La minute de silence ou l’obligation de se taire
Aujourd'hui, c'est le premier jour d'école après les attentats qui se sont déroulés dans le week-end à Paris.
N'étant pas professeur mais accompagnateur d'un élève en situation de handicap, j'ai la chance d'avoir un point de vue d'observateur sur cette classe de jeunes apprentis coiffeurs âgés de 15 à 20 ans.
Dès les premières minutes de cours, les élèves ne faisaient que discuter des événements. Le professeur décida alors de consacrer 10 minutes pour que chacun puisse s'exprimer. Les adolescents ont ainsi pu mettre en avant leurs craintes de voir "la France" confondre ces actes terroristes avec l'Islam ; ou encore de ne pas être en sécurité dans leur ville. Durant ces échanges, le professeur a veillé en toute bonne conscience à être garant de "la laïcité" en faisant taire toute discussion qui pourrait être en lien avec l'Islam. Si le professeur a -un peu maladroitement, il faut le dire- organisé ce court débat entre les élèves, ce n'est pas le cas de tous les professeurs, qui n'ont aucunement été incités à le faire par l'Education Nationale.
L'établissement scolaire n'a pas souhaité donner la parole aux élèves. Ce n'est qu'à midi qu'un représentant de l'administration a pris la parole durant quelques minutes devant tous les élèves du lycée, afin de tenir un discours digne des déclarations télévisées ("Nous sommes tristes, il faut condamner la violence..."). Puis, tout le monde s'est tu pour la minute de silence. Et les élèves sont partis manger, certains en larmes.
Dans ces larmes, nous pouvons y voir de la tristesse, sans aucun doute. Mais je suis sûr d'une chose : il y a aussi de l'incompréhension.
A aucun moment, nous avons ouvert un débat digne de ce nom en cherchant à repondre aux questionnements des élèves : Pourquoi le terrorisme ? Pourquoi des attentats provenant d'Orient dans un pays d'Occident ?
Les réponses à ces questions nécessitent des apports historiques et critiques. N'est-ce pas ce que nous pourrions attendre de l'Education Nationale, d'éduquer ?
Crier au fou en évoquant les terroristes est une simplification de pensée qui permet d'éviter tout questionnement qui pourrait remettre en cause les actions de la France sur les territoires d'Orient. Or, j'ai tout l'impression qu'il faudrait s'en limiter aux émotions et ne pas voir les perspectives géopolitiques de ces actes terroristes.
Par cette absence de débat digne de ce nom organisé avec les élèves et cette minute de silence, je n'y ai vu qu'une chose : l'obligation de se taire.
28 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON