La nostalgie de l’Algérie française
La nostalgie de l’Algérie française
Chroniques du dernier siècle - Chapitre 12
Il y a juste 50 ans Jacques Chevallier, ancien maire d’Alger, nous quittait. Il a été le premier et le dernier des français-algériens de cette époque. Son parcours est empreint de lucidité, et surtout d’une rare sincérité.
Il a aimé ce pays dans lequel il s’est politiquement investi, à l’échelon local et national. Il a tenté en vain de désamorcer l’impasse d’une politique colonialiste sans équilibre des droits à l’égard « des indigènes ». La majorité des européens d’alors, vivaient à côté de ces indigènes, sans les voir, sans animosité, mais sans sentiment de partage.
Dans son ouvrage « Nous, Algériens », publié en 1958 il écrit : « cela implique un dialogue qui rende aux uns le sens de leur dignité et à chacun celui de sa sécurité, de l’égalité de ses droits, de sa liberté de pensée et d’expression…Qui peut donc définir et régler tout cela, sinon les Algériens eux-mêmes ? »
Ses positions libérales lui ont valu l’animosité des extrémistes de tous bords. Il est définitivement évincé de la mairie d’Alger et de la vie politique par l’armée en 1958. Ses ultimes tentatives de médiation ont échoué. On connait l’issue de cette confrontation.
Il a voté pour l’indépendance au referendum d’autodétermination, et après 1962, fidèle à ses idées, il a demandé et naturellement obtenu la nationalité algérienne. Il est mort dans son pays, dans sa maison d’El Biar.
S’il revenait parmi nous aujourd’hui, il serait étonné de constater que les plaies sont encore largement ouvertes, soixante ans plus tard. La rancune est pourtant dans la nature humaine. C’est un divorce après une longue vie commune et de nombreux enfants partagés. Chacune des parties revient vers l’autre car l’amour n’est pas éteint. Les divergences apparentes se sont exacerbées avec le temps, comme pour justifier la séparation prononcée.
Les excuses pour le passé ne sont pas contributives. Elles ne font que raviver la douleur. Les générations concernées par les violences sont en voie d’extinction : laissons-les en paix.
A contrario, pitié, ne parlons pas de « bienfaits de la colonisation ». Jacques Chevallier en serait tout retourné dans sa tombe…Nous savons qu’il rêve encore d’un lien renoué entre les deux nations, liées à jamais par un destin commun durant près de deux siècles.
On trouvera toujours une minorité d’irréductibles. Doivent-ils imposer leurs idées ?
Tous les pieds noirs, qui sont depuis retournés visiter leur terre natale, témoignent d’un accueil chaleureux. Les algériens eux-mêmes conservent un profond attachement à la France. En témoigne une forte communauté de binationaux, vivant définitivement en France dont ils ont totalement adopté la culture. En Algérie la jeune génération, qui connait l’histoire principalement par les seuls réseaux sociaux, ne rêve que de visiter l’ancienne métropole. Le français y reste une langue très vivante au point de constituer la moitié du langage populaire quotidien.
Sa fille Corinne Chevallier est une historienne algérienne. Elle perpétue sa mémoire et son message.
Que dieu le garde et le protège.
Le 13 avril 2021
Etienne de Rovigo
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