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La présomption d’innocence maltraitée par les médias de masse

S’il est un principe qui distingue la démocratie de la tyrannie, c’est bien celui de la présomption d’innocence. En démocratie, tout citoyen est présumé innocent tant qu’un tribunal, statuant en dernier ressort, n’a pas conclu définitivement par jugement à sa culpabilité.

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, inscrite au préambule de la constitution de la Ve République, en a posé le principe dans son article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »
Et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 l’a réaffirmé dans son article 11 : « Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. »

En tyrannie, au contraire, tout sujet est, avant tout examen, considéré comme coupable, sous réserve qu’il apporte la preuve de son innocence, si tant est que les tyranneaux s’en soucient !
La différence n’est pas mince : en démocratie, la charge de la preuve est à l’accusateur et, en tyrannie, elle incombe à l’accusé. Or, un acte qui a été commis, a plus de chances de laisser des indices de sa commission qu’un acte qui ne l’a pas été.

La démocratie assiégée par la jungle

Toute violation de la présomption d’innocence constitue donc une intrusion corruptrice des agissements de la tyrannie dans un régime démocratique. Car la particularité de la démocratie est de n’exister qu’en confrontation permanente avec la tyrannie qui la harcèle, comme la jungle tropicale assiège la clairière que des hommes se sont ouverts pour survivre. La luxuriance végétale qui se presse en lisière est telle qu’elle menace quotidiennement de ses lianes et racines l’espace libéré. Là s’arrête toutefois la comparaison : car les pousses vivaces de la tyrannie en démocratie ne se cantonnent pas seulement en périphérie, mais s’insinuent jusqu’au cœur même des femmes et des hommes, individuellement ou en groupes, soumis à leurs pulsions, s’ils ne prennent pas garde de les maîtriser chaque jour en se soumettant aux règles qui font vivre leur démocratie.

De l’affaire Dreyfus à l’affaire d’Outreau

Une de ces racines dangereuses est la violation de la présomption d’innocence. Par l’aveuglement policier et judiciaire collectif et le désastre humain provoqué, l’affaire d’Outreau est l’exemple le plus récent qui vient à l’esprit. Avant elle, bien d’autres affaires ont été provoquées par une présomption d’innocence bafouée. Sans remonter au temps de l’absolutisme royal au XVIIIe siècle avec l’affaire Calas, le capitaine Dreyfus reste la figure historique française emblématique de l’innocent condamné en 1894 sans avoir pu connaître les pièces du dossier qui l’accusaient, en violation même des droits de la défense, qu’il se soit agi d’une erreur judiciaire ou d’une opération d’influence méticuleusement montée contre l’Allemagne.

« Selon que vous serez puissant ou misérable... »

Mais entre l’affaire Dreyfus et celle d’Outreau, les occasions n’ont pas manqué où la présomption innocence a été allègrement méprisée quoique inégalement, selon que « (l’on est) puissant ou misérable », comme conclut La Fontaine dans Les Animaux malades de la peste. Un homme politique, mis en examen pour corruption, bénéficie en général dans les médias de précautions d’usage rarement accordées au citoyen ordinaire ; de solennelles annonces mettent en garde contre l’amalgame entre poursuites et condamnation : le prévenu doit être considéré comme innocent tant que la justice n’a pas tranché. C’est juste.

Mais tels ne sont pas les égards que l’administration de l’Éducation nationale a manifestés récemment envers ce professeur du collège de Berlaimont qui, injurié par un élève, a répondu par une gifle. Avait-il outrepassé le droit de correction mesuré reconnu aux maîtres par la jurisprudence ? C’était à la justice de le dire puisqu’elle était saisie. Recteur et ministre se sont empressés de condamner le professeur et de le livrer en pâture à l’opinion publique, sans même parler de leur devoir de protection statutaire puisqu’il était attaqué à l’occasion de ses fonctions en étant ainsi traîné en justice par le père de l’élève insulteur.

Des médias « présumés » ignorants ou coupables ?

