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Accueil du site > Tribune Libre > La peine de mort guillotinée

La peine de mort guillotinée

Il y a 30 ans en septembre, l’abolition de la peine capitale était votée par le Parlement à la suite d’un vibrant, vigoureux et ardent plaidoyer du garde des Sceaux, Robert Badinter.

La Chambre des députés était issue des élections législatives de juin 81 donnant une majorité confortable au seul Parti socialiste. Ce vote correspondait à l’application d’une promesse électorale faite par François Mitterrand fort solennellement à la télévision. Certains prétendent, sans pouvoir toutefois le démontrer, que loin de faire perdre des voix au candidat Mitterrand, cet engagement lui en apporta en révélant, à cette occasion, sa stature d’homme d’Etat puisqu’il n’hésitait pas à aller à l’encontre de la majorité des Français, favorables à l’époque à la peine capitale à plus de 6O %.

Qui était Robert Badinter en 1981 ?

Un excellent juriste puisqu’agrégé des facultés de droit et professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il n’est pas nécessaire ici de présenter l’avocat faisant de l’abolition le combat d’une vie, ni même nécessaire de s’interroger sur la suite de sa carrière.
Il y a, sur cette question, deux façons d’aborder le problème : par le cœur ou par la raison. La peine de mort est un sujet qui devrait échapper au débat politicien pour confronter des arguments vrais. Il est trop grave pour être le monopole des politiques de profession.
On peut faire appel à la pression des émotions et ce biais suffit à émouvoir toute personne sensible à la description des heures précédant l’exécution capitale bien qu’adoucie et humanisée par la machine du Dr Guillotin. C’est du moins ce que certains prétendent, mais ceux qui sont passés à la guillotine ont peu de chance de témoigner… Autrement dit, il est à la portée de n’importe quel bon avocat de faire apparaître comme barbare et sordide la peine ultime, tout en se gardant bien de rappeler que leurs victimes ont eu souvent un sort moins doux. Mais en ce domaine comme dans les autres, la pression des émotions permet de faire l’économie de la seule chose qui compte : traiter de la corrélation et de la causalité entre la peine de mort et l’évitement d’un certain nombre de crimes.

Bref, la peine de mort est-elle dissuasive ?

La seule grille de départage consiste à se référer, non aux affirmations péremptoires des idéologues des deux camps, mais aux seuls travaux dont on dispose effectués par des économistes et juristes qui ont étudié avec soin des milliers de chiffres permettant de comparer, par exemple aux Etats-Unis, les résultats des crimes les plus graves entre les Etats abolitionnistes et les autres. La France fournit également un bon exemple en comparant les 30 dernières années, rapportées à la population, aux 30 ans précédents.

Les résultats qui suivent vont décevoir.

A la suite de travaux sur le crime initiés par le prix Nobel d’économie Garry Becker sur l’efficacité dissuasive de la peine de mort le résultat obtenu est le suivant : il n’y a pas de résultats !!! Expliquons-nous.

Ces études incontestées ont donné des résultats très contrastés : certaines en faveur de la force dissuasive, d’autres non. Autrement dit, pour bien répondre à la question qui est la seule qui vaille – la peine de mort est-elle dissuasive ? – la seule réponse honnête est : on ne le sait pas puisque certains travaux laisseraient penser plutôt oui et d’autres plutôt non. Il est vrai qu’on pourra toujours dire que la crainte de la peine de mort évite des crimes qui aurait été commis sans elle. Certes, mais qui pourra le démontrer puisque par définition ces crimes n’ayant pas été commis, comment prouver qu’il ne l’ont pas été à cause de la crainte de la peine de mort ?

Cette courte réflexion a laissé de côté l’aspect humain et moral de la question. C’est volontaire car en ce domaine, au risque de choquer, on est dans le subjectif absolu. En effet, jusque dans la Bible, on peut trouver des passages la justifiant et d’autres la condamnant. Quant aux arguments sacrés sur la personne humaine, il n’est pas sûr que ce sujet soit celui qui s’y prête le mieux puisque les assassins sont rarement spécialisés, de par leur action, dans le dit respect.

