La norme religieuse peut-elle libérer l’individu ?
Il y a bien un clergé, qui détermine le bien et le mal, l’orthodoxie et s’échine à la faire respecter. Comment peut-on expliquer les courants doctrinaux dans l’Islam ? Par exemple, au Maroc, il est bien précisé dans le « préambule » de la Moudawana qu’elle s’appuie sur le rite Malékite. En outre le Roi, de haut de sa Majesté déclare « Je ne peux, en Ma qualité d’Amir Al Mouminine, autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé » Alors y a-t-il bien quelqu’un qui explique et définit ce qu’est autorisé et ce qu’est prohibé ?
De la violence, il y en a dans les deux textes (la Bible et le Coran). Mais les critiques virulentes contre l’Islam sont souvent orientées contre les musulmans avant le texte. En mettant souvent en exergue des éléments qui se trouvent également dans la Bible, lapidation, polygamie, intolérance et violence faite à l’adversaire. Les critiques qui mettent à l’index un texte à travers les pratiques des musulmans et oublie l’autre texte, sont injustes et contreproductives. Certaines critiques sont parfois anachroniques et tendancieuses. Les musulmans se sentent attaqués, alors que la critique de l’Eglise ou du catholicisme en général fait apparaître une distinction, devenue presque intuitive, entre l’Eglise comme institution et les pratiquants. Et ce depuis la loi sur la laïcité, pour le moins en ce qui concerne la France.
La diversités des courants [ au moins 2 principaux : sunnisme (4 écoles) , chiismes ] et des mouvances liées plus ou moins à ces courants, outre l’absence d’institutions représentant chaque type de doctrines font que les musulmans dans les pays occidentaux se retrouvent facilement sous la coupe de prédicateurs, les incitant à se mettre en conformité avec des préceptes religieux.
On peut légitimement se poser la question suivante : qui protège finalement le corpus de la foi musulmane ? S’il n’y a pas d’institutions et si les musulmans peuvent vivre leur foi librement comme d’aucuns veulent nous le faire croire ? A les croire, chacun peut interpréter et vivre sa foi sans contrainte, ce qui est absolument faut.
Ainsi cite-t-on l’absence de clergé dans l’Islam pour montrer sa souplesse. Mais c’est une vue de l’esprit de certains occidentaux qui n’arrivent pas à se défaire du prisme de leur culture, dirons-nous de leur ethnocentrisme.
Il y a bien un clergé, qui détermine le bien et le mal, l’orthodoxie et s’échine à la faire respecter. Comment peut-on expliquer les courants doctrinaux dans l’Islam ? Par exemple, au Maroc, il est bien précisé dans le « préambule » de la Moudawana qu’elle s’appuie sur le rite Malékite. En outre le Roi, de haut de sa Majesté déclare « Je ne peux, en Ma qualité d’Amir Al Mouminine, autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé » Alors y a-t-il bien quelqu’un qui explique et définit ce qu’est autorisé et ce qu’est prohibé ? La notion de haram et de mobah. En outre, au-delà de savoir ce qu’est autorisé et ce qu’est prohibé, il y a la notion de contrainte. Effectivement, il faut un cadre institutionnel pour appliquer la norme. L’Islam n’est pas seulement une question de foi, mais également une réglementation très stricte. Donc on ne peut pas admettre sans être dans l’erreur que l’Islam n’a pas de clergé, ignorant que la réglementation islamique s’applique non parce que les gens le souhaitent mais bien parce que il y a un corps (appelons les « Oulémas » ou « Cheikhs »), même informel, qui s’attache à son application et son respect de façon rigoureuse. Ce corps influe sur l’État qui le représente constitutionnellement et juridiquement et traduit sous forme de lois ses décisions. En outre, l’outil coercitif de l’État remplit bien son rôle pour les faire respecter.
Ce clergé a cette caractéristique d’être informel. Mais informel ne signifie pas sans pouvoir et sans influence. Il les manifeste toutefois dans des rapports plus personnels et moins visibles, à la différence par exemple du clergé catholique qui est encadré par et dans une institution : l’Eglise.
