La loi de régulation bancaire et financière : Un pétard mouillé ou un écran de fumée ?
Par Dominique Guizien (Démocratie & Entreprises)
Cette loi se présente en deux parties :
I. Renforcer la supervision des acteurs et des marchés financiers
II. Soutenir le financement de l’économie pour accompagner la reprise
La première partie fait nettement référence aux défauts de contrôle des pouvoirs publics sur les marchés et se veut donc une réponse aux failles les plus criantes constatées dans le système de régulation financière de l’Etat en même temps qu’une moralisation des mœurs bancaires.
La deuxième partie et plus conjoncturelle et tend à démontrer que le système financier ainsi remis d’aplomb est maintenant en ordre de bataille pour assumer sa mission première soutenir le financement de l’économie et ainsi accompagner la reprise qui pointe à l’horizon (mais tout le monde connaît la caractéristique principale de l’horizon)
L’analyse détaillée des 40 pages se trouve ci-après mais disons déjà que ce texte n’atteint pas les objectifs visés, par manque d’ambition, par manque de courage et par manque de moyens.
Il est vrai que beaucoup de décisions ne pouvaient pas être prises dans le cadre d’une législation nationale. Il eût fallu qu’on portât ce débat au bon niveau international mais peut-être n’en avait-on plus le temps ? J’en doute quand même un peu.
Donc il s’agit d’un texte profondément décevant mais qu’on ne doit pas pour autant négliger car comme tout texte de loi, il contient des dispositions contraignantes qui s’imposeront à nous car chacun sait depuis hier qu’en démocratie, force doit rester à la loi et qu’une loi s’applique à tous mais ne se détourne pas.
Compte tenu de ce que contient cette loi on est donc en droit de se poser la question : est-ce maladresse et impuissance ou rouerie pour masquer l’essentiel ? En d’autre terme est-ce un pétard mouillé ou un écran de fumée ?
La loi de régulation bancaire et financière : Renforcer la supervision des acteurs et des marchés financiers
1. Article 1 :On crée un conseil de régulation financière et du risque systémique qui va chapeauter les trois autorité administrative qui contrôle les marchés financiers, l’Autorité du Contrôle Prudentiel (ACP), l’Autorité des Marché Financier (AMF) et l’Autorité des Norme Comptables (ANC). Comme il n’aura pas de moyens supplémentaires et qu’il est composé principalement des chefs de ces entités, cet article de loi est n’existe que pour rappeler à ces trois instances qu’il faut qu’elles se rencontrent de temps à autre et que, s’il le faut, elles unissent leurs moyens
2. article 2 à 9 : on dote l’AMF de pouvoirs renforcés.
Certes les sanctions financières sont multipliées par 10 mais même 100 millions d’€uros au maximum ça représente peu par rapport aux sommes qui circulent tous les jours sur les seuls marchés financiers français
Certes les séances de la commission des sanctions seront publiques mais comme le texte précise que quiconque peut invoquer « la protection du secret des affaires » pour réclamer le huis-clos, on voit toute la portée de cette avancée démocratique.
La loi invente « la composition administrative » comme il existe la « composition pénale » en matière judiciaire : on se met d’accord sur une sanction hors comparution e t on passe à autre chose. Ni vu, ni connu.
On découvre aussi que l’AMF doit collaborer avec le CRE (le régulateur des marchés de l’énergie). A priori, on se demande bien ce que cela vient faire dans une loi sur les régulations bancaires et financières mais comme il est question de « transaction sur les quotas d’émission de gaz à effet de serre », il y a peut-être anguille sous roche de ce côté. Naïvement j’avais cru que cela avait à voir avec le fait que toutes les grandes banques de la place parisienne plus les plus grandes de la place New-Yorkaise avaient été autorisées à « trader » sur le marché du gaz et qu’elles étaient en train de créer des produits dérivées à partir de là. Voire tout bêtement à spéculer sur fonds propres sur les matières premières.
3. articles 10 et 11 : On contrôle les agences de notation.
On apprend ainsi qu’il ne faut plus dire « agences de notation » mais « agences de notation de crédit ». Le fait de publier un rapport annuel sur « les agences de notation, leurs règles déontologiques, la transparence de leurs méthodes et l’impact de leur activité sur les marchés » vaut contrôle renforcé.
Plus intéressant : les clauses de non-responsabilité sont réputées non-écrites de même que les clauses d’expatriation des contentieux : c’est bien la moindre des choses quand même qu’elles rendent compte de leurs erreurs et dans le pays où ces erreurs ont produit des dégâts. Reste à prouver que l’AMF aura es moyens de faire respecter cela !
4. Article 12 à 23 Une nouvelle autorité de contrôle prudentiel.
C’est pas nouveau, c’est de la rénovation mais il s’agit surtout de mesures très techniques d’où il ressort que la législation a la volonté de rehausser les marges de solvabilité des opérateurs, de sanctionner plus durement et que l’autorité de contrôle prudentiel aura un plus grand pouvoir d’alerte, y compris en mobilisant ses partenaires européens.
Mais il faut vraiment être Romains pour croire que les cris d’un troupeau d’oies peuvent à eux seuls sauver le Capitole !!
5. Article 24 à 28 : l’encadrement des produits dérivés et des ventes à découvert.
Le délit d’initié est étendu aux produits dérivés : excellente nouvelle. Mais c’est là que ça va devenir périlleux puisque justement les produits dérivés ont été créés pour dissimuler des choses sous le tapis. Quand s’arrêtera la notion d’instruments financiers liés et quand commencera la notion de « manipulation des cours » ou « diffusion de fausses informations » ? De deux choses l’une : soit cet article 24 dissuade la création de produits liés « cache-poussières » et cela rend lesdits produits liés totalement sans intérêt pour les institutions financières qui les émettaient, soit ce n’est pas le cas et alors cet article ne sert à rien.
Les ventes à découvert sont interdites : c’est excellent mais… sauf si on dispose « d’assurances raisonnables sur la capacité à livrer les instruments financiers à la date prévue ». Et encore il peut être dérogé à cette règle par simple décret.
6. article 29 à 35 : l’amélioration de la gouvernance des risques dans les entreprises
Là, la loi va très loin puisqu’elle prévoit que le comité « chargé du suivi des enquêtes relatives à l’élaboration et au contrôle des informations comptables et financières » suivra également les procédures de gestion des risques dans les établissements de crédits les compagnies d’assurances et les mutuelles autres celles relevant de l’économie sociale.
Tout dépendra de qui on met dans ces comités d’audit
Le reste n’est que la transposition d’une directive européenne visant à la protection des petits épargnants.
7. Article 36 à 46 : Le renforcement des obligations des professionnels des services financiers à l’égard de leur clientèle.
Il n’est pas sûr que la création d’une activité nouvelle « l’intermédiation en opération de banque et en services de paiement » soit une innovation de nature à rassurer les clients. Ce n’est jamais qu’un intermédiaire de plus dans le schéma et donc une occasion de plus de brouiller les cartes
Demander que les conseillers en investissement financiers se comportent « avec loyauté » et agissent « avec équité » et que leur action se fasse avec « compétence » et « diligence » est quand même la moindre des choses. Le fait que le législateur se soit crû obligé de le préciser en dit long sur les pratiques actuelles.
Pour le reste il s’agit de la transposition de la fameuse directive MIF dont il a déjà été question ici.http://dominiqueguizien.wordpress.com/2010/05/20/la-fraude-systemique-une-criminalite-sans-criminels/
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