence certaine.
Il est vrai qu’une entrée en guerre a toujours besoin de prétexte et d’une propagande pour conditionner l’opinion publique. Et ainsi, il y a bien eu de fausses accusations lancées contre l’Irak de Saddam Hussein avant la guerre de changement de régime de 2003, des « bébés koweïtiens tués dans des couveuses » en 1990, des charniers controversés au Kosovo, etc.
Dans tous cas cas, ces épisodes ont été martelés comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase, pour justifier le recours à une guerre massive, en fait déjà décidée depuis longtemps.
Pas grand-chose à voir avec le cas présent comme on en a la certitude maintenant avec le recul...et comme on pouvait aisément s’en douter, vu le contexte militaire et international :
La Syrie s’est fracturée depuis 2011, il y a maintenant 7 ans.
L’option militaire directe contre « le régime d’Assad » a déjà été fermement envisagée par François Hollande, tout seul, à l’été 2013. Barack Obama, élu sur un programme non interventionniste, a clos le débat au mois de septembre.
L’émergence de l’État islamique, le soutien russe à Assad à partir de 2015 ont, si ce n’est accru la légitimité du président syrien, du moins rendu très improbable toute « destitution » imposée par les Occidentaux.
Le « régime » tient maintenant fermement la majorité centrale du pays.
Comme Obama, Trump, malgré ses rodomontades, a convenu lui aussi que la guerre d’Irak de 2003 fut une grave erreur, et n’est pas pressé de la reproduire ailleurs.
Fait intéressant mais jamais relevé, Macron a totalement abandonné la position extrémiste de Hollande, qui fut bien le dernier à réclamer à cors et à cris le départ préalable d’Assad.
On voit mal dans ces conditions quiconque s’engager, en 2018, sur la voie d’une guerre de changement de régime en Syrie comme ce fut le cas en Irak en 2003.
Non, la seule comparaison qui pourrait être faite sur ces « frappes », c’est celle du soufflet donné à un inconvenant :
c’est vexant, ça signifie qu’on n’apprécie pas son comportement, on espère qu’après ça il aura compris, mais ça n’a jamais tué personne et il s’en remettra vite.
On peut toujours discuter de la pertinence de cette « méthode », mais ce n’est pas ce qu’ont choisi de faire nos opposants en carton, qui imaginent qu’en dramatisant les choses ils gagneront en épaisseur.
Rappelez-vous ce qui s’est passé avec l’intervention en Libye en 2011 !
Sans doute le parallèle le plus hypocrite utilisé par des politiciens qui veulent se blanchir à bon compte.
Tous ou presque, à l’exception notable de Marine Le Pen, ont approuvé en son temps « la mission de protection humanitaire » lancée par la France sous couvert de l’ONU, qui s’est rapidement transformée en chasse à l’homme lorsque les domiciles personnels de Khadafi ont été visés par les bombardements. Même Mélenchon ou Dupont-Aignan, qui convoque maintenant les fantômes de la Libye pour justifier son opposition à Macron, n’ont guère brillé par leur clairvoyance.
Et pourtant…
L’inimitié personnelle entre Sarkozy et Khadafi était connue de tous, depuis la calamiteuse visite du « Guide » libyen à Paris à l’automne 2007.
Et pourtant...
La volonté précipitée de la France de recourir à la mobilisation militaire, après 15 jours de soulèvement dans l’Est libyen, laissait clairement supposer que cette inimitié prenait dangereusement le pas sur toute autre considération :
le pistolet en main, s'imaginant porté par le vent de l'Histoire (les « révolutions arabes », que la France n'avait guère anticipées en Tunisie), combien de temps Sarkozy allait-il résister à la tentation de donner l'estocade à son ancien « ami » qui venait de mettre un genou à terre ?
Et surtout intervenir contre Khadafi revenait à soutenir de fait des gens dont on ne savait pas grand chose de rassurant, voire pas grand chose tout court, si ce n'est que le soulèvement avait des racines régionales (la Cyrénaïque), islamiste « orthodoxe » (opposé à l'islamisme hétérodoxe, quasi hérétique, de l'auteur du Petit Livre vert) et recyclait pas mal de dignitaires de « l'ancien régime ».
Armé de son simple bon sens, on se rend compte aisément qu'il n'y a presque rien de commun entre le bombardement ponctuel du 14 avril 2018, et la campagne de bombardements massifs organisée par la France et le Royaume-Uni 6 mois durant sur la Libye, qui visait la liquidation physique du dirigeant libyen.
Encore une fois, le débat franco-français a donc tranformé des événements internationaux en une pantalonnade dérisoire, dont on se demande si elle n'est pas avant tout destinée à gommer les aveuglements pas si lointains de nos politiciens.
La comparaison avec d'authentiques faits de résistance, comme la démission de Jean-Pierre Chevènement à la veille de la 1ere Guerre du Golfe, en 19911, dans une indifférence quasi générale teintée d'hostilité , n'en est que plus cruelle.
Et l'on retrouve encore et toujours la problématique ayant sous-tendu la présidentielle de 2017 :
Macron n'est certes qu'un politicien médiocre, dont les recettes ont été mille fois testées, et dont les résultats n'ont jamais été bien probants, mais ses opposants sont, au mieux, aussi mauvais que lui.
Alors...
1 Ministre de la Défense, il avait estimé que le « plan de guerre » américain était totalement disproportionné par rapport à l’enjeu (la libération du Koweït), et revenait en fait à écraser un pays sous un tapis de bombes, tout en le maintenant indéfiniment sous un embargo cruel. La suite lui a, hélas, donné entièrement raison.
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