La proportionnelle : pour qui ? pour quoi ?
La proportionnelle : pour qui ? pour quoi ?
F. Bayrou, devenu Premier Ministre, déclare qu’il est favorable à la substitution du scrutin proportionnel, au mode de scrutin actuel. Il est rejoint dans sa préoccupation par quelques chefs de partis politiques.
C’est une proposition qui ne peut que séduire, parce qu’elle est présentée et ressentie comme fondée sur l’idée de justice : les électeurs auront à l’assemblée un nombre de députés d’une tendance, correspondant au pourcentage de voix qui se sera porté sur cette dernière.
Evidemment ce mode de scrutin présente des inconvénients.
Il est de nature à engendrer un émiettement des formations politiques siégeant dans l’assemblée. Dont les membres marchanderont de plus belle leur soutien au gouvernement , notamment contre des postes de ministres, ou contre l’assurance que le gouvernement ne fera pas ce qu’il veut.
La proportionnelle est un scrutin de liste qui est organisé dans une circonscription électorale nécessairement plus vaste que pour le scrutin uninominal. Mode de scrutin qui renforce, s’il en était besoin, le rôle des partis dans le choix des candidats. Et qui rompt pour partie le lien qui est censé exister entre un candidat et les électeurs qui le choisissent pour en faire - au moins en théorie- leur « représentant ». ( Avec comme exemple caricatural, les « élections européennes »).
Et qui a pour effet de transformer un peu plus les citoyens en « masse » à gérer. Citoyens qui , il est vrai, y sont déjà un peu habitués.
Mais au delà de ces inconvénients qui ne sont pas signalés, F. Bayrou oublie de dire , alors que c’est un « vieux routier » de la politique, quels avantages, lui et ses potentiels amis, peuvent surtout en tirer. (1)
Car le choix d’un mode de scrutin est décidé par la loi, donc par les parlementaires en poste. Lesquels, n’ayant pas de tendances suicidaires pour leur carrière, n’optent jamais pour un mode de scrutin qui va les faire sortir, eux et leurs soutiens, de l’assemblée. Modifier le mode de scrutin, c’est toujours, soit pour gagner des sièges, soit pour éviter d’en perdre trop.
NB. Etant entendu que les déplacements de voix imprévus lors de la consultation électorale peuvent apporter des déceptions aux utilisateurs des règles à calcul.
On sa rappelle les calculs intéressés, qui n’ont rien à voir avec un souci de justice, qui sont ont été mis par les politiques d’hier, dans le scrutin de liste et dans la proportionnelle (2) ( comme évidemment dans les autres dans des contextes différents).
Bref, si F. Bayrou parlant comme Premier Ministre veut la proportionnelle, qu’il fasse écrire ( il a l’initiative législative) dans l’exposé des motifs de son projet de loi électorale, ce que ses ordinateurs ont nécessairement fait sortir comme résultats possibles.
Les citoyens y trouveront une meilleure définition de la notion de justice et un système d’explication plus précis du fonctionnement de la démocratie
Marcel-M. MONIN
Consultant ; ancien m. de conférences des universités.
(1) Ni quel mode de calcul il songe utiliser pour que les voix se transforment en députés. : plus forte moyenne, ? plus forts restes ? système d’Hondt ? Ce qui a une incidence sur le résultat. (Sur ces questions, v. notre « Textes et documents constitutionnels depuis 1958. Analyses et commentaires. Dalloz-Armand Colin)
(2) Ainsi :
Le 17 juillet 1946, l’ordonnance du Général de Gaulle pour l’élection des députés à l’Assemblée constituante, institue la proportionnelle départementale, parce que le scrutin majoritaire aurait favorisé les Communistes. Ce mode de scrutin sera appliqué pour l’élection législative de novembre 1946. NB. Début mai 1951 les députés S.F.I.O. et M.R.P. votèrent en prévision des élections de juin 1951 un mode de scrutin compliqué. Cette loi dite des apparentements, destiné à empêcher les Communistes et les Gaullistes, formations opposées entre elles, mais hostiles aux gens en place, de constituer une « majorité négative » Ce qui donne 2/3 des sièges aux partis apparentés lors du scrutin du 17 juin. NB. Au fait : avec le RN et LFI. , F. Bayrou pourrait y songer ...
Pour les premières élections législatives de la Ve République, le Général de Gaulle a penché un temps pour le scrutin de liste départemental à la proportionnelle. Mais il se décide finalement pour le scrutin uninominal à deux tours dans le cadre de l’arrondissement, avec interdiction de se présenter pour la première fois au deuxième tour. Ce mode de scrutin pouvait permettre de casser l’influence des partis politiques nationaux et de favoriser l’élection de personnalités dans un choix pour ou contre la nouvelle République Les résultats donnèrent raison aux auteurs de la loi électorale et l’on s’y tint.
Les élections législatives de 1981 ayant donné aux Socialistes la majorité des sièges à l’Assemblée nationale (le scrutin majoritaire amplifie en général les effets des transferts de voix), ces derniers oublièrent leur revendication et ne changèrent le mode de scrutin qu’à l’approche de leur défaite prévisible aux élections de mars 1986.
La loi du 10 juillet 1985 institue alors le scrutin de liste à la proportionnelle à la plus forte moyenne dans le cadre des départements, aucun département n’étant divisé. Cette loi avait pour objet de limiter la défaite que l’on prévoyait pour les Socialistes et de favoriser l’élection de députés du Front national. Ainsi ces derniers devaient prendre la place de certains députés sortants RPR et UDF. C’est pour cette raison que certains esprits malicieux appelèrent cette loi, la « loi Fabius-Le Pen ». Le Front national remporta 35 sièges, dont le RPR et l’UDF furent privés. Mais la gauche perdit quand même les élections. Le succès RPR-UDF fût suffisant pour que le groupe parlementaire Front National ne pèse pas dans un jeu des alliances.
NB. La majorité RPR-UDF rétablit immédiatement (11 juillet 1986) le scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans le cadre de l’arrondissement, et vota (art. 49 al. 3) un nouveau découpage électoral qui mettait la carte électorale à jour et qui ne la défavorisait pas.
Aux élections législatives des 5 et 12 juin 1988 (organisées à la suite de la dissolution décidée par F. Mitterrand après sa réélection à la présidence de la République), ce mode de scrutin, amplifiant le déplacement de voix, donna la victoire aux candidats socialistes et à leurs alliés.
Un nouveau déplacement de voix a redonné la majorité à la coalition RPR-UDF aux élections générales des 21-28 mars 1993.
- A l’approche des élections législatives prévues pour mars 1998, l’idée était venue à certains hommes politiques de la majorité RPR-UDF, de modifier partiellement la loi électorale, en y introduisant un peu de proportionnelle, de manière à éviter des « triangulaires » dont le résultat promettait de leur être défavorable.
NB. Lors des élections de mai-juin 1997 (organisées après la dissolution) plusieurs députés socialistes durent leur élection au maintien de députés du Front national au deuxième tour.
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