La gouvernance économique : quels choix stratégiques au PS et à l’UMP ?
Les deux principaux partis (PS et UMP) susceptibles d’être présents au deuxième tour ont clarifié leurs propositions et le choix de leur gouvernance économique. Qu’en-t-il de leur démarche ? Le match entre Milton Friedman et John Maynard Keynes, grands inspirateurs des deux programmes, est ouvert.

Les principaux critères d’encadrement économiques de gouvernance économique ont été arrêtés par les experts du PS : une croissance moyenne de 2,5 % par an à partir de 2008, une dette publique réduite de 65 % à 60% en 2012 et des prélèvements obligatoires stabilisés au niveau de 2006 (44 % du PIB).
On retrouve pour la croissance un objectif similaire à celui de l’UMP, raisonnable au regard de la moyenne fixée pour les pays de la communauté européenne.
A cet exercice, le PS avec Lionel Jospin a laissé aux économistes un meilleur souvenir puisqu’alors, la France se situait dans la fourchette haute (au-dessus de la moyenne) et que le gouvernement UMP sortant se situe aujourd’hui dans la fourchette basse.
Quant au déficit annuel du budget, faisons un petit exercice de rappel :
Entre 1997 et 2000, Dominique Strauss-Kahn et Christian Sauter avaient réduit de moitié ce déficit : de 3,5% à 1,5% du PIB. Laurent Fabius l’a maintenu à 1,5% en 2001
Et puis avec Francis Mer (gouvernement UMP) il est remonté brutalement de 1,5% à 4,2%, un quasi-triplement entre 2001 et 2003. Avec Nicolas Sarkozy ministre des Finances, la dette de la France a explosé, cette même année 2003, pour passer le cap des 1000 milliards d’euros
En 2004, Nicolas Sarkozy ramène le déficit à 3,7% il est aujourd’hui encore à 2,6% avec Thierry Breton. C’est-à-dire bien au-delà des résultats obtenus par les différents ministre de l’Economie et des Finances du Parti socialiste
Première leçon, le parti socialiste n’a pas de leçon de bonne gouvernance économique à recevoir de l’UMP.
Le pacte présidentiel de Ségolène Royal représente 50 milliards bruts de dépenses nouvelles en 2012, dépenses financées notamment par 15 milliards d’économies et de redéploiements. C’est-à-dire une dépense publique enfin maîtrisée et en évolution de 1,8% par an, donc de fait inférieure à la croissance du PIB et callée sur un objectif d’inflation de 1,8%.
Les experts du PS se sont fixés comme objectif de ramener en 2012 (fin de la mandature) la dette publique de 64,6% à 60%. Ce qui est une prise en compte de l’engagement pris à Villepinte par la candidate que l’on peut qualifier de réaliste.
Pour ce qui concerne les prélèvements obligatoires, ces mêmes experts ont retenu un maintien, une stabilisation du niveau actuel à 44 %. Ce qui est nécessaire pour réduire le poids de la dette publique. Cet objectif est la garantie de la capacité à financer les dépenses publiques de ce pacte présidentiel.
Ce qui correspond au parti pris économique du PS de procéder vigoureusement à un effort de relance par l’offre et par une forte action de l’effort budgétaire de l’état, et ceci pour une bonne part par un effet de redéploiement.
A l’opposé des propositions de Nicolas Sarkozy qui dans le journal Le Monde annonçait une baisse de 4 points et la restitution de 68 milliards d’euros au Français, objectif revu considérablement à la baisse par les experts de l’UMP, parce qu’irréaliste et formidablement coûteux en efficacité économique.
Par ailleurs, l’UMP a maintenu le principe de son « bouclier fiscal » qui une fois de plus redistribuera une part non négligeable du budget de l’Etat en direction des plus fortunés. Xavier Bertrand déclarait au Monde : « L’objectif est d’abaisser à 50 % le bouclier fiscal en intégrant la CSG et la CRDS, quitte à discuter ensuite des modalités d’application de la mesure ». Ensuite il a précisé au cours de cet entretien que pour ce qui est des droits de successions, l’objectif est bien à ce que 95 % de ceux qui les déclarent en soient exonérés.
Enfin le programme de l’UMP prévoit l’allègement des prélèvements sur le travail afin d’éviter, selon le même Xavier Bertrand « de nouvelles fuites de talents, nous souhaitons faire revenir en France ceux qui investissent dans les PME et contribuent ainsi au développement de l’emploi."