Rien ne semble donc plus difficile aujourd’hui que de s’en tenir à la présomption d’innocence. Et de ce travers tyrannique dangereux pour la démocratie, les médias en portent une part de responsabilité. Friands de crimes et de délits qui leur garantissent une audience par le réflexe inné de voyeurisme sollicité, ils n’y vont pas par quatre chemins pour condamner avant tout examen judiciaire les personnes mises en cause.

Il suffit pour s’en rendre compte de parcourir les pages des journaux de ces dernières semaines. Ici, « un présumé violeur en série » est arrêté ; là, on attend « l’extradition des tueurs présumés » ; un jour, « l’agresseur présumé a été mis en examen pour meurtre et écroué  » ; un autre jour, c’est un « appel à témoins (qui est lancé) pour localiser les victimes d’un pédophile présumé ». Quant au procureur de Nice, É. De Montgolfier, il est « mis en examen pour un maintien en détention présumé abusif  ». Même M. Robert Badinter succombe à cette mode : interrogé par Le Monde, le 25 février dernier, sur la rétention de sûreté des criminels dangereux après accomplissement de leur peine, il parle de la nécessité « dès le début de l’instruction (...) d’établir un diagnostic de l’auteur présumé du crime  ». Et si l’on tape sous Google les expressions « agresseur présumé », « violeur présumé  » ou « meurtrier présumé », les exemples abondent.

Serait-ce que les médias en général ignorent le sens de l’adjectif « présumé » : « que l’on croit tel par hypothèse », dit le dictionnaire Robert, c’est-à-dire que l’on tient pour tel avant tout examen.
« Un agresseur présumé  » est donc bien une personne que l’on présente comme agresseur avant tout examen, quand en démocratie on ne peut être déclaré tel qu’après examen judiciaire. Certains médias en sont conscients puisqu’ils savent parfois parler du « portrait robot d’une femme soupçonnée d’avoir livré le colis au cabinet », d’une « plainte pour disparition et enlèvement supposé » ou encore du « suspect (qui) a dû remettre son passeport ».
Les mots existent bel et bien en français pour respecter l’innocence présumée d’une personne recherchée ou poursuivie.

Pourquoi donc cette obstination dans l’erreur ? Errare humanum est, perseverare diabolicum. De deux choses l’une, ou les journalistes ignorent ce rudiment de droit ou au contraire ils le connaissent. Mais dans les deux cas, ils inculquent à leur insu ou sciemment dans les esprits, sans en avoir l’air, une habitude de pensée qui ruine un principe différenciant démocratie et tyrannie. C’est ainsi que les droits dépérissent : comme le dit la devise du Canard enchaîné, à l’inverse de la pile Wonder, un droit ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. On observe que cette « présomption de culpabilité » systématiquement déclarée s’accompagne d’ailleurs d’une autre erreur qui la renforce : il est dit souvent, par exemple, que « l’agresseur présumé est passé aux aveux  ». Sauf erreur, en matière criminelle, l’aveu obtenu par la police n’est qu’un simple moyen d’instruction, laissé à l’appréciation des juges ; il ne fait pas preuve contre son auteur qui peut se rétracter. On s’en convainc aisément si l’on admet qu’en s’y prenant bien, on peut faire avouer n’importe quoi à n’importe qui.

Mais, la répétition étant le procédé indolore de l’inculcation, à force de répétitions dans les médias, les gens simples finissent par se constituer un corpus d’idées tyranniques à leur insu qui empoisonnent leur mode de pensée. Car, dit le proverbe, « il n’est pas d’erreur qui, inlassablement répétée, ne finisse par prendre des airs de vérité ». Et c’est ainsi qu’en douceur, la jungle s’insinue à l’insu de tous dans la clairière démocratique. Paul Villach


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31 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 7 mars 2008 10:19

    Si nous parlons du professeur qui se m...... devant ses éleves en classe de neige,vous ne permettrez de dire que la liberté qui garantie la présomption d’innocence n’a rien à voir.

    Je crois que ce que vous écrivez est juste mais cela ne peut s’appliquer ici et c’est vrai que dans l’Education Nationale,il existe quand même un grave problème.