Ce qui est montré comme une souplesse n’est en fait qu’un handicap pour la société civile et politique. Privant les musulmans d’une institution qui prend en charge les problèmes sociaux, en même temps que l’État séculier. En cas d’opposition de stratégies ou de choix, prévalent les positions légales issues de la représentation du peuple et non d’un conglomérat qui n’a de légitimité que ses propres convictions.
Compris ainsi, la norme religieuse n’est pas la liberté. Contrairement à certains prédicateurs qui pensent qu’abandonner sa personne dans leurs mains pour décider de ce qu’est bien ou mal est une libération.
L’imam est souvent présenté comme un guide, il n’assume pas moins, et de fait, le rôle attribué au clergé catholique en matière d’orientation et d’endoctrinement, bref l’enseignement religieux. Il ne faut pas oublier qu’en plus, pour les hommes qui ont le don de la prédication, il leur est facile de revêtir les habits de sainteté et de soulever des foules dans leur sillage. Ils n’ont pas besoin pour cela d’une investiture. Donc le défaut d’une institution, favorise des liens personnels, de types féodaux. L’allégeance à une personnalité charismatique est une nécessité dans une société holiste qui ne fait pas la part à l’abstraction de l’institutionnel et à la bureaucratie de type weberien.
C’est un inconvénient assez lourd de conséquences. Des pratiques ont été soit exagérées, soit inventée alors que le Coran ne les aborde pas ou de manière ambiguë. Le voile et la lapidation en sont des exemples typiques. De même pour les châtiments corporels.
Dans le texte, les crimes et délits doivent d’abord être prouvés. Ensuite, il y a l’annonce d’une punition pour le coupable. L’annonce est faite de manière générale et abstraite, parfois avec un ton impératif qui peut être interprété soit comme une obligation soit comme d’un droit. L’obligation ne laisse point de liberté. Quant au droit, on peut en disposer.
En droit pénal, l’interprétation de la loi est stricte et le doute bénéficie au présumé coupable. La définition généralement claire et limpide de l’infraction et de ses éléments constitutifs font l’objet de contrôle de la part de la Cour de cassation en France. Par exemple, il est interdit de procéder par analogie. Dans le Coran, il n’est jamais dit que la punition doit être appliquée automatiquement et systématiquement. Nulle part n’est dit que faute d’application de la punition on est moins croyant ou en faute par rapport à sa foi. Une interprétation moins littérale permet tout aussi l’instauration d’un autre corpus de châtiments, symboliques ou mieux encore leur annulation. Les versets sur l’indulgence et le pardon sont légion. On peut se demander de l’utilité de leur répétition si finalement les Oulémas et Cheikhs s’arc-boutent sur ceux moins nombreux mais anachroniques, découlant d’un contexte historique et social bien précis.
La majorité des musulmans souhaitent vivre une religion dépouillée de son archaïsme. Contrairement à ces hommes (Oulémas ou Cheikhs), disposant de pouvoir informels, investis par le seul apprentissage (du par cœur) dogmatique et de leur affinité avec tel courant ou tel autre, imposant une chape de plomb, refusant toute évolution.
L’État est finalement l’institution par excellence qui protège l’Islam sous sa forme archaïque. Soit, comme en Arabie Saoudite, il lui donne son ancrage dans la société civile et sa diffusion au-delà de son territoire, soit c’est l’instrument de l’opposition politique face à un État qui réduit à l’extrême l’espace des libertés publiques et politiques. En occident, c’est plutôt un problème de positionnement. Comment être musulman quand les prédicateurs somment les musulmans de se positionner par leur religion avant toute appartenance nationale. C’est alors que surgissent les problèmes. Lorsque certains musulmans considèrent que les impératifs de la religion transcendent les territoires et les époques, et quand il faut choisir, c’est sans hésitation les impératifs religieux qui prévalent.
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