La marche sur Tel-Aviv de Benito Lieberman
"Mussolini est arrivé au pouvoir avec seulement 30 députés". La phrase du spécialiste Zeev Sternhell claque comme un coup de fouet : c’est vrai, il ne faut que très peu de choses pour qu’un pays verse fasciste. Juste après être entré en maître incontesté dans l’assemblée, flanqué de ses bien maigres 35 élus exactement (et non 30 !), Benito Mussolini, du haut de son balcon, avait déclaré de façon péremptoire, la seule qu’il connaisse : "Nous ne serons pas un groupe parlementaire, mais un peloton d’action et d’exécution". L’homme a toujours eu de la suite dans les idées : il passera toutes les années 1921 et 1922 à jouer un double jeu évident : à l’assemblée, il revendique dans la journée le strict respect des institutions, tout en préparant le soir un coup de force permanent contre l’état italien... dans un pays laminé où les politiciens ont accepté trop de compromissions, il finira par être invité à former un gouvernement, soutenu par le grand patronat italien et... l’Eglise, qui voient alors en lui un sauveur véritable : à l’assemblée, il obtiendra facilement les pleins pouvoirs, comme le fera plus tard un certain Philippe Pétain, grâce à la peur de l’autre (à l’époque c’est le juif) qui fonctionne si bien alors, et qui peut revenir à tout moment en cas de crise économique (c’est le cas !). Trente cinq élus seulement, et un parlement de 412 députés qui le choisit comme leader... c’est inimaginable et pourtant. Les pelotons d’éxécutions peuvent alors se préparer et les juifs bien se tenir. Il est devenu le maître ultime, le Duce. A défaut de pelotons, Mussolini ne propose de ne même plus discuter les lois : il a les pleins pouvoirs ou non ? Alors pourquoi cette formalité parlementaire ? A peine un an après, il la dissout, cette assemblée devenue à ses yeux inutile : on a les pleins pouvoirs ou non, peut-il vraiment se dire, et c’est à quoi conduit invariablement le trop plein de pouvoirs... accordé à ce genre de personnage : ceux qui l’ont élu se font éjecter manu militari par celui-là même qui était censé les respecter et les protéger.
En Israël, les projections des prochaines élections en promettent déjà une vingtaine, de députés, pour le mouvement d’un député à la chemise déjà fort brune : "Israël Beitenou, créé par des originaires d’ex-URSS et dirigé par le député Avigdor Lieberman, partisan déclaré de la manière forte, est crédité d’une quinzaine de sièges contre 11 dans la présente législature. ". Et en tout cas d’une courte majorité à l’assemblée pour Netanyahu, associé à... ce même Lieberman. "Le Likoud, qui dispose actuellement de 12 sièges sur 120, obtiendrait de 28 à 29 sièges, selon des sondages publiés vendredi dans les quotidiens Maariv et Yediot Aharonot. Grâce à l’appui des partis religieux et la montée en flèche d’Israël Beitenou, le bloc de droite disposerait d’une courte majorité de 62 à 63 députés sur 120". Voilà un scénario à l’italienne qui recommence : avec 12 députés seulement pour l’un, susceptibles de passer à 30, ou 20 pour l’autre, le pouvoir verse à droite, bien à droite, aidé par les indispensables religieux, tour aussi fascisants (quand ce n’est pas obscurantistes). La grande perdante s’appelant Livni, jugée trop centriste, et ce qui reste du mouvement d’Ariel Sharon, désormais aussi comateux que son leader : "Kadima est crédité de 25 sièges contre 29. Les travaillistes (centre-gauche) obtiendraient environ 16 mandats contre 19 actuellement. Les médias ont d’ores et déjà intronisé M. Netanyahu Premier ministre." Un Netanyahou qui fustige déjà le groupe de Livni, qu’il déteste personnellement : "Ils ne participeront pas à mon gouvernement. Après deux semaines et demie dans l’opposition, ils s’effondreront. Les gens comprendront que c’est un parti qui n’a pas lieu d’exister. Seul le pouvoir les unit. Il n’y a aucun ciment à Kadima. Sans le pouvoir, ils n’existent pas". La presse se faisant l’écho de ces jeux déjà faits depuis des mois, le drame de Gaza n’ayant fait qu’accentuer la tendance : "Vers un gouvernement Netanyahu-Lieberman" titrait ainsi le Maariv alors que le Yediot affirmait qu’Israël "serre les rangs à droite". Serrer les rangs, le mot est faible : voilà que déboule Benito Lieberman. Tenez vous bien, l’homme à tout de la graine de dictateur. Et rien ne vaut une bonne guerre pour lui apporter une couronne de lauriers. Or, au vu des derniers sondages sur l’offensive meurtrière de Gaza, c’est bien lui qui les recueille en priorité, les lauriers. L’homme n’est jamais rassasié. Jamais non plus à court d’invectives. Une couronne de César qui pèse ses 1400 morts, ce n’est pas rien, en effet.