    C’est pour cela que j’étais pour le site web de notation des professeurs,car il aura pu permettre de focaliser des vrais problèmes

     


    • 5A3N5D 7 mars 2008 10:36

      "C’est pour cela que j’étais pour le site web de notation des professeurs,car il aura pu permettre de focaliser des vrais problèmes"

      Que vient faire ici la notation des profs par des élèves anonymes de 3 ans et plus, avec la présomption d’innocence ?

      Vous commencez fort, MM Lerma !

       


    • tvargentine.com lerma 7 mars 2008 10:43

      C’est un outil pour savoir pourquoi un professeur est mal noté et cela aurait permis d’ouvrir ensuite une enquête qui aurait inclus un psy pour en connaitre la véritable raison et de détecter ainsi les cas de professeurs "déviants"

       


      • 5A3N5D 7 mars 2008 11:30

        Vous êtes certains d’aller bien MM Lerma ? En quoi une note pourrait-elle désigner les "professeurs "déviants"".

        Ah, la présomption de culpabilité pédophile ! Comme au bon vieux temps de Mme Royal ! Vous avez viré votre cuti la nuit dernière ou est-ce un reste de socialisme collé à la casserole qui vous tient lieu de crâne ? 


      • Dolores 8 mars 2008 00:09

        Il existe aussi des "raisonneurs " déviants .

        CQFD et c’est fait en vous lisant !


      • haddock 7 mars 2008 10:58

        Ce qui est triste en fait c ’est que les présumés coupables fassent trois ans de zonzon non présumées , elles .

         

        Des personnes virtuellement innocentes font de la taule d’ une manière insupposée .


        • Et que nous dites-vous cher Paul VILLACH, des présumés innocents qui grâce aux protections dont ils ont joui, se sont "miraculeusement" sortis d’affaire en justice alors que les faits qui leur étaient reprochables étaient tous parfaitement établis et qu’ils n’ont dû le traitement de faveur qui leur a été fait qu’à la prescription des faits... grâce à une complicité totale , objectivement établie de magistrats aux ordres ?

          C’est probablement un cas de figure auquel peu de gens pensent tant il est rare ...mais hélas bien établi preuves en main !!

          Belle justice que celle là ...rendue au nom du peuple français qui vit en démocratie avec une justice tellement ...indépendante.

          Je pense que nous en reparlerons très prochaînement et que les VOXIENS découvriront alors des pratiques ...pour le moins étonnantes


          • Paul Villach Paul Villach 7 mars 2008 12:34

            @ L.-C Jean-Michel Beau

            Vous parlez d’or. Ces "présumés innocents" - qui doivent l’être comme tout prévenu - appartiennent en fait aux cercles des pouvoirs qui en font des "présumés intouchables", ce qui n’est pas pareil !

            Il va de soi que la présomption d’innocence suppose une autre présomption : une justice impartiale qui ne soit pas aux mains de magistrats dont la culture est celle de la soumission, comme le dénonce le procureur É. de Montgolfier dans "Le devoir de déplaire". Paul Villach


          • finael finael 7 mars 2008 13:12

            Je suis d’accord avec vous deux à la fois.

             

            Mais je pense que les médias ne font qu’amplifier un phénomène fort ancien : la rumeur et la suspiscion, fondées ou non, ont toujours eu court.

            Le problème soulevé par l’attitude des médias vient de leur impact massif sur toute une population et l’irresponsabilité des rédacteurs et commentateurs.

            Irresponsabilité peut-être bien voulue car le sensationnel fait vendre et "l’opinion" apprécie que l’on désigne quelque bouc émissaire (expression qui ne date pas d’hier), ce qui, à contrario, justifie l’existence des intouchables dont les mêmes médias recherchent plutôt les faveurs.


          • Sébastien Sébastien 7 mars 2008 13:05

            Vu la lenteur de la justice, si vous voulez que les journalistes ne parlent que des affaires jugees, alors vous aurez les nouvelles fraiches d’il y a 10 ans.

            Et de meme que la presomption de culpabilite n’est pas respectee, il y a aussi la presomption d’innocence ou, sous couvert de defendre la presomption de culpabilite, on innocente completement une personne sans connaitre les faits, selon sa sensibilite.