Il ne me reste plus qu’à espérer de nos lecteurs des réactions qui ne me condamnent pas à la peine de mort…

Serge Schweitzer - News of Marseille

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6 réactions à cet article    


  • tiloo87 tiloo87 23 septembre 2011 11:41

    Hors statistiques précises, on a quand même un recul de plusieurs siècles sous des régimes avec peine de mort qui n’ont pas changés radicalement le nombre et la nature des meurtres.

    Vous n’avez pas pris en compte une donnée, plus facilement vérifiable : le taux d’innocents exécutés, et une autre donnée, moins facilement vérifiable, le taux d’exécutés pour lesquels il y a doute...

    Le débat de fond revient souvent à déterminer si on croit en l’homme, ou pas : une personne coupable de meurtre est-elle une « mauvaise personne », habitée par le mal ? Ou chacun possède -t’il sa part de bien et de mal, plus ou moins équilibrée ?


    • Mmarvinbear Mmarvinbear 23 septembre 2011 12:33

      Il y a quand même une évidence : le taux de criminalité dépend avant tout du niveau de vie de la population générale.


      Autre fait en faveur de l’abolition : les Etats américains qui ont un taux de criminalité plus élevés sont aussi ceux qui ont la Mort dans leur arsenal judiciaire.

      Badinter n’a eu aucune peine à montrer que la Mort n’était pas dissuasive : Patrick Henry était, par son propre aveu, parmi ceux qui, au moment de l’affaire Buffet-Bontemps, hurlaient à la mort.

      Même Hugo l’avait compris.

      « Tout ce peuple rira, applaudira, et parmi tous ces hommes, libres et inconnus des geôliers, il y aura plus d’une tête prédestinée qui suivra la mienne tôt ou tard dans le panier rouge. Pour ces êtres fatals, il y a un certain point de la place de Grève, un centre d’attraction, un piège. Ils tournent autour.
      Jusqu’à ce qu’ils y soient. »
      ( le dernier jour d’un condamné )

    • eric 23 septembre 2011 11:46

      D’accord pour dire que c’est une question complexe à la quelle toute réponse simple serait vraisemblablement fausse. Confère effectivement la Bible. Du reste dans le judaïsme, la peine de mort est à ma connaissance exclue et possible pour un tribunal rabbinique....Ceci rend bien compte d’une réponse complexe à une question complexe. Parce qu’elle est définitive, la peine ne laisse pas de place au, « a tout pécheur miséricorde. »
      Maintenant, sur son abolition, mes idées sont plus claires. Hostile moi même à cette peine, je pense que la façon dont elle a été abolie est typique d’une tendance politique sans éthique.
      60% de pour dans la population. Pas grave, le rôle du politique n’est pas de suivre aveuglément des sondages. Cependant , malgré la ligne général, l’unanimisme de rigueur dans les partis de gauche, il y avait sans doute des députés socialistes pas complètement au clair sur la question ou au minimum soucieux de ne pas s’aliéner des électeurs. Mais le parti a exigé la discipline de parti sur ce vote. A titre de comparaison sur la loi Weil, la droite à laissé la liberté de vote, à ses élus, justement parce qu’il s’agissait d’une question éthique.
      D’un autre côté, je n’ai jamais été dans la peau d’un parent dont un enfant aurait été tué.


      • Kalki Kalki 23 septembre 2011 11:50

        fortunatly jesus is not a nigger

        Et les morts des guerres de conquêtes de l’empire, toute ces millions de morts africains, irakiens, sous les armes téléguidés, ou les morts de la faim du fmi ... C’EST POUR LE BIEN DE L’HUMANITE ! JE VOUS ASSURE !

        John Kafé disjoncte

        Le plan suit son cours ...


        • ffi ffi 23 septembre 2011 14:20

          Le problème n’est pas le fait que la peine de mort soit dissuasive ou pas.

          Les problème est de savoir si l’équité implique oui ou non de faire subir au meurtrier le châtiment qu’il a infligé à autrui.


          • JacquesLaMauragne JacquesLaMauragne 24 septembre 2011 00:51

            Pour poursuivre ce débat fort intéressant et de haite tenue ( c’est plutôt rare ici....), je me permets de vous signaler le site de l’Association « Ensemble Contre la Peine de Mort » (ECPM)

            http://www.abolition.fr/

            Bien cordialement,

            jf.

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