La nécessaire précarisation du pouvoir politique
Dans une société de plus en plus précarisée, seul le personnel politique semble à l’abri d’une telle déconvenue. Et pourtant, outre le renouvellement et la dynamique politiques que procurerait une telle désacralisation, elle nous protégerait aussi des tentatives d’autoritarisme toujours menaçantes.
Le personnel politique s’accroche à ses mandats. Qui n’a pas entendu dans sa municipalité un maire, après un règne déjà trop long, confondre le fauteuil du premier magistrat de la commune, ou la mairie de sa ville, avec son propre rocking-chair ou sa propre maison ? « C’est ma place, ma mairie, ma ville. » Ce sont pourtant les mêmes qui, face aux concurrents, lors des campagnes électorales, et pour les décrédibiliser, leur expliquent en permanence que « personne n’est indispensable et que les cimetières en savent quelque chose » ! Maxime fatidique qu’ils devraient pourtant s’appliquer à eux-mêmes.
Aujourd’hui, on ne compte plus les critiques, analyses de notre système démocratique qui regrettent, jusqu’au désespoir parfois, le non-renouvellement du personnel politique. Nos représentants sont des dinosaures de la scène politique. Ils sont indéracinables. Ils perdent un mandat, vous croyez qu’ils disparaissent ? Mais non, ils renaissent de leurs cendres, qui comme sénateur, qui comme député européen, qui dans un exécutif régional, qui dans sa mairie. Il y a toujours un siège en réserve ; une poire pour la soif. A la limite, on se recase pour une traversée que l’on appelle du désert, ou pour une croisière dite à Venise, dans les méandres du parti, pour réenclencher le mécanisme cumulatif.
Dans le monde politique, si l’on n’est pas précaire, du moins est-on flexible et ne craint-on pas les délocalisations.
Le pouvoir politique déteste la précarité. C’est dans sa nature. On ne peut donc attendre d’un pouvoir qu’il se fragilise. Dans notre société de précarité généralisée, c’est cette dichotomie qui devient insupportable. C’est de là que naissent la méfiance et la perte de légitimité des élus, puisqu’il y a impuissance et incapacité citoyennes à les remplacer.
Ce n’est même pas qu’ils soient « trop vieux », voire incompétents ou « nuls », ou trop ci ou trop ça, c’est qu’une fois élus, ils s’incrustent partout, et deviennent « inextirpables ».
Parfois, il est dit qu’il se n’agit pas d’une question institutionnelle mais d’une question de mentalité. "Les hommes politiques doivent changer leurs pratiques". C’est être naïf et ne rien comprendre aux règles du pouvoir qui veulent que lorsqu’on en tient un, on a tendance à en abuser. Mais ça permet à certains d’en faire une opération de communication. Ainsi, telle Présidente de région peut annoncer que l’an prochain, elle lâchera un mandat de parlementaire. Et tout le monde de s’extasier et de parler d’une nouvelle mentalité, d’un coup de fraîcheur, d’un exemple à suivre, alors que tous les candidats aux présidentielles de son parti seraient dans le même cas, s’ils sont présidents de région et s’ils respectent leur propre projet de mandat unique de parlementaire.
Bien évidemment, la précarisation du pouvoir politique n’est pas une question personnelle ou individuelle. Cette attitude participe d’ailleurs du monarchisme ambiant caractérisé par le règne du « bon vouloir » des princes qui nous gouvernent.
Dans un Etat de droit, digne de ce nom, c’est une question de règles, que la démocratie doit instituer pour permettre le renouvellement souhaité du personnel politique.
Ainsi l’article premier d’une rénovation démocratique qui est l’objet d’une pétition à votre disposition sur le Net devrait être celui-ci :
« Les mandats politiques, de député sénateur, député européen, conseiller régional, conseiller général, renouvelables une seule fois, ne peuvent se cumuler qu’avec le mandat bénévole de simple conseiller municipal. »
Changer la république c’est en quelque sorte désacraliser le pouvoir politique, ou plus radicalement le précariser. Il s’agit bien de précariser le pouvoir, et non les hommes, puisqu’un statut de l’élu devrait compléter un tel dispositif.
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