            C’etait me semble-t-il la position de l’auteur lors de "l’affaire de la claque" ou le professeur a ete totalement mis hors de cause par solidarite corporatiste, au nom du droit coutumier de correction.

            Bref ce n’est pas si simple...


            • Paul Villach Paul Villach 7 mars 2008 13:14

              @ Sébastien

              Vous faites erreur sur mes intentions. Je demande seulement que le mot "présumé" soit un adjectif réservé au mot "innocence " et non affecté, pour la confusion du grand nombre, à toute qualification délictuelle ou criminelle.

              La langue française est assez riche pour satisfaire à cette exigence : suspect, supposé, soupçonné, prévenu, accusé, et non pas "l’agresseur présumé", etc... Paul Villach


            • foufouille foufouille 7 mars 2008 14:05

              tout le monde peut voir que sauvignac et ses 2M€ en liquide y a pas de probleme

              si vous vous faites pareil c’est direct fleury

              Pour le prof, c’est les elections et il faut bien que les medias montrent que l’UMPS c’est deux partis qui se battent


              • docdory docdory 7 mars 2008 16:56

                 Cher Paul Villach 

                Merci pour votre excellente analyse . Si la présomption d’innocence est la mesure de la qualité d’une démocratie , je crains fort que nous soyons déjà plus dans une République bananière que dans une démocratie , même si le stade de la tyrannie n’est pas encore atteint ! 


                • Paul Villach Paul Villach 7 mars 2008 17:16

                  Cher Docdory,

                  je pense, comme vous, que le respect de la présomption d’innocence est un bon thermomètre pour mesurer le degré de démocratie d’un pays. Paul Villach


                • Bulgroz 7 mars 2008 17:42

                   

                  votre commentaire, Docdory, m’étonne.

                  Je ne vous embêterai pas en vous demandant de me lister les 100 cas où la présomption d’innocence a été baffouée.

                  Non, pas 100, ni 50, ni 20, peut être pourriez vous m’en donner 5.

                  et je serai convaincu.

                  Je ne vous embêterai pas en vous demandant de me lister les 100 cas où la présomption d’innocence a été bafouée.

                  Non, pas 100, ni 50, ni 20, peut être pourriez vous m’en donner 5.

                  et je serai convaincu.

                  allez, pour vous aider, je vous donne le premier de la liste : Dominique Baudis qdont l’innocence a été bafouée parCanal+.

                  il ne vous reste donc pklus que 4 cas à donner, merci de me donner seulement les cas où la présomption a été bafouée par le ministère de la justice ou un de ses representants.

                   


                • Paul Villach Paul Villach 7 mars 2008 17:57

                  @ Bulgroz

                  Si vous permettez que je m’immisce dans votre conversation, je peux vous aider.

                  Comme je le conseile dans mon article, tapez sous Google "Voleur présumé", "violeur présumé", "meurtrier présumé", "agresseur présumé", etc. et vous avez la réponse à votre question ! Voyez la foule d’exemples qui vous tombe sous les yeux...

                  À chaque fois que vous accolez l’adjectif "présumé" à une qualification pénale avant jugement, vous violez la présomption d’innocence de l’accusé. Mais aujourd’hui, l’usage est tellement entré dans les moeurs qu’on ne s’en rend même plus compte. Paul Villach


                • docdory docdory 7 mars 2008 18:12

                   @ Bulgroz 

                  Citons , outre Baudis , les nombreux accusés d’Outreau , Patrick Dils , également un vagabond qui avait été présenté comme coupable dans je ne sais quelle affaire avant d’être mis hors de cause , une affaire de viol dans laquelle un " présumé coupable " a réclamé à corps et à cris des analyses ADN en urgence , qui n’ont été faites que de nombreux mois après , pendant lesquels il est resté en prison jusqu’à ce que ce test ADN l’innocente ( désolé , je ne me souviens plus des noms ! ) , le restaurateur chinois de Brie compte Robert , au sujet duquel j’ai fait un article sur agoravox , qui a vu son restaurant dévasté parce que des racontars avaient prétendus qu’il y avait un cadavre de petite fille dans son restaurant ( celui-là n’est pas près d’être indemnisé pour son préjudice ! ) . 