Israel est en train de se fasciser, et la possibilité d’avoir un jour un clone d’Hitler au pouvoir n’est plus si éloignée que cela. Car le député Lieberman en est un, il l’a déjà prouvé à plusieurs reprises par ses propos outranciers, et continue chaque jour son travail de sape de l’opinion israëlienne. Un travail qui porte ses fruits dans l’opinion, toute acquise aux derniers massacres, à part quelques irréductibles de la gauche progressiste, celle des Kibboutz de la première heure. Une époque bien révolue : l’heure, dans le pays n’est plus au partage, mais à l’auto-défense, avec tout ce que cela implique comme état d’esprit. Celui d’accueillir en sauveur le premier dictateur venu. En l’occurence notre homme corrompu, venu de loin : Lieberman est né dans l’ex-Urss.
Car, qui est donc ce Mussolini de l’étoile à 6 branches ? A l’origine, un nightclubber Moldave de 59 ans, issu de Chisnau la capitale du pays. Si cela ne vous dit rien, je vous conseille fortement de relire cet article : l’endroit, aujourd’hui encore, est miné par les trafics les plus divers, allant du poulet congelé américain à la mitraillette croate. C’est un juif askhenaze (c’est logique), installé au beau milieu d’une colonie, celle de Nokdim (El-David). On trouve facilement un vrai dépliant publicitaire pour vanter cet endroit, qui utilise les enfants (les gens comme Avigdor sont les premiers à le reprocher aux gens du Hamas), mais qui cache une réalité toute autre : le territoire n’est pas à eux. Une colonie de 828 personnes en 2007, située dans le district de Beit Lehem en plein territoire palestinien, qui se targue d’être bien entendu inscrite dans l’histoire (faut bien trouver une excuse religieuse !), mais une histoire somme toute aujourd’hui assez savoureuse, attention, lisez bien : "So does its history : the prophet Amos, who lived "among the herdmen (nokdim) of Tekoa", Herodion - palace of King Herod and its labyrinth of tunnels later used by Jewish soldiers in their resistance of the Roman army. But what makes day-to-day living in Nokdim so exciting is the fascinating mix of people. There are religious, traditional and secular families here, from dozens of different countries, cultures, and professions including Members of Knesset." Celui de la Knesset, car il n’y en à qu’un seul, c’est bien sûr... Lieberman. Qui habite un coin qui se targue d’avoir résisté aux méchants romains en... "creusant des tunnels". Non, vous avez bien lu : Lieberman, dans le dépliant personnel sur sa propre colonie, insiste sur le fait qu’historiquement, les tunnels c’est ... bien, c’est de la résistance à l’occupant. Côté juif, s’entend. Un tunnel du Hamas, 2000 ans après, ce n’est pas la même chose, bien entendu, et il faut à tout prix les bombarder !! Et Lieberman est le premier à les réclamer, ces bombardements, et plus encore, bien sûr avec toute sa déjà légendaire "mesure" : "nous devons poursuivre notre combat contre le Hamas comme l’avaient fait les Etats-Unis contre les Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale" dit-il au milieu de la dernière offensive, réclamant donc un...holocauste ! Le "plomb durci", on sait où il se trouve, chez lui : dans sa tête.
Mais qui a donc créé Lieberman ? Les juifs de l’ex-Urss, pour sûr. Or, chez eux,que trouve-t-on, sinon quelque chose dont j’avais déjà tenté de vous parler : des néo-nazis, d’ailleurs de moins en moins "néo" et de plus en plus visibles au sein même de la société, s’infiltrant jusqu’au sein de Tsahal, posant en uniforme ou faisant le salut hitlérien : car la plaie actuelle d’israël est bien là : les lois de retour à la terre on créé des monstres véritables sur le territoire hébreu. Ces juifs russes (-blancs) racistes et d’extrême droite venus en masse à la chute de l’Empire soviétique, qui ont envahi la vie politique et l’ont teinté de leur haine et de leurs phobies héritées des temps du tsarisme et même pas de l’ex-URSS. En 2004, par exemple, Lieberman avait proposé de faire... un apartheid effectif en israël même, pour y enfermer les arabes-israéliens, jugés obligatoirement par lui "pas assez loyaux" . C’est du racisme, à l’évidence. Mais ça ne lui suffisait pas encore. Auparavant déjà, il avait évoqué la possibilité de bombarder les centres commerciaux de Ramallah, en représailles d’attentats anti-israéliens : "if it were up to me I would notify the Palestinian Authority that tomorrow at ten in the morning we would bomb all their places of business in Ramallah, for example".Affligeant. Et si ça ne suffisait pas toujours, notre petit nazillon de service avait sa solution finale à lui tout seul de prête : en opposition à une libération de prisonniers palestiniens, il avait affirmé... vouloir carrément aller les noyer dans la Mer Morte ! "It would be better to drown these prisoners in the Dead Sea if possible, since that’s the lowest point in the world". A la place des fours et du gaz Zyklon, des gueuses de fontes aux pieds. Et comme ça ne suffisait pas encore, en 2006 notre Mussolini du Negev proposait de tuer ses collègues jugés pas assez fermes, ces députés qui accepteraient de négocier avec les palestiniens, à défaut de noyer ces derniers. On le voit, notre homme est fou, mais un fou dangereux, qui ne raisonne pas le moins du monde, mais en vient par principe aux pires solutions dès qu’il s’agît d’autres personnes que les juifs de son pays d’adoption. Pour justifier ces derniers dires, il avait osé citer... Nuremberg :"World War II ended with the Nuremberg trials. The heads of the Nazi regime, along with their collaborators, were executed. I hope this will be the fate of the collaborators in [the Knesset]." Abominable, cet homme est abominable. Mais c’est devenu le second du pays : à espérer qu’il n’en devienne jamais le premier...