Ceci une fois dit, l’objectif politique a le mérite d’être assumé par la droite, il est bien de faire revenir Johnny Hallyday en France et ses nombreux amis fortunés, installés en Suisse, en Belgique ou à Monaco.
Cela peut se comprendre, dans une logique où la fortune est de toute évidence une source incontournable de la richesse économique et industrielle.
Le pari est de retrouver tous les leviers économiques d’investissement et de faciliter le retour ou le maintien des investisseurs.
Les 50 milliards de dépenses nouvelles de la candidate socialiste sur la durée du mandat de 5 ans iront principalement à l’université, la recherche, le développement durable et en soutenant l’investissement, soit une part de 42%. C’est-à-dire quasiment la moitié de l’effort qui sera consacré à la préparation de ce programme
C’est ici une importante différence avec le programme de l’UMP qui privilégie lui la flexibilité dans le travail et un retrait massif de l’effort de l’Etat par des allégements de l’impôt (IRPP, ISF et droit de successions).
D’un côté, il est fait confiance dans l’éducation, la recherche et le développement pour relancer durablement et solidement la croissance.
De l’autre côté, le choix est porté sur l’allégement fiscal et la flexibilité pour relancer la machine de la croissance, même si des dégâts collatéraux en matière sociale s’installent. Le pari est pris qu’à moyen et long terme, le retour à la croissance et à la compétitivité permettra alors de rattraper ces dégâts sociaux par un plein emploi retrouvé.
Deuxième leçon : Si ce sont deux visions économiques qui s’affrontent, ce sont aussi deux paris sur l’avenir, avec de part et d’autre une même foi en la croissance comme moteur de la richesse économique et sociale
Le pacte présidentiel de Ségolène royal prévoit ensuite de consacrer 28 % de son enveloppe à soutenir le pouvoir d’achat, l’emploi, les politiques sociales et la solidarité.
On retrouve le parti pris keynésien du parti socialiste de soutenir la demande par plus de pouvoir d’achat et des politiques de soutien au social vigoureuses.
Enfin le solde, si l’on peut dire, ce sont 30% consacrés à financer les services publics, la justice, la prévention, la citoyenneté, et la solidarité en faveur des pays en voie développement.
C’est-à-dire la « marque sociale » du pacte de solidarité et son engagement international.
Les deux leçons convergent, les deux candidats s’inscrivent résolument dans l’économie de marché et manifestent une réelle ferveur en faveur de la croissance, mais pour autant ils n’opèrent pas les mêmes choix et s’engagent dans des stratégies différentes qui ne privilégient pas les mêmes opérateurs.
La candidate socialiste, dans les clous des politiques keynésiennes parle aux travailleurs et aux consommateurs, car elle a foi en la relance économique par la politique de soutien étatique à l’offre.
Le candidat UMP, d’inspiration libérale, est dans les clous des recommandations de Milton Friedman, il s’adresse aux entrepreneurs et aux investisseurs, en leur garantissant moins d’état, donc moins de charge et plus de liberté.
A l’aulne du passé, on s’aperçoit que les socialistes pour autant ne délaissent pas la réduction du déficit et de la dette et que la droite au pouvoir ne renonce pas totalement au rôle interventionniste de l’Etat et aux politiques sociales.
Tout est question de dosage... et cet examen démontre, que, toute idéologie rigide et sectaire mise à part, il y a de la bonne foi dans les deux démarches. Et il y a surtout de la matière à débattre. Les risques sont grands de part et d’autre :
- - La relance économique et la politique sociale de la gauche ne va-t-elle pas « casser » la croissance en réduisant la compétitivité des entreprises et donc creuser le chômage, accroître les disparités et les inégalités ?
- - La flexibilité et la réduction des moyens de l’état de la droite ne va-t -elle pas créer encore plus de chômage et livrer au « marché » la réalité sociale de notre pays, en l’appauvrissant et en creusant les inégalités ?
De part et d’autres les peurs sont les mêmes. Ce sont aux électeurs de faire leur choix, en mesurant essentiellement la crédibilité des uns et des autres au regard de leur passage respectif au gouvernement de la France, mais surtout en appréciant les effets à court et moyen terme des politiques qui leur sont proposées sur leur vie de tous les jours et leur espérance en l’avenir.
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