                  Des exemples comme ceux-ci sont nombreux , mais je ne suis pas une encyclopédie vivante des faux coupables !


                • Bulgroz 7 mars 2008 18:15

                   

                  Paul Villach,

                  Je comprends ce que vous dites.

                  Seulement, Docdory faut un parallèle entre présomption d’innocence bafouée par les media (votre titre) et degré de qualité de la démocratie. (ce que vous ne faites pas).

                  Si le ministère de la justice bafoue la présomption d’innocence, je suis d’accord, c’est une régression de la démocratie, si c’est le WEB, Google ou Canal+ qui le fait, cela s’appelle l’évolution (malheureuse) des choses.

                  A moins d’interdire Gala, Canal+ ou le net ou de les condamner, je ne vois ce qu’il est possible de faire.

                  A moins de s’adapter et de faire avec. On peut aussi éduquer, mais je n’y crois pas.


                • Bulgroz 7 mars 2008 18:19

                  Docdory,

                  Voir ma réponse à Paul Villach.

                  Le titre de l’article est : La présomption d’innocence maltraitée par les médias de masse.

                  Ce n’est pas la démocratie qui est en cause, ce sont les media.

                  Il ne faut pas confondre (je fais allusion à vos exemples) Présomption d’innocence bafouée (vindicte populaire), mise en examen et erreur de justice.


                • Paul Villach Paul Villach 7 mars 2008 18:50

                  @ Bulgroz

                  Je partage l’avis de Docdory. Je l’ai dit dans un post plus haut. Une démocratie se juge non seulement au fonctionnement de ses institutions, mais aussi à la teneur du débat qu’alimentent les médias et qui conditionne à terme le fonctionnement des institutions.

                  Si des médias parlent à tout bout de champ de "présumé agresseur", les esprits conçoivent donc que la présomption de culpabilité est la règle. Et cela me paraît très grave d’un point de vue démocratique. Paul Villach


                • Bulgroz 7 mars 2008 19:00

                  Paul Villach,

                  Un quidam prend de son appartement des photos de Jérome Kerviel pendant sa mise en examen dans des locaux judiciaires (strictement interdit).

                  Un mec qui se dit journaliste achéte les photos pour les revendre à Paris Mach (+90 000 Euros)

                  Ce mec s’abrite derrière son statut de journaliste pour ne pas dévoiler ses sources et ainsi éviter que la justice s’intéresse à celui qui a pris des photos.

                  Tout le monde est content et en a pour son argent.

                  Le statut "démocratique" du journaliste est sauvé. La Démocratie est baisée.

                  Que fait on ? S’en prendre aux droits "fondamentaux" des journalistes ? Condamner Paris Match ?

                  et pourtant, ces gens défendent bec et ongles la Démocratie, n’est.ce pas ?


                • Formule4 7 mars 2008 17:51

                  Vous faites une excellente analyse sur les mots mais elle ne serait pas tout a fait complète sans un petit scan du personnel du monde juridique et de la mode "un coupable à tout prix".

                  En effet, que la presse s’empare de "présumés" pédomeurtritueursdevieillesdames pour faire du chou n’est pas le fond du problème.

                  Derrière la procédure, il y a des gens procureurs, magistrats instructeurs et de chaise, qui pourraient faire leur travail consciencieusement et sans parti pris (ils ont de la bouteille, ils ont des années d’études, ils ont des collègues, des bibliothèques, les cours de criminologie, de doctrine du droit etc...) mais qui ont manifestement des comportements accusateurs, car c’est infiniment plus facile et nettement à la mode. Loin de dire ce qui est juste, la Justice, et son personnel, est devenue une usine à condamner. Un dossier, un numéro, une peine. Au suivant... A quand la tarification à l’acte comme dans les hopitaux ?

                  Ne parle-t-on pas, d’ailleurs, d’une peine "exemplaire pour untel ? Et qui en parle ? Le journal de la PQR ? Non, c’est le procureur lui-même. Mais une peine n’a pas à être exemplaire. Non seulement cela ne sert à rien mais c’est profondément illégal puisque c’est le résultat d’une justice d’exception. Or, à part le Président de la République et les soldats, les autres citoyens ne relèvent (pas encore) d’aucune ustice d’exception.