Une fois le vert du fascisme dans le fruit, il s’étend. Nous avions évoqué le sort d’un de ces néo-nazis, très jeune, qui avait demandé via son avocat d’intégrer Tsahal pour échapper à la condamnation en vertu d’une loi de réinsertion des délinquants qu’Olmert avait regrettée dès qu’il avait appris ce cas particulier. Or il semble bien que dans les troupes de Tsahal, ce ver ait fait son chemin. Hier, on retrouvait des graffitis laissés par des soldats de l’IDF à Gaza : on y distinguait clairement ces mots : "Die you all," Make war not peace," "Death to Arabs," "Arabs must die," et "One down, 999,999 to go." Les phrases déjà entendues par Avraham Burg, qui avait avant tout le monde tiré la sonnette d’alarme. Les graffitis n’ont même pas été démentis par les autorités, qui se sont contentées de dire qu’il n’était pas dans les habitudes des soldats "si bien éduqués" de faire ce genre de choses.... Pire encore, puisqu’il s’avère bien que des soldats ont sciemment tiré sur des personnes sortant d’une maison avec un drapeau blanc, une chose corroborée par de nombreux témoignages concordants, ou passé au bulldozer des maisons contenant encore des personnes blessées. La sinistre gestapo, ou les SS, dans leurs expéditions punitives de Maillé ou d’Oradour avait le même état d’esprit : oui, certains soldats de l’IDF, à Gaza, se sont comportés comme des nazis ! On peut le dire et le confirmer aujourd’hui : se sentant soutenus par une classe politique fascisante, rien ne peut plus les retenir : ce n’est pas l’exemple venu d’en haut d’un Lieberman qui va les en empêcher, bien au contraire. Lieberman dit vouloir libérer son pays des "arabes", il libère surtout les plus bas instincts de ses concitoyens.
Il conviendrait donc d’empêcher cette nocivité évidente d’un tel homme politique. Il faudrait pour cela que la société israelienne réagisse. Elle est en train de le faire, semble-t-il, en attaquant Lieberman, cet ancien habitué de boîtes de nuit, sur le point faible d’une bonne partie de la classe dirigeante israelienne : l’argent. Olmert vient de tomber à cause de ça, Lieberman pourrait suivre le même chemin si les enquêtes menées contre lui aboutissent. C’est pour ça d’ailleurs qu’il est si pressé d’arriver au pourvoir, quoiqu’en israel ce dernier a moins d’emprise sur le judiciaire.. qu’en France ! "Selon Haaretz, Avigdor Lieberman est soupçonné d’avoir, à l’époque où il était ministre, continué à percevoir des fonds par l’intermédiaire d’une société dirigée par sa fille. Ainsi, écrit le journal, de 2004 à 2007, la société a perçu 11 millions de shekels (2,16 millions d’euros) en provenance de l’étranger pour des services de « conseil en entreprise », Lieberman percevant un salaire de 2,5 millions de shekels (490 000 euros)". Mais ce n’est pas tout : en bon Moldave (souvenons-nous de la Transnitrie !), il semble aussi avoir trempé dans d’autres trafics : "il est accusé notamment de blanchiment de fonds, de malversations et d’abus de confiance.".. voilà qui va peut être barrer la route à notre Mussolini hébreu : sa marche sur Tel-Aviv, il ne pourra peut-être jamais la tenter. Ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui encore de fanfaronner : "the public should remember that we are not going to elections over the war with Hamas ; this government fell over corruption," dit-il à propos du départ d’Olmert, à croire qu’il attend son tour..
C’est à souhaiter, en tout cas, qu’il ne puisse réussir, car avec lui, ce qui attend Israël est le chaos et la mise au ban des nations. Le pays semble déjà être parti hélas dans ce sens ces dernières semaines, souhaitons que l’on arrête sa marche triomphale, celle qui suit ces massacres dont il se réjouit chaque jour davantage. On ne sait donc ce qui l’attend dans les semaines à venir : les lauriers ou les menottes. A souhaiter que ce ne soit pas l’investiture suprême. Mussolini a fini accroché à un croc de boucher : rappelons-lui simplement ici qu’à force d’inciter au meurtre constamment comme il peut le faire, il conduit avant tout le pays à sa perte et doit s’attendre à finir un jour où l’autre comme lui s’il entraîne la nation dans ses délires. Au XXI eme siècle, on appellera ça finir ses jours en prison. La civilisation, ça s’appelle.
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