                  J’imagine (je présume) la détresse de certains juges qui tentent malgré tout de juger en leur conscience et au nom du Peuple Français, et qui doivent faire face à une sorte de racaille de l’accusation élevée au grade d’un dogme de protection de la veuve et de l’orphelin.

                  Aussi loin que l’on poussera la sémantique (je crois que ca s’appelle comme ca) du présumé innocent, aussi loin que l’on établira aussi des contre pouvoirs (et là c’est pas le chemin que prend Richadi Dita), si des sauvageons habitent la maison justice, elle finira toujours par s’écrouler, ou au mimimum se fissurer.

                  Car il reste en chaque homme ou femme censé être impartial, ce formidable sentiment de vouloir faire justice (et non pas rendre justice), d’être investi d’une mission divine de sauver le monde... au mépris de toute justice et de toute précaution d’innocence. C’est arrivé, entre autres, au Juge Burgaud, c’est ce qui pend au nez du Procureur de Montgolfier, devenir Zorro le vengeur masqué.


                  • alex75 7 mars 2008 19:12

                     Le problème vient en grande partie de l’inculture édifiante des journalistes en Droit.

                    Je suis très souvent choqué par les "news" à la télévision. J’ai récemment entendu l’expression "coupable présumé" sur une grande chaîne !!! 

                    Une solution, vu l"ampleur et l’extrême gravité du problème – et compte tenu du fait que la présomption d’innocence est un facteur "sacré" de la démocratie – pourrait être d’obliger les grands médias à avoir des consultants juridiques pour corriger les mauvaises copies des journalistes.

                    N’oublions jamais le dessin animé passé au 20 heures de TF1, montrant ce jeune brésilien abattu dans le métro par la police de Londres, et reprenant intégralement la version policière : terroriste refusant d’obéir, s’enfuyant, sautant par dessus le dispositif de contrôle tout ça en dessin animé couleur dans l’heure suivant les faits. La suite a démontré que toute la version policière était entièrement bidonnée mais elle avait été présenté comme la vérité au JT de 20 heures de la chaîne française la plus regardée. Quelle faillite déontologique de la part de TF1 !

                    ON pourrait citer de nombreux exemples où les médias montrent leur mépris de la personne humaine en bafouant délibérément le principe de la présomption d’innocence. Le plus souvent, c’est la réaction purement émotionnelle et démagogique (flatter les bas instincts de revanche et de punition du crétin de base qui se croit autorisé à porter un jugement moral sans même avoir les éléments de base permettant d’établir les faits), allié à la méconnaissance du Droit.

                    Dans l’affaire SocGé/ Kerviel, on a eu également une belle prestation de Madame Lagarde, incriminant directement J. Kerviel sans autre forme de procès et soutenant incroyablement D. Bouton. (Madame est pourtant avocat de profession, ce qui laisse pantois !).

                    Les déclaration des Procureurs de la République deviennent depuis quelque temps particulièrement inquiétantes puisqu’ils se permettent de prendre position avant un jugement : dans cette récente affaire de cabine de téléphérique, par exemple, le Procureur s’est permis de dédouaner le constructeur et la maintenance avant qu’une qu’une expertise ait été faite et en accusant délibérément des citoyens français d’être des délinquants et des irresponsables… Cette attitude est vraiment choquante, venant de hauts magistrats !


                    • Gilles Gilles 8 mars 2008 08:57

                      "Pourquoi donc cette obstination dans l’erreur ? Errare humanum est, perseverare diabolicum. De deux choses l’une, ou les journalistes ignorent ce rudiment de droit ou au contraire ils le connaissent."

                       Tuer, voleur de mob, violeurs, racaille de banlieue, prof indignes, le politiquement correct ambiant veut que se soit des méchants puisque le crime dont on les accuse est un crime de méchant. CQFD

                      On ne peut être mesuré sous peine d’être soupçonné de bienveillante complicité envers " ces criminels". et d’alimenter ainsi les vélléité criminelles. Et l’exemple vient d’en haut en plus, de la présidence même.

                      Ensuite, c’est aussi simplement pour accrocher le chaland, friant de ces histoires de crimes et ça fait vendre du papier, donne du travail aux journaleux

                      La justice par contre devrait intervenir pour remettre les pendules à l’heure, et elle a la loi pour elle. Seulement, ce serait trés mal vu dans les media et donc l’opinion


                      • foufouille foufouille 8 mars 2008 10:06

                        c’est pas le seul probleme les gens croit ce qui est ecrit

                        par ex : en 92, j’etais en stage d’aide bibliothecaire. un jour un type est accuse d’avoir tue un enfant, presque tout le monde a trouve qu’il avait une tete d’assassin. alors imagine les beaufs de la star ac et cie


                        • Fares 8 mars 2008 20:20

                          @ l’auteur :

                           

                          Comme disait Philippe Dechartre : "Si on laisse la jungle prospérer, on risque de mauvaises rencontres".

                           

                          Bravo pour votre excellent article !

                           


                          • Christoff_M Christoff_M 8 mars 2008 21:22

                             excusez moi ce beau terme juridique cache mal la réalité, dans la moitié des affaires maintenant, il y des fuites quand ce n’est pas des journalistes, avant que l’enquete démarre, ou que la personne soit interpelée pour une mise en examen....


                            • zelectron zelectron 9 mars 2008 12:17

                              Petites notes :

                              - Synonymes de l’adjectif "présumé" : (par ordre decroissant, source CNRTL)
                              supposé, censé, prétendu, soi-disant, réputé, incertain, putatif, regardé comme, hypothétique, officiel, présomptif,

                              - Tuez-les tous, Dieu reconnaitra les siens

                              - Vaut il mieux liberer 100 coupables plutot que de prendre le risque de condamner un innocent ?


                              • Fares 9 mars 2008 17:21

                                "Vaut il mieux liberer 100 coupables plutot que de prendre le risque de condamner un innocent ?"

                                 

                                Non, bien sur que non, pardi !! D’ailleurs l’innocent c’est toi. Pas de chance, hein. ALLEZ EN TAULE ET NE DISCUTE PAS !


                              • Alexeï 9 mars 2008 15:06

                                Petite réflexion quant à l’affaire Dreyfus.

                                La décision de maintenir Dreyfus en prison ne peut s’expliquer par l’antisémitisme qui frappe alors la France ni par une opération montée pour déstabiliser les services secrets allemands.

                                1. Il s’agit d’une attitude qui est celle de la justice française qui refuse de reconnaître qu’elle a pu se tromper. Jusqu’à la découverte du bordereau par le colonel Picquart, seuls les familiers de Dreyfus sont persuadés de son innocence. Ceux qui vont devenir ses plus ardents défenseurs sont convaincus de sa culpabilité et de la justesse du verdict.

                                2. Jusqu’à la conclusion de l’Affaire, la justice va tout faire pour que justice ne soit pas rendue. Il s’agit d’affirmer que la justice ne peut se tromper mais il faut surtout faire corps autour de l’armée dans un contexte de revanche et de nationlisme exacerbé.

                                a) Dreyfus est lors du procès en appel reconnu coupable d’espionnage avec...circonstances atténuantes (l’emploi d’euphémismes par des juges dévoyés ne date pas d’aujourd’hui).

                                b) Esterhazy a bénéficié d’une protection outrancière tant de la part de la justice que de l’armée (alors que la preuve de sa trahison et de sa haine de la France ont été démontrées lors du procès Zola


                                • Paul Villach Paul Villach 9 mars 2008 18:03

                                  @ Alexei

                                  La question de savoir si l’affaire Dreyfus est une simple erreur judiciaire ou une erreur judiciaire emboîtée dans une opération d’influence contre l’Allemagne, reste à mes yeux ouverte. Je n’en traite pas ici.

                                  Mais les deux hypothèses demeurent des hypothèses.

                                  J’ai plutôt tendance à pencher pour l’opération d’influence. J’en ai traité sur AGORAVOX, le 19 juin 2006 "Cent après la réhabilitation d’Alfred Dreyfus, que sait-on de « l’affaire Dreyfus » ? Je me permets de vous y renvoyer. Paul Villach

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